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[Entretien] Babacar Ndiaye, politologue : « Ce nouveau gouvernement a pour mission de concrétiser les promesses de PASTEF »

Auteur: Entretien réalisé par Adama Ndiaye

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[Entretien] Babacar Ndiaye, politologue : « Ce nouveau gouvernement a pour mission de concrétiser les promesses de PASTEF »

Le 6 septembre 2025, le président Bassirou Diomaye Faye a opéré un remaniement ministériel, marquant un tournant après 18 mois de gouvernance. Dans cet entretien accordé à Seneweb, Babacar Ndiaye, analyste politique et directeur de recherche au think tank Wathi, décrypte ce réaménagement, ses implications pour la coalition et les défis à venir, dans un contexte de critiques sur l’économie et la justice.

Quelle est votre analyse globale du remaniement ministériel opéré le 6 septembre 2025 par le président Bassirou Diomaye Faye ? Quels sont, selon vous, les principaux objectifs politiques et stratégiques poursuivis par ce réaménagement gouvernemental ?

Le président Faye est au pouvoir depuis bientôt 18 mois. Il me semble qu'il est important d'évoquer le contexte dans lequel intervient ce remaniement ministériel. Il intervient juste après la présentation des mesures du plan de redressement du premier ministre Ousmane Sonko. Il faut aussi noter la volonté de démission du gouvernement du ministre Abbas Sall après son élection à la tête de la mairie de Dakar, et dans un contexte beaucoup plus général, je dirais qu'après presque 18 mois de pouvoir, il est important de regarder un peu où est-ce qu'on en est. L’opposition a formulé des critiques sur les premiers mois de gouvernance de PASTEF notamment sur la situation économique et sociale. 

Je crois que le pouvoir a fait beaucoup de diagnostics sur la situation du pays. Le Président de la République et le Premier ministre ont pu juger au cours des derniers mois le travail abattu par les ministres, et c'est peut-être cela qui amène finalement à ce remaniement ministériel. 

Mais de mon point de vue, je crois que c'est plus un réaménagement ministériel qu'un remaniement, parce qu'au fond, qu'est-ce qui a changé dans ce nouveau gouvernement, c'est au niveau du ministère de la Justice, au niveau des affaires étrangères avec la nomination d’un diplomate de carrière, de l’intérieur et la création de ce secrétaire d'État en charge des relations avec les institutions, et surtout porte-parole du gouvernement. Nous avons aussi vu des restructurations au niveau de certains ministères, par exemple nous avons aujourd'hui un ministère des infrastructures qui n'est plus lié aux transports terrestres et aériens. Nous avons aussi un ministère de plein exercice au niveau de la culture combiné à l’artisanat et au tourisme. 

Après 18 mois de prise en main du pouvoir, du lancement du plan Sénégal 2050, d’organisation d’assises sur la justice ou encore sur les réformes politiques et le lancement du plan de redressement économique, ce nouveau gouvernement a pour mission de commencer à concrétiser les promesses de PASTEF dans un contexte économique difficile. Les Sénégalais ont donné tous les instruments au duo Faye-Sonko pour mener leur politique de rupture au niveau de la justice, de l'économie, de l'emploi ou social. Le nouveau pouvoir fait face à de nombreux défis et doit conjuguer avec le temps qui passe et les attentes fortes des populations. Il sera jugé sur les changements opérés et les résultats réalisés.   

"La nomination de Yassine Fall à la Justice est un signal fort et un tournant"

Les départs du ministre de la Justice, Ousmane Diagne, et du ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Tine, suscitent de nombreux commentaires et controverses. Comment interprétez-vous ces évictions ? Sont-elles le signe d’un désaccord politique ou d’une volonté de réorienter la gestion de ces ministères régaliens ?

Concernant les départs du ministre de la Justice, monsieur Ousmane Diagne, et du ministre de l'Intérieur, je crois que la première lecture à avoir, c'est d'abord de voir les profils de ceux qui les ont remplacés.

Au niveau de la justice, nous avons madame Yacine Fall, qui était précédemment ministre de l’Intégration africaine et des affaires étrangères, et accessoirement vice-présidente de PASTEF. Donc, aujourd'hui, factuellement, nous avons un membre de PASTEF à la tête du ministère de la Justice. Au niveau du ministère de l'Intérieur, l’avocat Cissé, un proche d'Ousmane Sonko qui succède au général Jean-Baptiste Tine. Au niveau de ces deux postes régaliens, nous avons maintenant comme qui dirait « la patte PASTEF» surtout au ministère de la Justice. 

Ce qui peut expliquer ce changement au niveau du ministère de la Justice, c'est tout ce qu'on a pu entendre en termes de polémiques sur les lenteurs de la justice à faire la lumière sur les nombreuses morts durant les manifestations entre 2021 et 2024. On a souvent entendu le ministre de la Justice, monsieur Ousmane Diagne, indiquer que la justice a son rythme d’exécution, que les procédures sont respectées, car ce dernier est un ancien magistrat, c'est sa manière de procéder.

Dans ce qu'on appelle également de manière triviale au Sénégal, la reddition des comptes après le changement de pouvoir, il est fait état de lenteurs dans les nombreux rapports qui épinglent les anciens détenteurs du pouvoir. Il semble que la mission de la nouvelle ministre de la Justice sera de créer une forme de célérité dans ces dossiers épineux mais il faudra voir de quelle manière car le respect des procédures doit prévaloir. 

Il faudra voir ce que madame Yaine Fall peut faire en termes d'accélération des nombreuses procédures en cours, car il ne faut pas aussi oublier que le travail de la justice prend du temps.

Mais la nomination de Madame Fall, membre de PASTEF est un signal fort et un tournant car le Premier ministre l’a rappelé, la justice est un secteur prioritaire de son gouvernement. Lorsqu'on regarde l’ordre protocolaire, madame Fall est première de la liste de ce gouvernement après le Premier ministre Ousmane Sonko. Il y a clairement l’option de redynamiser le travail de ces ministères régaliens avec des profils totalement différents de leurs prédécesseurs et plus « politiques ». 

De toute évidence, il est clair que ces deux nominations à ces postes clés que sont le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, avec la nomination d'un membre de PASTEF et d'un proche d'Ousmane Sonko, montrent la nouvelle dynamique dans laquelle s'inscrit le pouvoir qui serait de faire confiance à des profils plus politiques pour faire bouger les lignes dans un contexte de fortes attentes des populations quant à des promesses tenues notamment d’une justice impartiale et au service des populations. 

La désignation de Me Mouhamadou Bamba Cissé, avocat proche du Premier ministre, au ministère de l’Intérieur suscite des critiques, notamment sur le risque de partialité dans la gestion des libertés publiques et des élections. Partagez-vous ces réserves, et quelles implications cette nomination pourrait-elle avoir pour la gouvernance et l’État de droit au Sénégal ?

Le choix du Général Tine échappait à la critique habituelle formulée notamment par l’opposition d’un profil partisan à la tête du ministère de l’Intérieur. Monsieur Bamba Cissé est avocat et s’est illustré ces dernières années comme un ardent défenseur d’Ousmane Sonko dans les différents dossiers judiciaires. Il pourra difficilement échapper à la critique de l’opposition d’être une personnalité neutre à ministère stratégique. 

Dans votre question, vous semblez pointer du doigt le risque de partialité dans la gestion des libertés publiques et dans la conduite aussi des élections à venir.

“Les défis de Bamba Cissé seront de lutter contre l’insécurité grandissante dans les grandes villes du pays et la protection des libertés publiques”

J'allais dire, surtout pas, parce que l'avocat par essence défend les libertés publiques, donc il serait très dommageable que nous ayons un nouveau ministre justement qui vienne restreindre les libertés publiques ou faire preuve de partialité. Il ne faut pas perdre de vue que PASTEF a bâti au cours de ces dernières années tout un discours sur la nécessité d’avoir un État de droit et de restaurer les principes démocratiques foulés au pied par l’ancien pouvoir. 

De mon point de vue, il faudra le juger par rapport à ses actions et la prochaine élection aura lieu en 2027 et à ce niveau-là aussi, je crois que la maturité du système politique et électif aujourd'hui a montré que lors élections, les Sénégalais savent faire prévaloir leurs choix sur les personnes qui veulent voir être portées à la tête des exécutifs locaux ou à la tête de l'État. 

Il me semble que les défis de ce nouveau ministre seront de lutter contre l’insécurité grandissante dans les grandes villes du pays et la protection des libertés publiques. Ce sont là les urgences pour les Sénégalais et certainement pas les questions lancinantes liées aux élections à venir. 

Malgré les spéculations, les alliés de la coalition Diomaye sont restés dans le gouvernement, et Déthié Fall fait son entrée comme ministre des Infrastructures. Comment évaluez-vous cette stratégie de consolidation des alliances politiques ? Cette dynamique renforce-t-elle la cohésion de la majorité ou reflète-t-elle un compromis pour maintenir l’équilibre au sein de la coalition ?

Oui, nous avons un nouvel allié qui rejoint le gouvernement, en l'occurrence Déthié Fall qui va occuper aussi un poste clé, le ministère des Infrastructures. Je crois que nous n’avions pas vraiment de doute sur le fait qu’il rejoindrait l'attelage gouvernemental du fait de son positionnement et aussi les événements récents et son compagnonnage avec PASTEF, surtout dans la coalition Yewwi Askan wi. Dethié Fall était candidat à l’élection présidentielle donc il n’appartenait pas à la coalition Diomaye président. 

“La coalition Diomaye Président semble être absente des débats”

Mais nous avons toujours au sein du gouvernement d'autres alliés de la coalition présidentielle comme Abdourahmane Diouf qui change de ministère. 

Je dois dire qu'aujourd'hui, on a vraiment l'impression que la coalition qui a porté au pouvoir Diomaye Faye est vraiment en retrait. Elle n'est pas forcément dans le débat public. Et même, il faut se poser des questions sur le dynamisme de cette coalition, parce que même lorsqu'il s'est agi d'aller aux élections législatives, PASTEF a décidé d'y aller sous sa bannière. Ce n'est pas la coalition du président qui a été choisie comme cadre politique même si nous avons eu quelques membres de cette coalition qui ont intégré les listes de PASTEF et qui sont aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Ces derniers mois, nous avons plutôt assisté à renforcement de l’appareil politique PASTEF au niveau de l’hémicycle et avec la mise en place d’un conseil national. La coalition Diomaye Président semble être absente des débats. 

Les associations féministes ont dénoncé la faible représentation des femmes dans ce nouveau gouvernement. Cette critique vous semble-t-elle légitime ? Comment jugez-vous l’équilibre de genre dans cette équipe gouvernementale, et quelles mesures pourraient être envisagées pour répondre à ces préoccupations ?

Je crois que depuis l'avènement du premier gouvernement Sonko, cette critique a été formulée sur la faible présence des femmes dans ce gouvernement. C’est évidemment une critique légitime car les femmes s’activent dans de nombreux secteurs dans le pays et montrent leur savoir-faire managérial. 

Nous n'avons que quatre femmes ministres aujourd'hui au gouvernement. Il faut espérer que lors d’un prochain remaniement ministériel, cette critique formulée sera prise en compte par les dirigeants. Je crois que nous avons eu plutôt un réaménagement au niveau de ce gouvernement. Si nous avions eu un remaniement ministériel, le Premier ministre aurait démissionné et sans doute reconduit dans la foulée, et nous aurions eu cette phase de consultation des différentes personnes potentiellement ministrables. L’occasion aurait été donnée au duo exécutif de renforcer la présence des femmes dans ce gouvernement. Il faudra voir cela lors du prochain remaniement car les associations de femmes ont fait un fort plaidoyer dans ce sens et nous verrons si le message a été entendu. 

Cependant, on note une nouveauté dans ce nouveau gouvernement, avec la présence d'une femme, membre de PASTEF, qui va occuper le poste de secrétaire d'État en charge des relations avec les institutions, et surtout porte-parole du gouvernement. Elle va porter la voix de ce gouvernement. 

Ce rôle avait été assuré durant ces 18 premiers mois par le ministre Sarré, et je crois aussi que PASTEF fait un diagnostic sur la nécessité d'avoir une meilleure communication, de mieux expliquer les actions qui sont entreprises au niveau de la gouvernance, et le fait d'avoir ce porte-parole détaché d'un ministère comme nous l'avions vu, peut aussi permettre d'avoir une meilleure communication et de mieux expliquer les politiques publiques entreprises à destination des populations.

Entretien réalisé par Adama Ndiaye 

Auteur: Entretien réalisé par Adama Ndiaye
Publié le: Mercredi 10 Septembre 2025

Commentaires (9)

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    echec total il y a 7 heures

    Le cout de l'électricité a triplé. Le plan de redressement en marche ngen khamé ko nonou. Les senegalais vont d'avantage souffrir et ce gouvernement n'apportera aucune solutions au pays.

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    On le savait il y a 6 heures

    On les savait incompétents. Juste des populistes. Ils ont berné les naïfs. Tans pis pour eux

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    Hé! il y a 5 heures

    Des promesses faites sur la base de leur ADN: le mensonge.

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    1000 milliards il y a 7 heures

    J'attends de voir parce que pour l'instant c'est zéro que du bla bla bla.

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    LUC il y a 7 heures

    RIEN DE CONCRET POUR LE MOMENT. A CE RYTHME OBTENIR UN DEUXIEME MANDAT NE SERA PAS TACHE FACILE

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    Arame il y a 5 heures

    Eh nos universitaires. Que des lieux communs. N'importe quel quidam aurait fait la même analyse

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    porozet il y a 4 heures

    les mecs sont en place depuis 2 ans....donald est mort de rire....moutons zentils !!

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    Nianthio il y a 4 heures

    Voici des intellectuels qui ont choissi de foutre leurs stylos et leur intelligence dans leurs sales Qs et devenir de vrais leche Qs. Ces gens ont menti aux gens,ils n avaient aucun programmme. Ils n ont change aucune institution, ils gerent avec des structures trouvees sur place. Zero changemennt, PSE bis.

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    Bene waay il y a 4 heures

    Rien a foutre de l'article. Je sais rien qu'à partir du titre que l'auteur est un cireur de bottes. Je voudrais juste lui demander: le précédent gouvernement, c'était un gouvernement de quoi au juste? Pour amuser la galerie ?

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    Youssou il y a 2 heures

    Ils avaient promis de supprimer les caisses noires Aujourd'hui les caisses noires 11 milliards pour Diomaye et 9 milliards pour Sonko sont la plus grande arnaque parmi tant d'autres.
    Juste à cause de cela Pasteef et moi c'est finito. Je ne suis pas dans la partialité mais dans la vérité. Tu fais le contraire de ce que tu m'avais promis. Je te barre de ma vie quelque soit ce mon amour pour toi.
    Wor ak fén je gobe pas.

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    Rien il y a 1 heure

    Il y a des soi disant experts qui feraient mieux de se taire

    Leur propos n’a rien de scientifique, que des bavardages de grand place

    Et beaucoup usurpent leurs qualités

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