Le chroniqueur de Télévision Futurs Médias (TFM), Badara Gadiaga, a été inculpé le lundi 14 juillet 2025. Il est poursuivi pour discours contraires aux bonnes mœurs, diffusion de fausses nouvelles, offense à une personne exerçant tout ou partie des prérogatives du président de la République, ainsi que pour violation des articles 80 alinéa 2, 254, 255 et 257 du Code pénal. Cet emprisonnement suscite une vive polémique et soulève des questions sur les interventions parfois virulentes des chroniqueurs lors des émissions de débat. Sont-ils guidés par l’opinion publique ou agissent-ils comme les porte-parole de certains hommes politiques, comme le suggère le Premier ministre Ousmane Sonko ? Seneweb a cherché à éclaircir cette question.Sur les plateaux télévisés, dans les studios de radio ou sur les chaînes YouTube, ils animent les débats médiatiques, commentent l’actualité, souvent politique, et parfois font eux-mêmes l’actualité. Eux, ce sont les « chroniqueurs » des médias. Ces analystes sont aujourd’hui au cœur d’une controverse. Le secrétaire général du parti au pouvoir, Pastef, Ousmane Sonko, les accuse de se comporter comme des « procureurs » et d’être des opposants déguisés. Des accusations jugées infondées par Ameth Ndoye, chroniqueur à Sen TV. « Le Premier ministre a l’habitude de lancer des accusations sans preuves. J’aimerais qu’il cite les noms de ces chroniqueurs qu’il considère comme des hommes de main de politiciens », déclare Ameth Ndoye, ajoutant que « s’il critique les chroniqueurs aujourd’hui, c’est parce que ceux qui le défendaient contre Macky Sall faisaient de même ». Le journaliste Thierno Diop, quant à lui, critique le comportement de certains chroniqueurs qu’il qualifie de pro-Pastef. « Je ne comprends pas que des personnes sans contenu intellectuel puissent se prévaloir d’un statut particulier. On n’en parle pas assez. Il y a des chroniqueurs triés sur le volet qui appartiennent à Pastef, qui font sa propagande et propagent des mensonges. J’ai été insulté par ces chroniqueurs sur un plateau de débat », dénonce-t-il.Les journalistes qui produisent ces émissions sont également pointés du doigt pour la mauvaise qualité du contenu médiatique. Pour Demba Seydi, directeur du programme de la plateforme Citoyens actifs pour la justice sociale (Cajust), au Sénégal, les médias « permettent à n’importe qui de devenir chroniqueur. Je cite clairement les noms : quand Abdou Nguer est considéré comme un chroniqueur, quand Badara Gadiaga est considéré comme un chroniqueur, sur quoi chroniquent-ils ? Sur quelle expertise ? Quelle science ? Ils parlent de tous les sujets, et c’est cela qui conduit aux dérives ».Pour relever le niveau des débats, Alioune Tine, fondateur de la plateforme Africajom Center, insiste : « Il faut que les leaders politiques s’affrontent sur les plateaux. C’est cela qui est intéressant. Les chroniqueurs, qui n’ont pas toujours les compétences nécessaires, ne devraient pas être ceux qui parlent au nom des autres. Les ministres, les directeurs et les leaders politiques doivent être présents pour élever le débat politique. »Cependant, Evelyne Mandiouba, coordonnatrice des rédactions du groupe Dmedia, défend le droit des citoyens à s’exprimer. Selon elle, ces chroniqueurs « sont des citoyens à qui l’on peut donner la parole. L’actualité les intéresse, la vie de la nation les concerne. Même s’ils ne comprennent pas toujours les enjeux, ils ont une perception qu’on a choisi de mettre en avant », explique-t-elle, justifiant le choix des intervenants dans des émissions phares comme « Grandes Gueules » ou « Ndoumbélane ». Pour Evelyne Mandiouba, il ne s’agit pas de chercher le « buzz », même si la télévision repose aussi sur la séduction. « La séduction fait partie de la télévision, mais nous ne pouvons pas transformer un journaliste en chroniqueur pour animer une émission. Cela ne fonctionnerait pas. La chronique est un genre journalistique. Nous recherchons la connaissance, et il y a dans ce pays des personnes éloquentes, capables de transmettre leurs idées de manière captivante et pertinente pour les téléspectateurs. Nous ne courrons pas après le buzz », précise-t-elle.Concernant la crédibilité des chroniqueurs, elle affirme que les critères de sélection sont clairs. « Si nous avons des doutes sur la crédibilité ou les arguments d’un chroniqueur, ou si nous soupçonnons une influence extérieure, nous le remplaçons. De plus, nous changeons régulièrement les chroniqueurs pour éviter qu’ils ne s’installent dans une routine », explique Mme Mandiouba.Badara Gadiaga, chroniqueur à TFM, et Abdou Nguer, chroniqueur à Sen TV, ont été emprisonnés à la suite de leurs interventions dans des émissions de débat. Ils sont accusés, entre autres, de diffusion de fausses nouvelles. Ces inculpations suscitent des inquiétudes quant à la liberté d’expression au Sénégal, alors que le pays a progressé de 20 places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2025 de Reporters sans frontières (RSF), atteignant la 74e position.
Auteur: Léna Thioune | Publié le: mardi 15 juillet 2025
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