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Être homosexuel à Casablanca

Auteur: huffingtonpost.fr

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L'homosexualité est un tabou qui se dévoile peu à peu au Maroc, même si la loi la criminalise et la société la nie. Au sein de la capitale économique, des homosexuels vivant dans un environnement homophobe et conservateur témoignent pourtant de leur vie sexuelle et affective.

Samedi, 20h, sur le plus grand site de rencontres LGBT au monde, qui héberge plus d'un million de personnes. Parmi elles, des Casablancais, environ 4560 inscrits, et une moyenne de 250 connectés. Tous les profils, tous les âges, des mineurs, des majeurs, des vrais et des faux comptes, tous à la recherche d'un partenaire sexuel ou affectif.

Des rubriques pour les "escorts", d'autres pour les questions médicales et psychologiques, qui donnent la possibilité aux internautes de poser des questions sur leur vie sexuelle ou amoureuse. Sur la première page des connectés, tous les profils défilent, avec des pseudos sans équivoque: Lovly, Soumispourtoi, Actpourpass...

"Tu es motorisé?"

Le samedi soir est une occasion incontournable pour chercher un partenaire, discuter ou fixer un rendez-vous nocturne. Jamal, 34 ans, inscrit sur le site depuis deux ans, confirme que le site aide les homosexuels à se rencontrer, vu le contexte social et culturel: "Planet Romeo (anciennement Gay Romeo), est un paradis pour nous les homosexuels. Il nous facilite la vie, surtout que nous vivons dans une société conservatrice, qui rejette les minorités sexuelles" confie-t-il.

La curiosité nous a amenés à chatter pour connaître le fonctionnement du site. Après l'échange de quelques mots basiques tels que: "Salut, ça va?", les premières questions arrivent: "Que cherches-tu?", "Tu es motorisé?", "Tu as un local?", "T'es passif ou actif?".

D'après Walid, 20 ans, inscrit sur le site depuis 5 ans, "ce genre de questions est presque une tradition, et s'il y a un seul profil qui parle différemment, cela signifie qu'il est exceptionnel ou nouveau sur le site". Planet Romeo donne également la possibilité aux personnes inscrites d'exposer leurs photos, leurs goûts, les informations les concernant, telles que l'âge et la nationalité, voire les goûts sexuels, culinaires, et artistiques.

"I'm gay and I'm proud"

Il est 17 heures. Mahdi, une silhouette féminine et assez fine, une salopette en jeans, des chaussures de cuir, semble décontracté. Âgé de 17 ans, casablancais, lycéen, il a préféré répondre à nos questions en plein air, car il dit n'avoir aucun complexe. Mahdi compte parmi les rares personnes homosexuelles qui s'assument dans une société qui se veut conservatrice sur les questions de sexualité. Il affirme même que "les paroles des gens ne [lui] font aucun effet".

"Pour moi, le seul problème que je rencontre en tant qu'homosexuel, ce sont les insultes de mon entourage, et dans le lycée où je fais mes études. C'est le plus dur". Mahdi est allé jusqu'à faire plusieurs tentatives de suicide, nous raconte-t-il.

Son père avait découvert, sur sa tablette, des photos intimes de son fils avec l'ami qu'il avait reçu de France, rencontré sur Planet Romeo. Le père avait alors viré le copain de Mahdi et menacé de le poursuivre en justice pour "pédophilie".

"Après cet événement horrible, mon père m'a privé de sorties, de téléphone, et il m'a amené chez un psychologue connu. Ce dernier ne m'a pas bien traité, car il a commencé à poser des questions intimes devant ma mère, mais j'ai réussi à négocier avec le psychologue pour qu'il dise à mes parents que j'étais 'guéri' ". Actuellement, Mahdi essaie de combattre l'homophobie de son entourage en se répétant: "I'm gay and I'm proud" ("je suis gay et j'en suis fier").

Casa, gay friendly?

Pour Taha, homosexuel qui souffre aussi de l'homophobie de son entourage, les sites internet et les réseaux sociaux ont facilité d'une manière inexprimable la rencontre entre les minorités sexuelles au Maroc, et plus précisément à Casablanca. Après avoir vécu dans plusieurs villes, Taha sent la différence, et il l'exprime ainsi: "Casa est une grande ville, on est un parmi des millions de gens, personne ne te regarde. C'est le contraire des petites villes, où tout le monde connaît tout le monde, et où notre situation est plus difficile à gérer".

Casablanca serait même une ville "refuge", comme l'affirme Rania, 23 ans, lesbienne et étudiante en droit privé. Petite, voilée, portant un jeans et une chemise, elle confirme que la société marocaine ne cesse de "criminaliser" les homosexuel(le)s marocain(e)s sous des prétextes religieux et sociaux.

"Je me bats encore contre mes parents, qui veulent me marier à mon cousin. C'est invivable, je partirais de la maison si j'avais les moyens de le faire". Pour Rania, le fait d'être lesbienne ne l'empêche pas d'être une musulmane pratiquante: "Je suis lesbienne et musulmane, car la religion est muette sur la question de l'homosexualité. Je demande la réinterprétation des versets de la sourate de Loth, pour rendre justice aux homosexuels".

Une loi contre-nature?

Question justice, l'homosexualité est toujours criminalisée. Selon l'article 489 du code pénal marocain, "est puni d'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 200 à 1.000 dirhams, à moins que le fait ne constitue une infraction plus grave, quiconque commet un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe".

Une peine lourde pour les homosexuels marocains. Pour Walid, "cette loi elle-même est contre-nature et contre l'humanité, car en criminalisant les relations gay, elle criminalise la nature". Rania, elle, garde espoir: "cette loi est devenue obsolète, elle date du protectorat français, le contexte a changé, et elle changera, j'en suis sûre".

Auteur: huffingtonpost.fr
Publié le: Lundi 15 Juin 2015

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