Il est 18 heures et 21 minutes sur l’avenue Blaise Diagne, en revenant de Sandaga pour aller vers «Keur Serigne Bi» (la maison du marabout en wolof), on est surpris par le monde fou qui traîne dans cette partie de cette célèbre artère de Dakar. En cette fin de journée de jeudi où le soleil est encore chaud, ça grouille de monde avec un incessant va-et-vient des vendeurs et usagers. A quelques mètres de la célèbre maison de vente illicite de médicaments, «Keur Serigne-bi», la pharmacie à ciel ouvert la plus connue du Sénégal, les passants se font interpeller. Un homme jeune, la trentaine révolue, habillé d’un jeans, assortis d’un tee-shirt orange, et chaussant des baskets blancs, nous hèle : «Vous voulez un médicament ?». Après avoir répondu par l’affirmative, nous lui lançons : «Oui ! nous cherchons un médicament, dont l’emballage est argenté avec les comprimés qui ont un trait au milieu». Comme s’il connaissait plutôt bien le produit décrit, le vendeur nous demande de le suivre dans la bâtisse qui trône à l’intérieur de l’espace. La porte franchie, nous constatons la présence de quelques hommes assis sur des bancs, d’autres debout discutent, non sans jeter des regards méfiants aux visiteurs. Notre guide nous amène à l’écart dans une courette, avec une porte en fer, juste à côté d’un salon de coiffure. Il commence à nous poser tout un tas de questions, sur le nom du médicament, le contenu, l’utilisation. Notre ignorance du produit en question le met un peu à l’aise et il commence à nous en parler. «Le médicament que vous décrivez s’appelleCytotec et c’est pour déclencher une grossesse, avorter disons, mais sa vente est interdite ici par la police. Donc, il faut que l’on s’assure que vous venez bien pour acheter et non pour enquêter ou quelque chose du genre», prévient le vendeur. Poursuivant, il indique, sur le nombre de comprimés qu’il faut pour «avorter», que cela dépend de l’état de la grossesse. Mais en moyenne, renseigne le jeune vendeur, «c’est entre quatre, cinq ou six comprimés que l’on utilise». Puis, il nous apostrophe : «C’est pour vous ? Vous en êtes à combien de mois ?». «Juste quelques semaines, à peine un moi et demi», avons-nous répondu. Après discussion et marchandage, nous nous sommes accordés sur l’achat de quatre comprimés au prix de 40 000 francs Cfa, une fortune pour nous qui n’avions prévu que 10 000 francs. Essayant de le convaincre, nous lui avons demandé de nous donner deux comprimés et le lendemain, nous allions lui apporter le reste de l’argent. Après réflexion et hésitation, il accepta après nous avoir demandé de l’attendre. Une attente interminable. Au bout d’un long moment, notre vendeur revient avec la «marchandise», bien enveloppée, loin des regards inquisiteurs. Il nous remet le «colis» le plus discrètement possible.Ensuite, il nous dit de ne pas traîner dans les parages, avant de nous donner rendez-vous pour le lendemain. Au moment de prendre congé, il s’approche et nous demande, au cas où on ne saurait pas comment l’utiliser, de le rejoindre chez lui afin qu’il nous aide à «évacuer la chose» du ventre. Il nous explique qu’il faut mettre un comprimé ou deux par voie vaginale et en prendre autant par voie orale. «Ce n’est pas douloureux. Et 3 heures après, si vous avez le col de l’utérus proche et 5 heures lorsque c’est plus profond, vous allez avorter. Et je peux vous assurer que c’est mieux que les avortements classiques avec des objets, au risque de vous blesser», rassure notre «spécialiste de l’avortement»assez spécial, puisque ce n’est rien de plus qu’un vendeur de médicaments illicites de surcroît, à «Keur Serigne-bi». Il faut dire que, selon des témoignages anonymes, énormément de filles à Dakar utilisent ce procédé, plus souple et plus simple pour elles.
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