Il y a six mois, en avril plus précisément, l’expert parlementaire Alioune Souaré avait signalé que la proposition de résolution de mise en accusation déposée par Guy Marius Sagna, qui visait Macky Sall, est irrecevable. Aujourd’hui, les faits lui ont donné raison, puisque l’assemblée nationale a rejeté la proposition du député. M. Souaré explique ici, ce qui a ruiné la requête de M. Sagna. Il attire aussi l’attention sur ce qui pourrait être un grand obstacle sur le cas de Macky Sall.

 

Vous aviez dit que la proposition de mise en accusation introduite par Guy Marius Sagna devait être classée sans suite. L’Assemblée l’a effectivement rejetée ce lundi. Qu’est ce qui ne vous avait pas semblé conforme ?

L'Assemblée nationale fonctionne sur la base de l'application de son règlement intérieur. Si vous allez à l'article 103 du règlement intérieur, il est clairement dit que : «L'Assemblée peut inscrire à son ordre du jour la discussion des résolutions présentées par l'une de ses commissions, un groupe parlementaire ou un nombre de députés non-inscrits égal au dixième des membres de l’Assemblée». Que ce soit une résolution de mise en accusation, ou une résolution pour la création d'une commission d'enquête, en tout cas tout ce qui est résolution doit être présentée par, soit une commission permanente, soit par le groupe parlementaire ou par le 10^e des non-inscrits. Maintenant, si Guy Marius Sagna prend l'initiative intuitu personae, vous voyez que ce n’est pas conforme à cette disposition.

Vous vous êtes donc fondés donc sur cela ?

C’est sur cela que je me suis fondé pour dire que cette résolution de mise en accusation était irrecevable. Le bureau a l'entière responsabilité d’examiner la recevabilité ou l’irrecevabilité, soit d'une proposition de loi, soit d'une résolution. Je pense qu'effectivement c'est un problème de conformité. La proposition de résolution n’est pas conforme aux dispositions du règlement intérieur et le bureau de l'Assemblée nationale ne peut faire autrement, parce que sinon, ce serait outrepasser ses propres textes.

Le groupe parlementaire Pastef peut donc déposer une nouvelle proposition de résolution de mise en accusation contre Macky Sall ?

Oui. Il faudrait que maintenant l’initiative parte du groupe parlementaire. Du point de vue de la forme si c’est conforme, pour le fond c’est autre chose. Déposer une proposition de résolution conforme ne signifie pas que dans le fond qu’il y a une certaine légalité. Parce que la mise en accusation du Président de la République est régie par l’article 101 de la constitution qui parle de l'irresponsabilité du président de la République, sauf s’il y a «haute trahison». Et là vraiment ça pose un autre problème.

Quel problème ?

Parce que la constitution ne définit pas ce qu'est la «haute trahison». Cela va être un autre obstacle auquel ils vont être confrontés. À moins, peut-être, d’écrire au conseil constitutionnel pour lui demander d'interpréter ce qu'il appelle «haute trahison». Le terme figure dans la constitution mais le même texte ne définit pas ce qu'est la «haute trahison». Le conseil constitutionnel est le gardien de la constitution, ce n'est que lui qui peut interpréter la constitution.

Et dans d’autres pays, notamment africains, comment cette question a été réglée ?

Dans d’autres pays, comme le Bénin, la constitution béninoise définit ce qu’est la «haute trahison». Elle donne un contenu à la haute trahison. Mais nous, nous avons une constitution qui traîne beaucoup de lacunes. Si le groupe parlementaire porte cette résolution de mise en accusation ce serait conforme à l’article 103, mais si la constitution ne définit par la «haute trahison», je crois que ça va être un autre obstacle. Sauf s’ils saisissent le Conseil constitutionnel sur cette disposition de l’article 101 et de définir le terme de haute trahison.