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La césarienne au Sénégal : Entre soin vital et la crainte d’être stigmatisé

Auteur: Sokhna Faty Isseu SAMB

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La césarienne au Sénégal : Entre soin vital et la crainte d’être stigmatisé

Au Sénégal, la naissance d’un enfant s’accompagne d’une question récurrente : « normale ou par césarienne ? »  

Derrière cette formule, un jugement social qui hiérarchise les mères et redéfinit la maternité.  

Le bonheur d’une jeune mère est parfois brisé dès la salle de réveil par la pression familiale. Mame Diarra Diop en témoigne .

« J’étais encore dans le lit de l’hôpital, épuisée, mais tellement heureuse que mon fils soit là, sain et sauf, après l’urgence» , se rejouit-elle.

Son récit bascule à l’arrivée de sa belle-mère.

« Elle m’a à peine regardée et m’a lancé : “Tu as accouché par césarienne. Ton bassin n’est pas assez fort. La prochaine fois, il faudra prier pour un vrai accouchement, pour que tu sois une vraie mère.”» , raconte Diarra le visage triste.

Ce jugement brutal a mis une parenthèse sur la joie de la jeune maman. « J’ai senti tout mon bonheur s’effondrer. Là, j’ai compris que mon enfant allait subir de la stigmatisation de la part de sa propre famille», confie-t-elle. 

Elle ne s'était pas trompée, quatre années plus tard, cette « différence » est utilisée contre son fils. 

« J’ai quatre belles-sœurs qui ont toutes accouché par voie basse. À chaque fois que mon enfant se dispute avec leurs enfants, ils lui disent qu’il doit rester tranquille, car il n’est pas né comme les autres », raconte-t-elle, les yeux larmoyants.  

Quand la peur mène au drame

C’est à cause de ce genre de pression que des femmes comme Fanta Diao prennent des risques démesurés. À 38 ans, souffrant de goitre, elle avait reçu une interdiction formelle de retomber enceinte. Malgré cela, une nouvelle grossesse survient, et le suivi médical est clair.

« Le médecin m’a dit que c’était une grossesse à risque. J’ai passé beaucoup de temps à l’hôpital. À mon cinquième mois, il m’a fait savoir que je devais accoucher par césarienne », confie Fanta.  

Pour elle, cette annonce est synonyme de déshonneur. « Il était hors de question que j’accouche par césarienne. Je suis forte et je n’acceptais pas d’être la première césarisée de ma famille, ce serait un déshonneur », pensait-elle.  

Malgré le risque, elle manque ses rendez-vous médicaux, dépasse son terme et consulte un guérisseur traditionnel qui lui prescrit des prières et des bains et décoctions « anti-césarienne ».  

Un jour, une douleur atroce l’oblige à aller à l’hôpital. Après une échographie, la mauvaise nouvelle tombe : « Le cœur du bébé a lâché », se remémore-t-elle avec peine. Des saignements abondants imposent une césarienne d’urgence, qu’elle et sa mère refusent dans un premier temps. C’est l’intervention du médecin, soutenu par son époux, qui finit par la convaincre.  

« Après, j’ai compris qu’il n’y a pas d’accouchement facile. Que ce soit la césarienne ou la voie basse, donner naissance est toujours dur », conclut-elle.  

Les conséquences médicales du refus

La césarienne est, dans sa fonction première, un acte de sauvetage. Elle permet de dénouer des situations d’urgence et de réduire significativement la mortalité maternelle et infantile. Pourtant, dans de nombreuses cultures, elle reste perçue comme un stigmate, car elle empêche la douleur et l’épreuve physique comme condition sine qua non de la légitimité maternelle.  

Le Docteur Abibou Ndiaye, gynécologue obstétricien, souligne l’urgence de cette situation culturelle et revient sur les mythes et leurs conséquences médicales.

« Il y a un mythe sur la césarienne. Des gens pensent que cela va diminuer tes compétences, ta force, que tu ne seras plus comme avant. C’est surtout pour cette raison qu’elles refusent de se faire opérer» , explique le médecin.

Selon lui, certaines patientes sont paralysées par cette peur sociale, les poussant à prendre des décisions pas salutaires. « Elles peuvent rester chez elles jusqu’à dépasser le terme de leur grossesse, menant à des mort-nés», prévient le gynécologue. 

Il poursuit en mettant en garde sur les dangers des remèdes parallèles.« Il y a un impact défavorable sur la prise de décoction. Ça peut avoir des conséquences comme une rupture utérine, des hémorragies massives, des décès maternels, des asphyxies néonatales, des morts-nés, et parfois même une perte définitive de l’utérus", liste docteur Ndiaye.

Vaincre la Stigmatisation  

Dr Abibou Ndiaye note une diminution du phénomène grâce aux efforts de sensibilisation du corps médical, mais appelle à renforcer la communication. 

 «Le personnel de santé doit présenter le déroulement des consultations prénatales, expliquer les bénéfices éventuels de la césarienne et accompagner les femmes dans la préparation à l’accouchement, afin qu’elles puissent comprendre l’ensemble du processus.»  

‎Pour Aissatou Diene, marraine de quartier, l’essentiel n’est pas la manière dont on donne naissance, mais l’issue heureuse : celle de tenir son enfant vivant dans les bras.  

‎« Peu importe par quel moyen on accouche, le plus important c’est d’avoir une issue heureuse, celle de serrer son bébé contre soi », affirme-t-elle avec conviction.  

‎Elle rappelle que l’accouchement par voie basse n’est pas exempt de risques : « Les enfants d’aujourd’hui ne sont plus en bonne santé comme avant. Certaines femmes souffrent de tension et cela complique l’accouchement. »  

‎Face à ces réalités, elle appelle à la confiance envers le corps médical : « Il faut faire confiance aux médecins et arrêter de croire en certains mythes. Ces croyances ne créent que des problèmes pour les femmes enceintes. »  

‎Son expérience de marraine lui a permis de voir des drames et des réussites : « J’ai vu des femmes accoucher par voie basse et perdre la vie ou leurs bébés. J’en ai vu d’autres accoucher par césarienne et se porter très bien. »  

‎Elle conclut avec un rappel simple mais essentiel : « Les médecins ne font recours à la césarienne que si c’est nécessaire. »  

‎L’Analyse du Sociologue : Quand la Culture Façonne le Jugement

‎Le sociologue Mouhamadou Ibnou Konteye rappelle d’emblée que le débat ne devrait pas opposer voie basse et césarienne.

‎« Je ne poserai pas le débat en ces termes, car l’essentiel réside dans la maternité elle-même, qu’elle résulte d’un accouchement par voie basse ou par césarienne. »  

‎Il explique toutefois l’origine du mythe selon lequel accoucher par voie basse rendrait une femme « plus femme ».

‎« Dans les sociétés patriarcales, la femme est fréquemment définie à travers sa capacité reproductive. Comme le souligne Jean-Marc Ela, il n’y a pas de féminité sans maternité. »  

‎Cette vision essentialiste, poursuit-il, nourrit la croyance que les rites de fécondité sont un passage quasi obligatoire pour les jeunes filles. « La reproduction dépasse largement la dimension biologique : elle devient un fait social total, ritualisé, codifié et ancré dans un système de croyances et de prescriptions culturelles» , explique l'expert.

‎Pour Konteye, ces représentations ont longtemps structuré la société sénégalaise. « L’accouchement, qu’il soit par voie basse ou par césarienne, est perçu comme une confirmation sociale de la capacité reproductive féminine. »  

‎Il rappelle que ces normes ont été progressivement interrogées par les mouvements féministes. « Le questionnement est apparu dans les œuvres littéraires de femmes comme Mariama Bâ ou Aminata Sow Fall, avant d’être théorisé par des chercheuses telles que Marie Angélique Savané, Fatou Diop Sall ou Fatou Sow. »  

‎Ces réflexions, ajoute-t-il, ont été relayées par des organisations comme le COSEF, l’AJS ou le Réseau Siggil Jigeen. « Ces acteurs ont montré que la féminité et la maternité sont des constructions sociales, et non des caractéristiques naturelles. »  

‎Conséquences sociales pour les femmes

‎Le sociologue insiste sur les impacts de ce mythe .

‎« L’idée selon laquelle accoucher par voie basse rendrait une femme plus femme impose une norme de conformité. Elle fait de cet accouchement un marqueur de légitimité sociale et identitaire», regrette-t-il.

‎Cette conception, explique Konteye, se traduit par des pressions et des attentes fortes. « Dans un contexte où la maternité est valorisée, de nombreuses femmes se sentent contraintes de réussir leur accouchement selon les standards culturels. »  

‎Et lorsque la césarienne s’avère nécessaire, les conséquences sont lourdes.

‎« Certaines femmes ressentent de la culpabilité ou un sentiment d’échec personnel, avec l’impression que leur corps n’a pas fait le travail. Ce mythe engendre des distinctions symboliques entre les femmes et accentue la stigmatisation» .

Auteur: Sokhna Faty Isseu SAMB
Publié le: Jeudi 11 Décembre 2025

Commentaires (13)

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    Visus_Mali il y a 2 heures

    Le malheur des femmes vient à 99% d'autres femmes

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    Iba il y a 3 heures

    Un businnes entre les médecins et les cliniques. C'est tout.
    faites l'étude comparée sur le taux de césarienne entre l 'hopital Abass ndao et les cliniques privées de Dakar.

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    Défenseur il y a 3 heures

    Courage aux femmes mariés et médecins également

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    Thiopati il y a 4 heures

    On s'en fou, le plus important c'dst de mettre au monde la voie n'est pas importante

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    Hum… il y a 4 heures

    Hum… un seul exemple suffit-il pour généraliser que nos femmes sont stigmatisées lorsqu’elles accouchent par césarienne? Je viens d’une localité très conservatrice mais je n’ai jamais entendu une histoire de femme stigmatisée pour une césarienne. Au contraire, les gens sont très heureux que la maman et son bébé soient sains et saufs. Et c’est toujours l’état de santé de la maman qui nous préoccupe en premier.

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    parfaite_verite il y a 4 heures

    encore ces ONG et organisations féminines de promotion ou de protection de la femme qui doivent justifier les financements extérieurs du satanisme internationale
    ils font tout pour mettre la femme en cesarienne dans le but de réduire les africains et les femmes n'en sont pas encore conscientes.
    les femmes qui partent travailler au bureau sont le plus malheureuse car restant asit pendant longtemps lors des grossesses vous vous fatiguez par la suite

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    Mister Dji il y a 4 heures

    Ce n'est pas parce que ça ne vous est pas arrivé que ce nest pas vrai.

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    Diambar il y a 5 heures

    dans ce pays on critique tout et rien. habituellement sans arguments fondés et sans raison . Même à votre mort on continuera de critiquer votre cadavre

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    Lokokolo il y a 5 heures

    encore ces ONG et organisations féminines de promotion ou de protection de la femme qui doivent justifier les financements extérieurs du satanisme internationale

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    Xalass! il y a 6 heures

    PINCEZ-MOI ET DITES-MOI QUE JE RÊVE
    On est bien en 2025 ?
    Après les gauchers, on stigmatise femmes et enfants pour cause de césarienne ? Excusez-moi du terme mais il faut vraiment être primitifs pour avoir pareil état d’esprit.
    Encore une fois, les seuls que j’incrimine sont les maris qui n’ont pas les c…lles pour faire respecter les familles qu’ils créent.

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    Fatou il y a 6 heures

    C’est un faux débat… j’ai personnellement accouché mes enfants par césarienne et je ne me suis jamais faite ce type réflexions et n’en ai pas reçu de ma famille non plus.
    Inutile d’alimenter ce type de débats dont vos lecteurs ne sont pas les cibles.

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    Mister Dji il y a 4 heures

    Ce n'est pas parce que ça ne vous est pas arrivé que ce nest pas vrai.

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    Veritas il y a 6 heures

    Kholal ma khétou dofté yiiii... man les femmes diakhal naniouma... gawa dem si serigne si elles ont ne serait que le plus petit pepin... niaka geum yalla niaka am logique... Pas toutes.. les hommes aussi laches et incapable de prendre leurs responsabilités entierement ... On doit se departir de certaines croyances foireuses et evoluer un peu... Mais surtout arreter avec les vendeurs de reves... il faut croire au travail et appliquer la science qui n'est pas contre la religion.... Je crois vraiment que Afrique dou dém...

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    Pourquoi la photo il y a 6 heures

    Bonjour pourquoi la photo en plein article ??

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