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NICOLAS MENHEIM, ARTISTE-COMPOSITEUR : «Sincèrement, je n’ai jamais pensé que j’ai été marabouté»

Auteur: Le Populaire

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Il est l’un des plus grands Salseros du pays, mais depuis 8 ans, sa carrière est en veilleuse. Lui, c’est Nicolas Menheim. L’homme à la voix, qui a fait vibrer des milliers de personnes, était aphone, mais aujourd’hui il parvient à émettre des sons . Il ne chante plus, car sa voix est atteinte d’une maladie. Un mal dont il ne sait pas l’origine car les médecins ont tout fait, mais n’arrivent pas à le guérir. Et Nicolas n’exclut pas que ce soit un maraboutage. Sur sa maladie, sa carrière musicale, ses projets, mais aussi ses débuts, Nicolas Menheim se confie.
Qui est Nicolas Menheim ? 
Ce que je peux dire d’emblée, c’est que je suis originaire du Sine, de la ville de Fatick. Mon père est métis Libanais et ma mère est sérère du Sine, elle est descendante du Bour Sine Coumba Ndoffène, donc une sérère bon teint. Je peux dire aussi que je suis un quarteron. Je suis allé très tôt à l’école tellement j’étais trop turbulent, selon mes parents. J’avais 4 ans quand j’ai débuté mes études à Fatick. C’est ensuite que mon père nous a fait venir à Dakar où j’ai fréquenté les écoles de Baobab et de Dieuppeul. A la suite, je suis retourné à Fatick pour faire le Cm1 et le Cm2. J’ai poursuivi jusqu’au lycée et après mon Bac, j’ai arrêté les études pour apprendre l’anglais, mais parallèlement je faisais de la musique. 

Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir faire de la musique, la Salsa en particulier ? 
J’ai commencé la musique très tôt, je devais avoir 12-13 ans. En ce moment, il y avait la Soul music que j’aimais beaucoup. Je reprenais souvent les chansons de Wilson Pickett, James Brown, Otis Reading, etc. J’avais un professeur M. Diatta, qui m’a fait découvrir et aimer la Salsa, lui c’était un député et il est décédé il n’y a pas longtemps. Chaque fois, j’allais chez lui pour lui faire du thé et un jour il m’a dit : «je vais te faire écouter un autre genre de musique, la Salsa». A l’époque, ce n’était pas la Salsa c’était plutôt la Pachanga. Il m’a fait écouter l’Orchestra Aragon, Johnny Pacheco et Senior Rodriguez. Depuis ce moment, j’ai commencé à prendre goût à la Salsa. Parce que déjà, je comprenais l’espagnol parce que ma grand-mère paternelle avait des origines espagnoles un peu lointaines. J’ai commencé à aimer cette musique et essayé de chanter cette musique. 

Quelles étaient vos impressions la première fois que vous avez écouté la musique Salsa ? 
Je disais qu’il avait quelque chose en moi qui me disait que cette musique fait partie de mon sang. Je suis né au Sénégal et je suis Sénégalais bon teint, mais quand même j’ai des sources Arabo-hispaniques, donc c’est ce qui a fait tilt en moi. Moi, je n’écoutais que de la musique Soul, mais après, aussitôt, j’ai aimé surtout la voix de Abelardo Barrosso qui était finalement devenu mon mentor. J’ai commencé à reprendre ses morceaux et mon père m’expliquait quand j’avais des problèmes pour comprendre certaines partitions parce qu’il y avait beaucoup de formes contractées quand il chantait. Il faut comprendre que la musique cubaine, c’est la musique métis, c’est la musique orientale, c’est la musique africaine. Et il y a aussi de la mélodie occidentale. Donc tous ces genres musicaux qui se rencontrent et qui se confondent dans la musique cubaine, je le ressens en moi. Ce qui fait que ça perdure, ce n’est pas un truc de mélodie, c’est une philosophie, un classique. Ça perdure jusqu’à la mort. 

Quelles étaient vos influences musicales ? 
C’est indiscutablement Benny Moré et Abelardo Barrosso. Ce sont les plus grands Salseros que les Cubains ont connus. Même si vous allez tout de suite à Cuba, avant d’atterrir, vous verrez la statue de Benny Moré, c’est l’immortel. La Salsa, ce n’est pas une musique purement sénégalaise, elle a une connotation africaine et c’est pour cela que nous étions si sensibles à cette musique. Géographiquement, nous sommes séparés. Mais sur le plan «âme», on est très lié. 

Comment s’est forgé Nicolas Menheim, le Salsero ? 
J’ai joué dans l’orchestre «Le Diouniougne» de Fatick, c’était à mes débuts. J’avais l’habitude de chantonner à la maison et un jour, un de mes cousins me dit : «Nicolas, ta voix peut passer, mais est-ce que tu pourrais chanter avec un orchestre». Après un tour de thé, je me souviens, nous sommes partis à la maison des jeunes de Fatick et il y avait une chanson qui s’appelait Esperanza de l’Orchestra Broadway. C’est la première chanson que j’ai eu à reprendre dans ma carrière et c’était une réussite. Satisfait, le groupe m’a fait confiance en me faisant chanter non seulement la Soul musique, mais aussi la Pachanga. Au fil du temps, j’ai rencontré Médoune Diallo lorsqu’il est venu avec le «Baobab» à Fatick. Un soir, il y avait un radio-crochet et sous la demande persistante de mes amis, j’ai chanté avec le «Baobab». C’est comme ça que j’ai connu Médoune et les autres et j’allais les voir jouer tout le temps. Et le groupe «Number One», c’est par l’intermédiaire de feu Bassirou Lô que j’ai fait la rencontre de Pape Seck. Un soir, Bassirou m’a dit qu’on va aller voir un groupe que je ne connaissais pas encore, le «Number one», c’était dans les années 80. Il m’a amené là-bas, j’ai fait un boeuf et Pape Seck m’a dit : «Toi, il faut que je te fasse travailler avec le groupe». C’est comme ça que j’ai intégré «Number One». Et, quand il y a eu l’orchestre national, Pape Seck a proposé mes services à Abdourahmane Diop, le directeur de l’orchestre. J’ai fait un test et ils m’ont intégré dans l’orchestre national. Et quand il a fallu aussi créer Africando, Pape Seck a demandé que je sois le troisième Africando. 

Cette facilité à intégrer les orchestres, est-ce dû au fait que vous chantez très bien ? 
(Rires…) Ça, c’est vous qui le dites. Moi, je ne peux pas m’apprécier, mais j’essayais toujours de bien faire ce que je produis pour le public. Il y a des gens qui m’aiment et je fais toujours de mon mieux pour les satisfaire. J’ai quand même fait des études en musique et puis j’ai appris à jouer le piano pour comprendre les accords. Parce que c’est bien d’avoir un instrument harmonique pour pouvoir composer, pour pouvoir faire correctement de la musique. C’est très important. J’aime la Salsa, je m’investis là-dessus. 

Comment expliquez-vous le succès de votre carrière musicale dans la Salsa ? 
Bon ! Ce n’est pas moi seul, c’est le travail de toute une équipe. On a beau avoir du talent, mais si on ne l’exploite pas, s’il n’y a pas quelqu’un qui peut t’appuyer, on ne peut pas passer. Donc, j’ai eu la chance d’avoir rencontré Ibrahima Seck qui est un producteur exemplaire qui m’a beaucoup conseillé, avec qui j’ai travaillé à New-York, à Paris, pour faire des disques et le tour du monde en tournée. Et c’est après que j’ai arrêté. Mais, lui, vraiment il était un bon coéquipier. On avait une bonne équipe derrière, c’est ce qui faisait le succès du groupe Africando. 

Vous avez arrêté. Pourquoi ? 
Cela fait 8 ans que j’ai perdu la voix. Tout d’un coup, je n’arrivais plus à chanter. C’est arrivé un jour où je faisais une animation dans une boîte de nuit et à la pause, une dame est venue me voir et m’a demandé si je n’avais pas senti que ma voix a changé. Et le lendemain, hop, ma voix a disparu. Aujourd’hui, je fais un peu plus d’effort pour sortir les notes. Avant, ce n’était pas le cas. Maintenant, je sens de manière difficile, certes, les tonalités et les notes. 

Qu’est-ce que vous avez fait pour y remédier ? 
J’ai consulté les meilleurs spécialistes en Orl, mais aucun problème n’est constaté sur les cordes vocales. À Cuba, j’ai été hospitalisé à l’hôpital pendant un mois, mais mes cordes vocales sont intactes. Seulement, il y a une hypertrophie des muscles qui sont en dessous des cordes qui sont un peu gorgés. Ce qui empêche les cordes vocales de vibrer. C’est ça ma maladie. A cuba, aussi, les médecins avaient remarqué que j’avais un petit kyste en dessus des cordes vocales, mais ils n’ont pas essayé de l’enlever donc je me dis que ce n’était pas si grave. Je continue de faire des exercices vocaux et à prendre quelques médicaments aussi. On m’a recommandé d’aller en France ou aux Etats-Unis pour me faire consulter parce que là-bas il y a des gens qui perdent la voix, mais une fois traités ils retrouvent leur voix d’avant. C’est ainsi qu’on m’a donné le nom du docteur, un spécialiste en Orl, mais un ancien chanteur d’opéra. Il a eu à ausculter tous les grands chanteurs. Mais croyez-moi, mon état s’améliore un peu maintenant. 

Nous sommes en Afrique, nous avons nos réalités. Alors, n’avez-vous pas tenté de vous faire ausculter par un marabout ? 
Les médecins ont fait un diagnostic, ils ont détecté un kyste qui peut gêner et empêcher les cordes de vibrer normalement. Ils ont vu aussi qu’il y avait une hypertrophie, mais d’abord essayons de traiter ça. Et si après cela ne va pas, maintenant on peut voir dans l’autre sens. Et il y a même un docteur qui m’a dit que le kyste n’a pas sa place ici et il a raison. 

N’avez-vous pas pensez que vous étiez victime de maraboutage vu que vous évoluez dans un milieu où il y a une grande rivalité ? 
C’est possible. Pour ne rien vous cachez, on m’a dit tout le temps que ma maladie relève d’un maraboutage. Je suis une fois allé à Abidjan avec des amis Salseros, nous nous sommes installés autour d’une table, on nous a servis à boire. A un moment donné, j’ai quitté la table et quand je suis revenu, je voulais reprendre ma boisson et un Nigérien qui était à côté de moi m’a arrêté net au moment où je m’apprêtais à boire ma boisson. «Tu es encore jeune, l’Afrique a besoin de toi», me dit-il. Sur ce, il a appelé une autre serveuse qui m’a servi une autre bouteille. Depuis lors, je faisais attention à tout cela, mais je ne sais pas trop. Ce qui est arrivé est arrivé. Je ne sais vraiment pas si on m’a marabouté ou si c’est une maladie comme tant d’autre. Sincèrement, Billahi, je n’ai jamais pensé que c’est l’œuvre d’une personne, que j’ai été marabouté. 

Donc vous ne croyez pas trop au maraboutage ? Vous n’êtes pas prêt à aller découvrir la médecine traditionnelle ? 
Ça existe. Et j’y crois. J’irais voir les médecins traditionnels. Je le ferai parce qu’il s’agit de ma carrière, je ne peux pas priver mes fans de ma voix. Des fois, je rencontre des fans qui s’apitoient sur mon sort et ne serait ce que pour ces gens-là, je le ferai. Même pas plus tard qu’hier (mercredi), un ami m’a donné le nom d’un certain Saïb pour aller le voir et le cousin avec qui j’étais m’a dit qu’il m’y conduira de force. 

Êtes-vous optimiste, pensez-vous vraiment que vous allez retrouver votre voix d’avant ? 
C’est une maladie qui doit venir, ça vient de Dieu et il va guérir cette maladie Inch Allah. Mais ma mère m’a dit qu’il ne faut jamais accuser quelqu’un. Je crois fortement, sincèrement à ce qu’elle m’a dit. Les gens me disent souvent que ça relève de la mystique, mais moi je préfère attendre, voir ce que les médecins me diront avant d’entreprendre autre chose. Il y a des gens qui peuvent prier pour que la maladie disparaisse parce que nous avons des érudits et des saints dans ce pays. On m’a même donné des noms des personnes à aller voir, mais je vais tenter. Je vais rechanter Inch Allah, je vais rechanter dans mon propre complexe, je vais jouer là-bas les vendredis, samedis et dimanches. Il me reste beaucoup à faire dans la musique, j’ai écrit des chansons que j’ai mises dans le frigo pour le moment. Alors, il va falloir que je le sorte parce que j’ai envie de les sortir. Je ne suis pas prêt à renoncer à la musique. Je chanterai jusqu’à la mort. Le miracle existe. Inch Allah, je vais m’en sortir. Le moment venu je vais faire une entrée fracassante, je vous le promets. 

Qu’en est–il de votre carrière ? 
Je remercie Dieu, c’est lui qui m’a permis d’avoir l’opportunité de rencontrer de grandes personnes qui m’ont aidé dans ma carrière musicale et jusqu’au moment où je vous parle, si j’avais à refaire ma vie sur le plan carrière, cela se passerait exactement de la même manière. Je n’ai rien à regretter. Je remercie tous ceux qui m’ont aidé de près ou de loin et tous les gens qui m’aiment qui sont tapis dans l’ombre et que je n’ai jamais vus et ceux que je vois aussi tous les soirs quand je sors de mon travail. 

Avez-vous des projets en cours ? 
J’ai formé un groupe et j’ai laissé même mon répertoire au chanteur pour qu’il travaille mes chansons et tout cela en attendant que je travaille sur de nouvelles compositions. Je veux créer un centre avec différents compartiments, où les gens vont se rencontrer. Un centre de loisirs et une bibliothèque où il y aura de la documentation sur les grandes musiques et musiciens de l’époque. Et ça sera pour les jeunes.. 
Auteur: Le Populaire
Publié le: Samedi 26 Novembre 2011

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