La croissance rapide des métropoles africaines transforme profondément l’équilibre entre production agricole, distribution et consommation urbaine. Dans plusieurs capitales comme Dakar, Abidjan ou Lagos, les populations augmentent chaque année alors que les infrastructures destinées à transporter, stocker et distribuer les denrées progressent beaucoup plus lentement. Cette asymétrie alimente des tensions sur les prix alimentaires, en particulier pour les produits frais dont la demande suit le rythme de l’urbanisation. À Dakar, les relevés récents montrent une hausse sensible des prix des légumes, évolution liée autant à la logistique urbaine qu’aux performances agricoles.

Les chaînes d’approvisionnement souffrent d’un déficit d’infrastructures adaptées. Une faible proportion des denrées périssables transitant vers les villes d’Afrique de l’Ouest bénéficie d’un stockage réfrigéré, ce qui accroît les pertes postrécolte, estimées à près de 30 % pour les fruits et légumes. Ces pertes aggravent mécaniquement la pression sur les prix urbains tout en réduisant les revenus des producteurs. À cela s’ajoute un réseau routier souvent saturé ou dégradé qui rallonge les temps de transport entre les zones agricoles et les marchés urbains, fragilisant encore davantage la qualité des produits et la régularité de l’offre.

Les difficultés logistiques ont aussi un impact social majeur. Dans les villes où les ménages consacrent déjà une part importante de leurs revenus à l’alimentation, toute hausse des prix se répercute immédiatement sur leur pouvoir d’achat. Les ménages modestes, plus exposés à l’inflation alimentaire, réduisent leur consommation de produits frais au profit de denrées moins coûteuses mais souvent moins nutritives. Cette évolution accentue les préoccupations de santé publique dans des contextes où la malnutrition reste présente malgré l’expansion économique.

La construction d’une sécurité alimentaire urbaine repose sur une planification mieux intégrée entre agriculture, transport et aménagement des villes. Plusieurs initiatives récentes vont dans ce sens, comme la modernisation de plateformes de stockage ou l’extension de corridors logistiques spécialisés. Ces investissements demeurent toutefois insuffisants face à une demande qui croît rapidement. Des politiques plus ambitieuses, combinant soutien aux producteurs ruraux, renforcement des infrastructures de transport et développement de ceintures vertes périurbaines, pourraient réduire la vulnérabilité des villes aux fluctuations de l’offre. La sécurité alimentaire devient ainsi un enjeu structurant pour la gouvernance urbaine, qui doit articuler les besoins immédiats des consommateurs et les impératifs d’une agriculture capable de répondre durablement à la pression démographique.