Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec YSL?
C‘est comme si c’était hier ! Ma rencontre avec Monsieur Saint Laurent s’est passée lors de mon premier casting auprès de sa maison de couture, le moment tant attendu de toute ma carrière, un instant magique où le rêve devenait réalité. Il était assis derrière son immense bureau, un peu recroquevillé dans son fauteuil… Quand j’ai franchi la porte de son atelier, mon souhait le plus cher, comme tout mannequin, était de devenir sa nouvelle muse. Sans un mot, je délais de long en large dans une grande pièce aux murs tapissés de miroirs jusqu’au plafond et où par moment je pouvais apercevoir son regard qui me scrutait sous toutes les coutures, le tout dans un silence de plomb. On se serait cru dans un lm muet des années 30… Malgré l’angoisse et le trac, je me suis alors sentie pousser des ailes. Sa présence avait quelque chose de rassurant : je virevoltais, essayant de me rendre encore plus légère, comme si je flottais, pour ressembler à ses croquis qui donnaient l’impression que ses modèles étaient suspendus dans l’air. Il nit par sourire et par dire « Oohh ! elle est belle ! » Ce fut pour moi un instant d’extase, un moment inoubliable et le début d’une merveilleuse aventure durant laquelle j’ai appris à me modeler en une femme Saint Laurent et à me perfectionner pour toujours être en phase avec ses attentes et cela jusqu’au jour de la fermeture de la maison YSL. Ce jour-là, je me rappelle avoir ni de ranger et d’aider à empiler les cartons. Alors que j’étais prête à quitter les lieux, Monsieur Saint Laurent a voulu revoir une des pièces uniques de la collection africaine. Ce fut mon dernier essayage avec lui et le dernier qu’il commanda. Ses moments resteront à jamais gravés 14 International Working Lady dans ma mémoire.
Le considérez-vous toujours comme votre père spirituel de la mode?
Je dirais qu’il restera toujours pour moi un personnage emblématique qui a marqué l’histoire de la mode et qui a influencé ma carrière de façon déterminante. De ce fait je l’ai toujours considéré comme un guide dans la mode. C’était un homme passionné. Je me souviens qu’il pouvait passer des journées entières penché sur ses croquis, cherchant toujours de nouvelles matières et créant inlassablement des nouvelles silhouettes. Son atelier était toujours couvert de dessins qui finissaient par couvrir le sol comme un gigantesque tableau. Il nous arrivait parfois d’oublier qu’il était là tant il se fondait dans sa bulle créative.
Comment avez-vous vécu sa disparition?
Pour tous ceux qui l’ont connu ce fut une grande perte, tant pour l’homme que pour le créateur qu’il était. Pour moi ce fut une grande tristesse car il m’avait donné ma chance et m’avait beaucoup appris.
Quel est votre moteur, qu’est-ce qui vous fait avancer?
L’envie d’exceller dans tout ce que j’entreprends et de vouloir toujours faire mieux. J’ai toujours eu beaucoup de zèle et une grande foi en moi-même. Je crois en mes capacités et au fait qu’il me faille toujours réévaluer mes aptitudes pour mieux exceller car j’ai appris très tôt que quand on est une jeune fille noire dans ce milieu et seule face à ses rêves, il faut être forte et déterminée et toujours prouver plus que les autres pour être prise au sérieux.
Quelles sont selon vous les dés de la mode africaine?
L’industrie de la mode africaine a besoin de se mettre au standard international, à l’instar de l’Asie et de l’Amérique latine, si elle veut arriver à sortir de ses frontières, et non plus seulement servir à aiguayer les soirées de gala et les cérémonies o?cielles. Il lui faut adopter des technologies modernes pour un meilleur traitement et un meilleur rendu des textiles que l’on retrouve souvent dans les créations des stylistes africains comme le raphia ou le pagne tissée.
Comment se sont passées vos expériences dans le cinéma et la musique?
Le cinéma est un univers que j’ai aimé côtoyer à travers les rôles que j’ai incarnés et dans lesquels je me sentais à l’aise. Cela reste pour moi de belles expériences tout en sachant que c’est un métier dur et qu’on ne s’improvise pas actrice du jour au lendemain. Avec les Models, j’ai fait une tranche de carrière dans la musique. Grâce au succès de nos disques, j’ai pu faire le tour du monde et rencontrer des gens incroyables. Après cela j’ai vécu quelques années à New-York, pour ensuite retourner au Sénégal et y créer une agence de mannequins et de promotion artistique, une aventure qui a duré presque deux années. Depuis je suis revenue vivre en Europe et me suis installée au Luxembourg d’où je continue à m’engager pour des causes qui me tiennent vraiment à coeur.
Parlez nous en bref de votre association: comment vous y êtes-vous engagée?
C’est la rencontre avec une personne humainement très investie comme moi dans les actions et les aides humanitaires qui a tout déclenché. Il s’agit de David Foka, créateur de la Maison d’Afrique au Luxembourg, dans laquelle j’ai pris mes responsabilités en tant qu’administrateur déléguée en charge des relations publiques et de la coordination des évènements. La M.A.L. est un organisme qui permet à tout le peuple africain vivant au Luxembourg de s’exprimer d’une seule voix et de contribuer à une meilleure vie ensemble.
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