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Vétusté, spécialistes aux abonnés absents, pots-de-vin pour un brancard : la crise sanitaire sans fin à l'Hôpital Régional de Saint-Louis

Auteur: Adama Sy

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Vétusté, spécialistes aux abonnés absents, pots-de-vin pour un brancard : la crise rise sanitaire sans fin à l'Hôpital Régional de Saint-Louis

À l’hôpital régional de Saint-Louis, les plaintes se multiplient. Ce qui devrait être un lieu de guérison semble aujourd’hui se transformer en un véritable calvaire pour de nombreux patients et leurs accompagnants. Manque de médecins spécialistes, absence de communication, conditions d’accueil déplorables : le malaise est profond et visible dans chaque couloir de l’établissement (Reportage).

Des malades livrés à eux-mêmes

Pour beaucoup de patients, se faire soigner à l’hôpital régional de Saint-Louis relève du parcours du combattant. Entre l’attente interminable des spécialistes et l’absence quasi permanente des médecins de garde, les accompagnants de malades se disent souvent abandonnés à leur sort.

« Pour vous dire la vérité, l’hôpital régional de Saint-Louis est le pire que j’aie connu. Ce n’est pas un hôpital, c’est un mouroir », s’indigne une accompagnante sous couvert d’anonymat. « Nous souffrons énormément ici. Même pour interpeller un médecin sur le cas d’un malade, c’est compliqué, surtout la nuit. Il arrive qu’on passe des heures à attendre pendant que le patient souffre sans qu’aucun médecin ne se présente. »

Entre lenteurs dans la prise en charge et pratiques douteuses, le malaise est profond.

La dame d'une quarantaine d'années poursuit son témoignage en racontant une autre expérience bouleversante vécue au service des urgences :

« Mon père devait être transféré au service de chirurgie pour une intervention. On nous a demandé de nous préparer à 10 heures, ce que nous avons fait. Mais ensuite, plus rien. On nous disait d’attendre le brancardier. Nous avons attendu jusqu’à 13 heures, alors que mon père souffrait terriblement », témoigne-t-elle.

Selon elle, c’est un autre accompagnant qui lui aurait expliqué la « procédure officieuse » pour accélérer le transfert du patient.

« Il m’a dit qu’ici, pour qu’un brancardier vienne rapidement, il faut lui donner quelque chose : 1000 ou 2000 francs. Sinon, tu peux attendre des heures. J’ai fini par le faire, et le brancardier est venu presque immédiatement », confie-t-elle, indignée.

La femme se plaint : « Dans un pays normal, c’est inacceptable ! Comment peut-on monnayer le transfert d’un malade dans un hôpital public ? », s’indigne-t-elle, dénonçant également le manque de brancardiers et l’indifférence du personnel.

Elle dénonce aussi un manque criant d’humanité et de professionnalisme au niveau de l’accueil. « Le personnel d’accueil parle mal aux gens. Ils sont très indisciplinés. Pourtant, ceux qui accompagnent des malades ont besoin de soutien, pas d’agressivité. »

Un déficit chronique de spécialistes

Au-delà du comportement du personnel, le véritable problème reste l’absence de médecins spécialistes. D'après le vice-président national de SOS Consommateurs, El-Hadji Ciré Balley Diallo chargé de l'éducation, la santé et les affaires sociales, le Sénégal se doit de combler un déficit de près de 950 médecins spécialistes, notamment en cancérologie, neurochirurgie et anesthésie-réanimation.

Cette réalité frappe la ville tricentenaire où plusieurs patients affirment devoir attendre des jours, voire des semaines, qu’un spécialiste quitte Dakar pour venir consulter à l'hôpital régional de Saint-Louis.

« Je viens de Rosso Béthio. Cela fait une semaine que je suis ici avec ma Sœur. On nous demande d’attendre un spécialiste qui doit venir de Dakar. C’est inacceptable pour une région comme Saint-Louis », se désole un autre accompagnant de malade.

À cela s'ajoute l'absentéisme et le retard de certains agents de santé qui officient dans des cliniques privées, où sont souvent orientés des patients.

Des failles intolérables dans la prise en charge nocturne des patients

La situation se dégrade encore davantage la nuit à l’hôpital régional de Saint-Louis.

Plusieurs accompagnants dénoncent le comportement de certains agents de garde, jugés indifférents et peu réactifs face à la détresse des malades.

« Ceux qui sont de garde la nuit, je ne généralise pas, mais certains sont très paresseux et sans cœur. Quand tu les appelles pour soulager la douleur d’un patient ou simplement pour arrêter une perfusion terminée, ils te répondent “on arrive”, mais ils mettent des heures avant de venir », raconte un autre accompagnant, cette fois-ci habitant de la ville de Saint-Louis.

Ce dernier dénonce une attitude qu’il juge inhumaine et contraire à la déontologie médicale : « Un médecin, c’est avant tout un homme de cœur, d’humanisme, prêt à sauver des vies, pas à les négliger. Ce métier est sacré, il faut que certains d’entre eux en soient conscients. »

Pour cet homme d'origine saint-louisienne, l’hôpital régional doit impérativement corriger cette mauvaise réputation qui s’amplifie au fil des témoignages.

« Tout le monde ne peut pas avoir tort. Nous, nous habitons ici. Nous connaissons la réalité dans cet hôpital, tellement même que si on tombe malade, on a peur de s'y rendre, et c'est dommage pour notre ville de Saint-Louis, réputée pour son hospitalité », conclut-il, amer.

Cet état de fait provoque un engorgement dramatique. En effet, l’hôpital régional est le seul établissement de référence pour toute la région nord du Sénégal, recevant des patients de Saint-Louis, Podor, Richard-Toll, Rosso, Ndioum, entre autres.

Avec une capacité d’accueil limitée, le flux dépasse largement les moyens humains et matériels disponibles.

Des conditions de travail difficiles pour le personnel médical

Un médecin rencontré sur place et ayant requis l’anonymat, confirme la situation difficile :

« Nous travaillons dans des conditions extrêmement compliquées. Le personnel est insuffisant, le matériel manque, et le moral est bas. Certains d’entre nous ne sont même pas encore recrutés dans la fonction publique, malgré des années d’expérience. Le système est lent, les dossiers dorment dans les tiroirs, alors qu’on parle de déficit de médecins spécialistes. C’est paradoxal. »

Le praticien affirme poursuivre sa mission uniquement par passion : « Si nous continuons à porter la blouse, c’est parce que nous avons prêté serment de sauver des vies. Mais la réalité du terrain décourage. L’État doit agir avant que le système ne s’effondre totalement ».

Accueil, contesté et environnement inadapté

Les problèmes matériels viennent s’ajouter au déficit humain. L’hôpital souffre d’une vétusté avancée : salles dégradées, équipements obsolètes et un environnement bruyant dû aux travaux de réfection en cours dans certains services.

« Comment un malade peut-il se reposer alors que des marteaux et des perceuses retentissent toute la journée ? Ce qui se passe ici c'est autre chose », s’interroge un autre accompagnant excédé.

Situé en plein milieu d’un quartier entouré d’écoles, l'hôpital régional est constamment exposé au bruit, accentuant le stress des patients.

Un cri du cœur pour des réformes urgentes

Face à cette situation, les habitants de Saint-Louis réclament la construction d’un nouvel hôpital plus moderne, capable de répondre aux besoins de la région. Ils appellent également les autorités à recruter davantage de médecins spécialistes et à renforcer la formation du personnel.

« Les autorités doivent venir constater ce qui se passe ici. Ce n’est pas digne d’une ville comme Saint-Louis. Nous voulons juste que les malades soient soignés avec respect et professionnalisme, et c'est ce qui nous manque ici à l'hôpital régional de Saint-Louis », implore un citoyen rencontré à la sortie de l’hôpital.

Le cas de Saint-Louis illustre les défaillances d’un système de santé en crise. Entre le manque de ressources humaines, la vétusté des infrastructures et la détresse des patients, les hôpitaux régionaux peinent à remplir leur mission première qui est de soigner.

En attendant une réaction du ministère de la Santé, les malades et leurs familles continuent de souffrir dans le silence.

Et l’hôpital régional de Saint-Louis reste pour beaucoup, un lieu de peur plus que d’espoir.

Auteur: Adama Sy
Publié le: Jeudi 06 Novembre 2025

Commentaires (10)

  • image
    Deugue il y a 10 heures

    Le laxisme, la corruption et le vol mettront ce pays à terre. Li gueune graw moy que tous les secteurs sont impactés.

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    ALPHA il y a 10 heures

    Un reportage qui interpelle et met en lumière les véritables dysfonctionnements des structures de santé en région. L’État a le devoir impérieux d’apporter des solutions concrètes à ces problèmes. Il est inadmissible que les patients soient systématiquement orientés vers Dakar pour se faire soigner. Des villes comme Saint-Louis, tout comme les autres capitales régionales, ont le droit de disposer d’infrastructures sanitaires de même qualité que celles de la capitale.
    Plutôt que de passer l’année à débattre sans fin de questions politiques, l’État comme les populations gagneraient à adopter une approche plus pragmatique, en se concentrant sur les enjeux essentiels tels que la santé et l’éducation.

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    Les. Nouvelles autorités il y a 9 heures

    Les nouvelles autorités doivent agir car elles ont été élues pour régler les problèmes des sénégalais.
    Les mauvaises nominations au Ministère de la santé ne feront qu agraver les problèmes.

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    Citoyen il y a 9 heures

    Il faut surtout relativiser la notion de vétusté. C'est normal que cet hôpital de Saint-Louis soit vétuste, puisqu'il fait partie des premiers hôpitaux ouverts au Sénégal pendant la période coloniale, avec l'hôpital de Gorée et l'hôpital colonial (devenu principal) de Dakar. L'hôpital central indigène (devenu Le Dantec) n'a été ouvert qu'en 1913. Le problème au Sénégal d'une façon générale, c'est la maintenance des établissements publics, surtout les anciens qui pourtant ont valeur de patrimoine. Depuis toujours, la pratique est de laisser le temps faire son effet, de voir tout s'écrouler, avant de réagir pour investir des sommes colossales, qui ne règlent absolument rien. La santé est un droit pour tous les citoyens. Les autorités administratives doivent veiller à créer un juste équilibre entre les différentes régions du pays. Dakar ne doit pas être la destination de tous les malades. Il faut absolument que chaque région dispose d'un hôpital de référence, pourvu de tous les moyens matériels et humains pour une prise en charge efficace des malades. Le terme hôpital de dernière génération que le discours politique a ressassé ces dernières années (cf cas de Le Dantec) n'a pas grande signification, s'il n'est pas accompagné d'actes concrets. D'ailleurs les établissements hospitaliers de Dakar et leurs malades vivent les mêmes problèmes que ceux des régions. Faire par exemple un scanner, une échographie est un problème à Dakar en milieu hospitalier où les matériels sont souvent en panne ou en nombre insuffisant pour faire face à la demande. Avoir un rendez-vous dans des délais raisonnables pose problème, même dans l'urgence, du fait de l'indisponibilité des médecins, de spécialité en particulier. La solution est de se rabattre sur le privé, où on retrouve pourtant ceux qui devraient être dans le public, mais tous les Sénégalais ne peuvent se le permettre, vu les coûts exorbitants. Il revient en fin de compte aux autorités publiques de se pencher de façon sérieuse sur le problème de la Santé, de ne pas se limiter à des états généraux ou concertations nationales. Le diagnostic est fait depuis longtemps, il s'agit de passer à l'acte. Sans un système éducatif performant, sans un système sanitaire performant et accessible à tous, il nous sera difficile d'atteindre nos objectifs de développement

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    Caisses noires ya bon il y a 8 heures

    shithole bledi

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    Ameth il y a 8 heures

    Il faut faire l'audit financier et personnel de tous les hôpitaux qui, s'ils étaient bien gérés n'auraient pas besoin de subventions de l'état. Les paiements des malades sont une part importante des recettes des hôpitaux. Ces recettes sont dans la plupart des ne sont pas utilisés pour le bien être, la restauration et les soins des malades. Ces recettes servent à construire des bâtiments de piètre qualité. Faites le tour à Fann ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, vous verrez une fortune dépensée pour construire des bâtiments non opérationnels et parfois inutilisables. L'entreprise souvent construit en même temps pour X. l'audit du personnel va montrer que 40 à 50 % du personnel n'a aucune compétence, ils sont recrutés dans le village ville ou quartier du patron, des syndicalistes et politiciens, Ces personnes ne servent à ps à grand chose dans le bon fonctionnement de l'hopital beaucoup ne savent ni lire ni écrire, on peut citer le cas de Dalal Jaam. Pour régler le problème il faut une gestion basée sur les résultats qui oblige les directeurs à atteindre les objectifs fixés annuellement. La non atteinte des objectifs fixés entraine un remplacement. Les budgets souvent gonflés devront faire l'objet d'un audit annuel avec une obligation de consacrer 40 % aux équipements techniques. Les constructions doivent être retirées à la direction de l'hopital et transférés à un service dédié pour toutes les constructions du pays. Les conseils d'administrations qui nous coutent des fortunes qui sont les protections des directeurs pour des décisions en dépit du bon sens Quand on donne une indemnité de 1 million de francs au directeur. Les ACP sont aussi une plaie dans les hôpitaux. le modèle doit être revu et corrigé. Il fut peut être aller vers la privatisation. Il faut bannir les prolongations, quand la retraite arrive on s'en va et on arrête les contrats spéciaux. Cela pourrait aider dans l'assainissement des structures hospitalières pour les mettre aux services des malades qui payent pour bénéficier de soins..

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    A passer by il y a 8 heures

    Attendre des actions de la part du ministre de la santé???!!!
    Et le PM à pris quelques jours de congé pour préparer un meeting.

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    WELL''SS il y a 7 heures

    NOUS ALLONS DE PIRE EN PIRE

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    porozet il y a 7 heures

    efficace

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    Patient il y a 5 heures

    Tout ce qui est dit là est vrai sauf sur les brancardiers, ces derniers qui sont souvent de la Croix Rouge sont très gentils et très disponibles. Aussi au niveau de la Mèdecine 4 les docteurs Abibatou, Thiam et Pr Dieye sont exeptionnels. Idem pour Dr Sidy Diallo Gastro. Ortho ak chirurgie moom nioungui noonou rekk

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