Face à des transferts financiers annuels dépassant les 3 milliards de dollars, le Sénégal observe une montée importante des investissements immobiliers issus de sa diaspora. Si cette dynamique stimule incontestablement l’économie nationale, elle révèle aussi une fracture croissante entre un marché haut de gamme destiné aux expatriés et un marché local souvent exclu des opportunités de logement. Ce phénomène soulève des préoccupations prédominantes pour l’accès au logement, la régulation du secteur et la fiscalité.
Une manne financière au service de l’immobilier
Selon la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, les envois de fonds de la diaspora sénégalaise dépassent les 3 milliards de dollars par an. Une part significative de ces ressources est injectée dans l’immobilier, générant une forte activité dans la construction, la promotion immobilière et les services associés. Ce secteur, porteur d’emplois et de croissance, bénéficie ainsi d’une injection de capitaux qui contribue à sa modernisation et à son développement.
Deux marchés distincts, des réalités opposées
Cette vitalité cache cependant une double réalité. D’un côté, un marché immobilier haut de gamme, destiné aux Sénégalais de l’étranger et aux investisseurs étrangers, où les prix s’alignent sur les normes internationales, notamment en euros et en dollars. De l’autre, un marché local, souvent confronté à une inflation des prix qui dépasse les capacités d’achat des populations urbaines, notamment à Dakar. L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) indique que près de 60 % des ménages éprouvent des difficultés à accéder à un logement décent, situation aggravée par la spéculation.
Vers une nécessaire adaptation des politiques publiques
Le cadre réglementaire peine à s’adapter à la transformation rapide du secteur immobilier, notamment en matière de fiscalité, encore trop limitée pour encadrer efficacement les investissements et les orienter vers des projets abordables et durables. D’après l’ANSD, le Sénégal accuse un déficit de 350 000 logements, dont 150 000 concentrés à Dakar, un manque aggravé par une urbanisation galopante qui entretient la flambée des prix et rend l’accès au logement de plus en plus hors de portée pour les ménages aux revenus modestes ou moyens. Les prix continuent par ailleurs de grimper : en 2024, le mètre carré pour un terrain à Dakar variait entre 350 000 et 600 000 FCFA, tandis que pour une villa, il atteignait 1,5 à 3 millions de FCFA, une hausse bien plus rapide que celle des revenus, creusant davantage les inégalités et compliquant l’accès à la propriété pour une large partie de la population.
La croissance du secteur appelle donc à une réforme globale pour encadrer le marché, éviter la spéculation excessive et garantir une offre de logements adaptée aux besoins de tous. L’investissement de la diaspora demeure un levier essentiel pour la croissance économique, mais son impact social impose une réflexion approfondie sur la gestion et l’équilibre du secteur immobilier sénégalais.
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