"Aujourd'hui, il n'y a plus de congestion ou d'embouteillages à Dakar. Ce sont les populations qui le disent". Voilà les propos que le journaliste de la Rts, Cheikh Bamba Guèye a osé tenir à l’antenne, dimanche 14 janvier 2024, lors de l’inauguration du Bus rapid transit (Brt). Une affirmation qui a dû faire tiquer plus d’un. Un fake news, pour dire les choses clairement. Dans un groupe restreint de journalistes, certains ont exprimé leur rage. Un de ses confrères constate par exemple qu’après le travail, la majorité des taximen ne veulent pas aller dans son quartier, Diamalaye, du fait des bouchons. Et ceux qui acceptent le font au prix fort. Ce qui l’amène à dire que cette affirmation gratuite ne doit pas passer. « On n'est pas dans un pays sérieux, mais le Cored devrait l'interpeller pour avoir dit ça. C'est de la désinformation délibérée », s’offusque-t-il.
Avant Cheikh Bamba, un autre de ses confrères nous avait dit qu’à la banlieue dakaroise, c’est le beau temps après la pluie. Or, on sait tous que dans n’importe quel quartier de la périphérie de Dakar, le spectacle est triste en période hivernale. Au même moment, les autorités de l’Etat, Macky Sall en premier, mais aussi le Conseil National de de Régulation de l'Audiovisuel (Cnra) continuent d’accuser les médias privés et les réseaux sociaux de faire dans la désinformation, la manipulation.
Dans une interview accordée à Seneweb, il y a quelques jours, Babacar Diagne a été interpellé sur la propension du Cnra à sanctionner les médias privés tout en épargnant la Rts. Dans sa réponse, il s’est employé à blanchir la télévision publique. « En général, on dit beaucoup de choses. Le monde n'est jamais parfait. Mais très honnêtement, l'audiovisuel public est là pour nous tous ». D’après lui, ce sont les médias privés qui passent tout leur temps à ne parler que de la politique et que c’est ça, à ses yeux, où se situe le problème.
Ainsi donc, le délit de la presse privée est de faire tout temps de la politique, avec des plateaux à n'en plus finir au détriment du travail de terrain. Certes, Babacar Diagne a raison sur ce constat. Mais la différence entre ces chaînes privées et la Rts, c’est le fait d’assumer sa position. Les chaînes privées ne s’en cachent pas : elles font de la politique. Mais la Rts aussi fait de la politique. Le problème, c’est qu’elle ne veut pas l’assumer.
D’ailleurs, un fait devrait intriguer Babacar Diagne, lui l’ancien DG de la télévision publique : comment se fait-il que la RTS soit sur le point de devenir l’antichambre de l’Apr ? À la limite, c’est à se demander si la boîte n’est pas devenue une section ou une coordination de l’Apr.
Thierno Amadou Sy, Nafissatou Sylla, Aminata Angélique Manga sont tous des journalistes de la Rts devenus membres de l’Apr. Ce même Cheikh Bamba Guèye s’est engagé lui aussi au sein de l’Apr. Et tout porte à croire que cet engagement n’est pas nouveau. En 2019, il est allé sur le plateau de Sen tv pour affirmer que « le produit intérieur brut a connu un bond de 30% pour le Sénégal (sic)». Serigne Saliou Guèye, présent sur le plateau, lui demande de revoir ses chiffres, mais Bamba campe sur sa position. Et c’est ce monsieur qui est présent à l’antenne de la Rts pour faire une propagande mensongère sur la circulation à Dakar.
Au-delà de lui, il y a toute une liste de journalistes de la Rts devenus militants de l’Apr. Certains s’assument, d’autres le sont moins. Le problème de fond est que tous ces journalistes passent à l’antenne, et la confusion peut vite arriver entre le statut du professionnel et celui du militant. Mais cela ne saurait surprendre si l’on sait que le DG de la boîte, Racine Talla, s’est permis, le soir des Législatives 2022, d’intervenir en direct dans une émission non ouverte à des interventions du public pour démentir les invités (des universitaires) au sujet de la cohabitation et recadrer les présentateurs pour avoir laissé cette idée prospérer, tout en se prévalant de son statut de professionnel à celui du Directeur. Et pourtant, il a fallu que le député Pape Diop, élu dans les rangs de l’opposition, rejoigne la coalition Benno pour qu’elle ait une majorité et éviter ainsi la cohabitation. Tout ceci pour dire que les dérives, il n’en manque pas à la Rts.
A défaut de pouvoir compter sur le Cnra, on espère au moins, comme l’a souligné le confère cité ci-devant, que le Cored se saisira de la question pour mettre un terme à ces abus. Après tout, le Sénégal est dans une période sensible ; les tentations sont nombreuses. Il ne faut pas laisser des brèches !
Auteur: Mbaye Sadikh
Publié le: Lundi 15 Janvier 2024
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