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Plan de redressement : L’économiste Souleymane Keita identifie les points forts et les risques

Auteur: SenewebPost

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Le plan de redressement économique et social apporte bien de la nouveauté, comparé aux précédents ; les leviers d’action sont aussi clairement identifiés. Tel est la conviction de l’économiste, docteur Souleymane Keita, enseignant-chercheur à la Faseg (Ucad). Monsieur Keita alerte tout de même sur les défis et obstacles, notamment le pari risqué de tourner le dos au financement extérieur et la difficulté de recycler les actifs de l’État. « La réduction de la taille du gouvernement est plus tactique qu’économique », a-t-il affirmé.Qu’est-ce que ce plan de redressement apporte de nouveau par rapport aux différents plans que le nouveau régime a déjà présentés ?Dans ce plan de redressement économique et social, la nouveauté essentielle tient à son orientation vers l’autosuffisance budgétaire, la réduction des dépenses publiques et une volonté d’inverser la spirale d’endettement tout en atténuant l’impact social de la crise. Il rompt donc, dans son ambition et ses instruments, avec les précédents plans jugés insuffisamment structurants ou trop dépendants de l’aide et de l’endettement extérieurs. L’objectif affiché est de financer le redressement grâce à une mobilisation de 5 600 milliards F CFA provenant de l’économie sénégalaise elle-même, pour réduire la dépendance aux financements internationaux et à la dette extérieure. Surtout avec des objectifs concrets et sociaux immédiats : qui s’articule autour d’un engagement à ramener le déficit budgétaire de 12 % à 3 % du PIB d’ici 2027 et à apporter des réponses immédiates sur le plan social, notamment la baisse des prix des produits de première nécessité et de l’électricité, ce qui anticipe sur des attentes fortes de la population. Et cela en s’appuyant principalement sur trois axes :Ø  Réduction drastique du train de vie de l’État : Le plan prévoit une rationalisation des dépenses publiques, notamment par la réduction et la fusion de nombreuses agences et institutions publiques. Cette démarche vise à optimiser la gestion des finances publiques, là où les précédents plans n’avaient pas insisté autant sur la restructuration de l’État lui-même.Ø  Relance via la mobilisation des ressources domestiques : Une innovation majeure est la volonté de "compter d’abord sur ses propres moyens", ce qui se traduit par des mesures fiscales et administratives pour augmenter la capacité du pays à générer et capter de la richesse intérieure sans recourir aussi massivement à la dette.Ø  Financement endogène complémentaire hors endettement : Le plan inclut également un axe d’innovation en cherchant à impliquer davantage les acteurs économiques nationaux dans le financement du développement (épargne nationale, investissements locaux), contrairement à la logique d’appel systématique à l’emprunt extérieur suivi sous le régime précédent.Est-ce que les leviers d’action sont clairement identifiés et la faisabilité démontrée ?Les principaux leviers d’action sont distinctement listés et les ambitions affichées, avec une liste de mesures précises et chiffrées. On peut citer notamment :Ø  Mobilisation de ressources internes à hauteur de 90% du financement (taxes sur tabac, jeux de hasard, mobile money, réforme du visa électronique, recyclage d’actifs publics…).Ø  Réduction du train de vie de l’État avec la suppression ou la fusion d’agences, une administration publique redimensionnée et des économies directes projetées à 50 milliards F CFA.Ø  Renégociation des contrats pétroliers, gaziers et miniers pour augmenter les recettes de l’État.Ø  Mobilisation de l’épargne nationale et de la diaspora via des véhicules d’investissement, instruments financiers islamiques et participatifs, pour accroître le financement hors endettement extérieur.Ø  Ciblage social fort, avec le financement prioritaire de l’éducation, la santé, les aides aux plus démunis, et l’augmentation de l’accessibilité automobile (relèvement de l’âge des véhicules importés).Le plan sera financé, dit le Pm, à 90 % de ressources endogènes. Croyez-vous à la faisabilité ? Le Sénégal, comme de nombreux pays en développement, fait face à un environnement marqué par une forte incertitude économique, financière, politique et géopolitique. Cette situation perturbe la gestion budgétaire et compromet l’efficacité des politiques publiques. Les effets combinés des chocs externes (inflation importée, instabilité des marchés financiers, crises sanitaires, conflits régionaux) et des vulnérabilités internes (faiblesse des recettes fiscales, dépendance aux financements extérieurs) rendent nécessaire un plan de redressement stratégique et réaliste. Donc, le non-recours au financement extérieur, dans un contexte de déficit budgétaire et de dette élevés, est perçu comme un pari risqué, voire irréaliste, certains économistes estimant que taxer des secteurs déjà existants (tabac, jeux, numérique) ne suffit pas à créer une nouvelle dynamique de croissance et peut même fragiliser la consommation populaire.Quelles peuvent être les conséquences de ce choix sur l’activité économique ?Le recours aux financements endogènes peut rendre l’économie plus résiliente, moins dépendante et plus équilibrée à long terme. Mais si la mobilisation des ressources locales est insuffisante ou pèse trop lourdement sur la fiscalité, le risque est d’étouffer à court terme l’investissement et la consommation, avec un impact négatif sur la croissance économique. La réussite dépendra donc de la capacité du gouvernement à stimuler efficacement l’épargne, à éviter une fiscalité excessive et à maintenir la confiance des acteurs économiques tout au long du processus.Le principal risque est que l’épargne nationale et les efforts fiscaux ne suffisent pas à couvrir les besoins massifs de financement, surtout dans une économie où l’inclusion financière reste faible, les marges de manœuvre fiscales réduites, et le marché obligataire encore peu profond.À côté des actifs de l’État, des ressources domestiques additionnelles et de la réduction de la taille de l’État, il y a la rubrique ‘’Financement endogène complémentaire hors endettement’’ pour 1 352 milliards F CFA. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?Concrètement, la rubrique « Financement endogène complémentaire hors endettement » à hauteur de 1 352 milliards F CFA dans le plan de redressement désigne des sources de financement supplémentaires internes au Sénégal qui ne passent ni par l’endettement extérieur ni par la simple mobilisation fiscale classique. Cette rubrique concrétise l’effort d’innovation financière et économique du gouvernement pour diversifier les sources de financement nationales hors crédit extérieur, en s’appuyant sur le marché local, la finance islamique, la réforme des banques publiques, et la mobilisation citoyenne via l’épargne nationale. Ces leviers complémentaires comprennent notamment :L’appel public à l’épargne sur le marché intérieur, pour mobiliser des ressources en monnaie locale auprès des ménages, des entreprises et de la diaspora.Le développement et la mobilisation de financements par la finance islamique (par exemple, le sukuk, une forme d’obligation conforme aux normes islamiques).Le renforcement du secteur bancaire national, avec la possible restructuration des banques publiques ou d’autres instruments de financement à vocation économique.La recherche d’instruments financiers innovants qui permettent de lever des fonds sans augmenter la dette extérieure ni recourir à des financements à conditions contraignantes.Par ailleurs, des mesures comme la renégociation des contrats stratégiques ou une meilleure valorisation des ressources nationales peuvent aussi être incluses.Le but affiché est que ces modes complémentaires permettent de disposer de ressources supplémentaires « internes » pour financer les besoins du pays, en préservant la souveraineté économique, sans hypothéquer la dette publique ni brader les actifs de l’État. Cela s’inscrit dans une stratégie globale de financement endogène qui vise à couvrir environ 90 % des besoins par des ressources nationales, hors endettement nouveau.La réduction de la taille de l’État devrait rapporter 50 milliards F CFA. Est-ce suffisant ?La réduction de la taille du gouvernement est tactique et non économique, c’est-à-dire on peut réduire ou regrouper trois ministères en un seul sans que cela n'ait un impact sur le niveau de productivité et sur l’efficience.  Par contre, en éclatant les ministères, cette nouvelle politique produit des effets positifs plus importants que la situation initiale. Par contre, la rationalisation administrative, la fusion ou la suppression de certaines agences et structures publiques, ainsi que la maîtrise des dépenses de fonctionnement de l’État peuvent jouer un rôle symbolique et structurel, visant à enclencher une dynamique de rigueur budgétaire et à renforcer la crédibilité des politiques publiques.Que pensez-vous du recyclage des actifs de l’État, autrement dit faut-il céder les bases militaires ?Le recyclage des actifs signifie une gestion plus intelligente et efficiente des biens de l’État, incluant des concessions bien encadrées, des partenariats et la mobilisation d’actifs non stratégiques pour lever des fonds, mais sans vendre ni céder les bases militaires ou autres infrastructures stratégiques nationales. La cession des bases militaires n’est pas prévue ni recommandée dans ce cadre, car cela reviendrait à renoncer à un élément fondamental de la souveraineté nationale. Le recyclage des actifs de l’État dans le cadre du plan de redressement économique signifie la mobilisation de ressources financières par l’optimisation, la valorisation ou éventuellement la cession temporaire de certains actifs publics. Toutefois, il est très clair dans la volonté affichée par le gouvernement qui insiste lourdement sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une vente pure et simple ou d’un bradage des actifs stratégiques. Il s'agit de générer des ressources supplémentaires sans affecter la propriété publique et en respectant les engagements nationaux et internationaux du Sénégal.Pensez-vous que ce recyclage puisse apporter plus de 1 000 milliards F CFA comme prévu ?Le potentiel du recyclage des actifs peut effectivement être élevé et représente un levier important pour réduire la pression sur l’endettement, il s'agit d'un défi ardu à relever, avec des marges d’incertitude importantes. Il faudra donc une mise en œuvre rigoureuse et un climat politique et économique stable pour espérer atteindre voire dépasser la barre de 1 000 milliards F CFA prévue. Ce montant figure parmi les principales sources de financement domestique du plan, représentant une part significative des 5 667 milliards F CFA totaux projetés sur la période 2025-2028.Le recyclage d’actifs publics (qui comprend la valorisation ou cession partielle d’actifs immobiliers, infrastructures, concessions, etc.) est une opération complexe qui peut être ralentie par des contraintes administratives, juridiques et politiques.Théoriquement plausible, le recyclage d’actifs publics repose sur des hypothèses optimistes quant à la rapidité et à la capacité d’exécution des processus de valorisation, et sur un contexte macroéconomique stable favorable à l’investissement.Il existe aussi un risque lié à la sensibilité politique et sociale de la cession ou de la mise en concession d’actifs publics, notamment si elle est perçue comme une privatisation déguisée ou une perte de souveraineté économique, ce qui pourrait freiner l’adoption de certaines mesures.Enfin, la mobilisation effective de ces ressources dépendra aussi de la confiance des investisseurs privés et institutionnels, de la transparence du processus, et de la qualité de la gouvernance économique.
Auteur: SenewebPost

Commentaires (4)

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    Izo il y a 4 semaines

    Une bonne interview. Bravo au journaliste et au professeur d'économie. Explications claires et compréhensibles. Merci

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    Youssouph Badji il y a 4 semaines

    Belle explication et analyse, je pense que le gouvernement espère plus de rentrées financières dues à la renégociation des contrats stratégiques que d'une augmentation de la pression fiscale, la fiscalité va visiter des niches vierges jusque là ou insuffisamment taxées

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    Citoyen il y a 4 semaines

    Monsieur Keita, le prof qui m'avait enseigné la géographie économique à l'UCAD en 2012. Il était excellent mach'Allah.

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    Gassama il y a 4 semaines

    Pertinente analyse cher collègue

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    reply_author il y a 3 semaines

    Je me demande avec tous ces économiste et experts dans ce pays mais jamais en phase les uns disent le contraire de ce que disent les autres .
    A qui faire confiance

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