[Focus] Serviettes hygiéniques, les enjeux cachés d’un objet du quotidien
L’affaire Softcare a récemment remis au cœur de l'actualité le débat sur les conséquences sanitaires de l’utilisation de certaines serviettes hygiéniques, ainsi que sur les zones d’ombre entourant leur composition. Dans les salles de classe, les maternités et les foyers sénégalais, ces protections font partie du quotidien de millions de femmes. Pourtant, derrière cet objet banal se cachent des risques sanitaires, environnementaux et sociaux documentés par la science, mais encore largement absents du débat public national.
Des études de santé publique, notamment celles publiées dans Population Health Metrics, démontrent que la précarité menstruelle contribue directement à la hausse des infections chez les adolescentes. Ce phénomène est bien réel au Sénégal. Lors d’un amphi pédagogique au lycée John Fitzgerald Kennedy de Dakar, la sage-femme Ramatoulaye Samb témoignait de cette réalité invisible : « Nous constatons des irritations et des infections, surtout chez les jeunes filles qui gardent la même serviette toute la journée par manque de moyens. Mais on n’en parle presque jamais comme d’un problème de santé publique. »
Une composition chimique sous haute surveillance
Le risque est accentué par la composition même de ces produits. Une revue scientifique publiée en 2025 dans le Journal of Materials Science révèle que les serviettes jetables sont un concentré de plastiques, de cellulose blanchie, de colles industrielles et de polymères super-absorbants. Le problème majeur réside dans l’absence d’obligation de transparence complète imposée aux fabricants. Au Sénégal, où la majorité des serviettes sont importées, aucun contrôle spécifique n'est exercé sur leur composition chimique avant leur mise sur le marché.
Cette opacité est d'autant plus inquiétante qu'une revue systématique publiée dans la revue médicale BJOG alerte sur la présence possible de phtalates, de parabènes et de résidus de blanchiment comme les dioxines. Les experts rappellent que les muqueuses génitales absorbent les substances chimiques plus facilement que la peau classique. L’absence de recherche locale et de mécanismes de contrôle renforce l'invisibilité d'un risque pourtant sérieux pour la santé reproductive.
Un impact environnemental et social majeur
Au-delà de la santé individuelle, le désastre est environnemental. Selon l'étude Life Cycle Assessment of Menstrual Products, une femme produit en moyenne plus de 150 kg de déchets menstruels au cours de sa vie. Au Sénégal, ces déchets ne font l’objet d’aucun tri spécifique. Ils finissent dans les décharges ou sont brûlés à l’air libre, libérant des substances toxiques. Dans de nombreuses communes, ces produits usagés obstruent les canaux d'évacuation, rappelant que ces protections contiennent une part importante de plastique non biodégradable.
Enfin, la dimension sociale reste le point aveugle des politiques publiques. Pour de nombreuses familles sénégalaises, l'achat de serviettes hygiéniques n'est pas une priorité budgétaire. Cette précarité pousse des jeunes filles à utiliser des chiffons ou du papier, des méthodes rudimentaires qui augmentent les risques sanitaires et nourrissent un sentiment de honte. Pour Moussa Diallo, auteur d’une enquête sur le secteur, « les produits menstruels ne peuvent plus être considérés comme de simples biens de consommation, mais comme un enjeu majeur de santé publique ».
Face à cette accumulation de preuves scientifiques, les professionnels de santé appellent à une réglementation stricte, une transparence obligatoire sur les composants et l'intégration de la santé menstruelle dans les programmes scolaires sénégalais.
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