LA RENCONTRE AVEC OUZA : «Ouza aime et recherche la perfection, donc nous en bavions» Ibeu Kébé dite Bou Ndaw Samb : «J’ai rejoint Ouza en 1990. Nos journées étaient rythmées par les répétitions et les spectacles. Quand je ne répétais pas, je faisais les chœurs pour Madiodio au Théâtre national Daniel Sorano. Le concept des «Filles branchées» est venu d’Ouza. Nous étions des filles très branchées côté mode et très intéressées par la musique. Ouza était un encadreur hors-pair. Et avec les autres filles, on avait poussé l’amitié jusqu’à s’échanger nos vêtements. On partageait aussi les mêmes chambres d’hôtel lors de nos tournées. L’ambiance était bon enfant, mais il m’arrivait d’être en froid avec Ouza. Je m’enfermais alors dans une chambre et j’entonnais un refrain de «Dunyaa» pour l’adoucir. Je l’entendais alors crier son dépit et c’en était fini de notre querelle (rires). Nous avons fonctionné ainsi pendant 5 ans (…) Adiouza aimait se joindre à nous quand nous répétions. Elle était une gamine très éveillée et espiègle. Son père la chassait toujours en lui interdisant de toucher aux instruments. J’avoue que par moments, il nous arrivait de céder au découragement. Surtout quand les gens nous interpellaient en nous disant : «Vous là, vous passez vos journées à répéter ? Vous comptez vous éternisez dans le métier de choriste ?» C’était un peu frustrant car on ne savait pas quoi répondre.» Touty Mbaye : «Les répétitions se déroulaient de 8h à 20h dans une ambiance détendue. Nous étions une famille parce que nous sommes toutes des cousines. Adiouza se mettait souvent sur nos genoux quand nous répétions. A cette époque, son père ne voulait pas qu’elle fasse de la musique. Elle a grandi devant nos yeux. Nous étions des passionnées de musique et nous avons répété pendant une année avant de sortir notre premier album («Ya may wo»). Il n’y a jamais eu de frictions entre nous. La tension était parfois au rendez-vous parce qu’Ouza était un perfectionniste. Un jour, alors qu’on enregistrait la chanson «Président», il m’a tellement crié dessus que j’avais pris la décision de démissionner. Nous travaillons comme si nous étions dans un Conservatoire. Le succès est venu avec l’album «Khadimo», mais il ne nous est pas monté à la tête. Nous multiplions les tournées, mais nous ne gagnions pas grand chose. Nous n’étions pas intéressées par l’argent, mais plutôt par la reconnaissance du public et l’amour de la musique. Nous étions rémunérées en fonction de nos prestations.» Absa Samb : «Lorsqu’il s’est présenté, je lui ai rétorqué: «Ah bon, c’est toi Ouza ?» Cela l’a fait sourire. Puis, j’ai été testée sur «Beuré lén goor gni», je devais alors avoir 17 ans. Ouza m’a stoppée dès que j’eus entonné les premières notes de cette chanson. C’était exactement ce qu’il cherchait. On a alors formé le groupe. Ce fut une amitié forte autour d’une même passion. On a travaillé très dur, coachées par Ouza, et il n’est pas tendre du point de vue professionnel. Il aime et recherche la perfection, donc nous en bavions. Il aimait, après nous avoir patiemment écouté chanter, nous envoyer balader. Il nous arrivait de pleurer et de nous rebeller, surtout moi qui étais la benjamine du groupe. On était, une fois, en tournée en Gambie et sur scène, je me suis mise à me disputer avec lui pour une remarque mal placée. Le cocasse est que les spectateurs pensaient que cela faisait partie de la chanson. On a aussi eu des moments heureux comme ce jour où nous devions donner une prestation au Méridien devant Amath Dansokho. On devait faire la première partie derrière l’Orchestre national de Sorano qui nous snobait. Nous avons été les stars de la soirée au finish, Ouza avait été fort ému. Le succès est arrivé très vite et a duré 5 ans, de 1990 à 1995. 5 années durant lesquelles on a fait 5 albums dont les fameux «Modou-modou» et «Khadimo». «Dunyaa gassi» «i’m sorry» est le dernier album avant la séparation.» LA RUPTURE : «On a senti la nécessité de voler de nos propres ailes» Bou Ndaw Samb : «J’ai quitté le groupe d’Ouza après la venue de Shulah. J’avouerais que je me suis essoufflée après la sortie de nos albums («Modou-modou», «I’m sorry», «Ya may woo», etc.) Il était écrit que nos chemins devaient se séparer là. Mais, j’entretiens toujours d’excellentes relations avec Ouza. Le compagnonnage avec Ouza n’était pas toujours facile. Une fois, nous sommes allés en tournée en Casamance et nous sommes rentrés sans un seul rond. Ouza était une montagne de bonté, mais nous ne gagnions pas grand-chose avec lui. Cependant, j’ai beaucoup regretté mon départ du groupe. Ma rupture avec Ouza m’a beaucoup affectée. J’étais jeune et je me suis laissé emporter par mon orgueil. On revenait d’une tournée en Hollande et je lui ai dit que j’arrêtais. Il a insisté pour savoir pourquoi je lâchais tout, mais je lui ai juste dit que j’arrêtais. Il m’a dit «Tant pis». Il était très en colère. Et depuis lors, il ne se passe pas une journée sans que je regrette cette décision.» Touty Mbaye : «Le groupe des filles branchées a éclaté en 1995. Nous avons quitté le groupe de notre plein gré, quand nous avons senti la nécessité de voler de nos propres ailes. Nous avons avisé père Ouza et nous sommes parties pour nous consacrer à notre carrière, Absa et moi. En ce temps, Bou Ndaw était à Mbour. A son retour, elle a trouvé que nous avions déjà quitté.» Absa Samb : «Ce devait arriver, on a fait notre temps avec lui. C’est parti d’un petit problème avec Astou Cissokho, c’est devenu latent et avec Touty, nous avons décidé d’arrêter. On n’a eu aucun problème avec Ouza qui reste notre père, notre ami et notre confident.» 
   
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