Restructurer ou ne pas restructurer la "grosse" dette : L’avis “cash” de spécialistes sénégalais
Restructurer ou ne pas restructurer ? La faramineuse dette publique sénégalaise est aujourd’hui une véritable chape de plomb pour les autorités du pays. Dans les documents officiels du gouvernement, on parle d’un stock global qui culmine à 119% du Pib, soit 23 666 milliards de FCFA), même si le Fonds monétaire international (Fmi) évoque, lui, un endettement perché à 132% du Pib. Sur la table des autorités, se trouvent des options. Mais, celle qui semble être privilégiée par les institutions financières reste la restructuration.
«La nature et le choix des opérations spécifiques sur la dette, notamment la décision de restructurer ou non les obligations, relèvent de la souveraineté du Sénégal», a précisé la Directrice de la communication du Fmi, Julie Kozack, ce 5 décembre. La balle est donc dans le camp des autorités sénégalaises. Doivent-elles restructurer ou pas cette dette pour gagner une plus grande marge de manœuvre financière ?
«Si le Sénégal était dans une situation où on devait parler de restructuration de la dette, je ne me voilerais pas la face. J’aurais dit : “allons dans le sens de la restructuration”. Mais nous ne sommes pas dans cette situation», avait déclaré, le 29 novembre dernier, le ministre sénégalais des Finances, à l’Assemblée nationale. Cette posture actuelle du Gouvernement sénégalais est-elle celle qui sied, face à la délicatesse de la situation actuelle ? Plusieurs spécialistes sénégalais ont donné leur opinion sur la question.
Enseignant chercheur à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l'Université de Dakar, Dr Assane Beye précise qu’une restructuration de la dette ne signifie pas automatiquement que le pays est en faillite. L’économiste souligne que des pays, comme la Jamaïque au début des années 2010, l’Uruguay, ou même récemment le Kenya, «l'ont expérimentée avec succès». Dans le cas du Sénégal, pour lui, le plus important c'est que les créanciers ne subissent pas de dommages, que leur principal ne soit pas touché et que les intérêts aussi ne soient pas réduits.
“Refuser la restructuration, c’est risquer l’asphyxie budgétaire”
«Souvent, la restructuration est tentée avant qu'un défaut effectif n'arrive, justement pour éviter une crise plus coûteuse. C'est que, dans la pratique, l'annonce d'une restructuration peut affecter temporairement l'accès aux marchés financiers, surtout si les termes imposent une perte pour certains créanciers», a-t-il indiqué à Seneweb. L’économiste se demande même, s’il y a actuellement une différence entre une restructuration et ce que font présentement les autorités sénégalaises, «puisque de plus en plus, il se dit que nous nous endettons pour payer ces dettes».
Le Pr. Amath Ndiaye est plus formel : «Refuser la restructuration, c’est risquer l’asphyxie budgétaire. L’heure est à la lucidité : restructurer aujourd’hui pour croître demain», a-t-il tranché. Pour l’économiste, qui fut consultant auprès de la Banque Mondiale et à la Banque africaine de Développement (Bad), «une restructuration ordonnée, encadrée par le FMI, permettrait d’allonger les maturités, d’alléger le service immédiat et de restaurer la crédibilité financière, à l’image du Ghana (2023-2024) ou de la Côte d’Ivoire (2011)». Cela ouvrirait, aussi, la voie à de nouveaux investissements directs étrangers, a-t-il indiqué dans un tribune partagée en mi-novembre.
“Personne ne peut comprendre qu'on n’accepte pas de restructurer…”
L’économiste Moubarack Lô estime qu’il ne devrait même pas y avoir débat sur la question : «Aujourd'hui, personne ne peut comprendre qu'on ne puisse pas accepter de restructurer, de renégocier la dette», précise-t-il. De son avis, c'est l'option qui devrait être prioritairement plébiscitée par le gouvernement, car étant «la plus réaliste pour ne pas s'engager dans une voie difficile». Pour lui, aujourd'hui, «rien ne justifie qu'on puisse mobiliser chaque année 5000 voire 6 000 milliards de FCFA pour payer une dette.»
Expert financier, Mouhamed Dia aussi est formel : «Si nous rejetons la restructuration de notre dette, un droit qui nous est accordé en tant que nation souveraine, nous n'aurons pas accès aux eurobonds, un instrument d'emprunt qui nous a été d'une grande aide dans le passé». Il estime que les marchés régionaux ne sont pas en mesure de répondre pleinement aux demandes de financement du Sénégal.
L’expert financier explique qu’une restructuration pourrait permettre de rallonger les délais de remboursement et repousser certaines échéances pour une période prolongée. Ce qui offrirait ainsi au pays, une meilleure gestion de sa trésorerie. La restructuration pourrait aussi abaisser les taux d'intérêt si les prêteurs consentent à diminuer les taux en vigueur. Et cela aura, comme conséquence, une diminution du coût de la dette. M. Dia prévient, cependant, que «nous serons bientôt dans une situation où nous n'aurons pas d'autre option, puisque le système financier mondial est étroitement lié et qu'une fois que nous exposons un risque avec une institution, cela déclenche un effet domino sur toutes les autres institutions financières».
Déjà, le 4 décembre dernier, Bank Of America Research déclarait qu’une restructuration de la dette extérieure du Sénégal est «de plus en plus probable». Le 11 décembre, EMsights Capital Group, gestionnaire d’Actifs américain, indiquait, à son tour, qu’«un défaut de paiement (ou une restructuration qui y ressemble fortement) paraît de plus en plus inévitable». L’Etat du Sénégal campe, pour l’instant, sur sa position. Mais jusqu’à quand ?
Commentaires (11)
Si des pays ont, semble-t-il, réussi avec un programme d'ajustement structurel, d'autres ont aussi réussi à remettre sur pied leur économie sans le FMI. Les exemples font foison. Nos autorités sont assez outillés pour prendre cette décision de souveraineté. Ce ne sera pas facile. Nous le savons et devrons accepter de souffrir pendant un moment (2 à 3 ans) pour commencer à sortir de cette situation délicate.
D'autres pays l'ont réussi. Pourquoi pas nous ?
Nous devons croire en notre Plan de Redressement Economique et Social qui a un visage résolument humain et réaliste.
Wa salaam.
La mise en oeuvre de ces solutions implique la mise en place d'une batterie de décisions très importantes. Allez écouter Ndongo Samba Sylla qui explique très clairement les premières décisions à prendre et leurs conséquences dans l'économie du pays.
Encore une fois tous les économistes qui conseillent une restructuration doivent aller se recycler ou tout bonnement prendre leur retraite. C'est fini la restructuration. Ou alors la restructuration sera nécessaire si toutefois Diomaye pressé par les lobbys qui l'entoure n'accepte pas les solutions que, à mon avis, lui ont proposé Ousmane Sonko et le ministre des finances. Moi je reste persuadé que Sonko et Sarr ont la solution sur la table.
Que Dieu bénisse le Sénégal et l'Afrique
La question est complexe. Toutefois, le FMI et la banque mondiale devraient pouvoir nous financer toute cette dette et nous faire payer avec un certain différé, histoire relancer l'investissement et lancer l'économie.
Notre dette eu égard des FONDS DORMANTS dans beaucoup de pays riches est MODESTE; il est temps de présenter des PROJETS POUVANT RÉVEILLER CES FONDS DORMANTS.
AC, ingénieur GC
On sait où ça va finir...
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