La mue de la clientèle européenne est- elle réellement le prétexte de cette crise touristique sénégalaise ? Admettre cela, c’est ne pas oser voir au-delà des possibilités locales et de l’intelligence économique que cela requiert.
Le printemps arable avait ouvert une alternative ouest africaine sur le marché touristique européen, mais la vision et les stratégies promotionnelles ont failli, seul le Maroc a su tirer son épingle du jeu par un réaménagement politique conséquent, faisant miroiter cette exception managériale qui lui a permis de conserver une bonne partie de cette clientèle touristique. Mais entre temps que s’est- il passé au Sénégal ?
Une crise profonde a frappé le tourisme national de 2012 à 2015 et perdure encore. Des raisons sans doute conjoncturelles : tensions électorales de 2012, l’instauration d’un visa biométrique en 2013 et la frayeur créée par l’épidémie Ébola en 2014. Mais tout cela est- il derrière nous ?
En tout cas les peurs se dissipent ici, le danger est désormais terroriste, et il est ailleurs. Pour dire qu’après une courageuse volonté étatique affirmée pour une relance de l’activité touristique, promue par la surpression du visa biométrique tant décrié par les acteurs, la réduction de la taxe aéroportuaire qui doit agir sur la baisse du prix du billet d’avion, entre autres mesures, comme la réduction de la tva (taxe à valeur ajoutée) à 10 %, le traitement spécial de la Casamance en zone touristique prioritaire avec des avantages telle la défiscalisation jusqu’à nouvel ordre, adoubé de la déserte de la région par deux bateaux jumeaux, Aguen et Jambone, l’ouverture prochaine du second aéroport de Dias - celui-là, décentralisé - qui répondra aux besoins d’une meilleure ventilation des flux touristiques au niveau national, sans oublier la mise en place d’un crédit hôtelier en soutien aux initiatives de ce secteur.
Au-delà de l’option du hub aérien sous régional qui se matérialise à travers le pack du PSE touristique, la tendance qui se dessine aujourd’hui est celle d’une véritable volonté de relance d’un secteur névralgique du système économique sénégalais.
La volonté de relance du tourisme par l’Etat du Sénégal est d’autant plus opportune que l’histoire vis-à-vis de la concurrence maghrébine semble se répéter. Car si l’on s’attriste du malheur tunisien (attentat terroriste du 26 juin 2015) on se console quelque part, certes avec pudeur, d’avoir été encore épargné de ce mal de début de siècle. Et c’est en cela que la tragédie tunisienne ouvre une ère de relance pour l’Afrique occidentale subsaharienne. Mais faut-il encore saisir ce rebond ?
De toute évidence, les efforts promotionnels de l’Etat sénégalais n’auront un impact positif que lorsqu’ils seront accompagnés d’un management stratégique, éclairé d’une lanterne de professionnels. Or, c’est là, où les craintes résistent encore, car le réaménagement récent du portefeuille de tutelle semble remettre en cause une vision déjà élaborée. Le tourisme sénégalais est encore malade de ses perpétuelles recompositions. La politique touristique nationale souffre en effet du déficit de la prospective d’hommes experts en la matière.
Enfin, le temps est grave, le secteur est sinistré, mais jamais autant l’opportunité d’une relance ne s’est affirmée. La phobie islamiste va surement ouvrir des espoirs colorés. Des horizons nouveaux se peaufinent, le soleil brille au Sénégal et l’hospitalité y est légendaire.
Auteur: Dr Adama NDIAYE
Publié le: Samedi 15 Août 2015
Commentaires (0)
Participer à la Discussion