Le Dg de l’Arm révèle : «Pourquoi nous avons suspendu les importations de bananes»
La mesure est une première. Le Sénégal a décidé de suspendre les importations de bananes. La décision a été prise depuis hier 1er septembre par l’Agence de régulation des marchés (Arm). Le Directeur général de la structure, Babacar Sembène, explique dans cet entretien avec Seneweb, pourquoi une telle mesure a été prise.
Pourquoi avez-vous décidé de suspendre les importations de bananes à compter de ce 1er septembre 2025 ?
Cette mesure fait suite aux recommandations du conseil interministériel tenu au mois d'avril, sur la campagne agricole 2025-2026. Parmi les différentes instructions reçues, il y a les politiques d'accompagnement des filières, dans le but d'atteindre l’autosuffisance alimentaire. C'est aussi par rapport à la politique d'import substitution des importations par la production locale. Par exemple pour l'oignon, la pomme de terre, le riz, quand vous cumulez toutes ces importations, nous avoisinons 1000 milliards d'importations en produits alimentaires.
1000 milliards?
Oui 1000 milliards en importation de produits alimentaires. Pour ce qui est spécifiquement de la banane, cette année-ci les prévisions de récoltes tournent autour de 112 000 tonnes, avec des besoins en consommation estimés à 130 000 tonnes. Donc le gap à combler n'est pas important. Par rapport à cette production de bananes, il y a des périodes pic de récoltes, entre, septembre octobre et novembre, où une bonne partie de la production, 70 à 80%, va être récoltée.L'Arm a organisé une mission de terrain dans les zones de production qui a permis de voir les évolutions en termes de production, les capacités des producteurs et les difficultés que rencontrent ces acteurs, surtout dans le cadre de la commercialisation.
Nous avons tenu d'autres réunions ici à l'Arm avec les acteurs, les importateurs, les commerçants, les réseaux de distributeurs, pour partager les préoccupations et aussi la vision du gouvernement avec l'agenda 2050. Donc c'est tout cela qui nous a amené à prendre cette mesure pilote de suspension des importations de bananes, qui est une première pour la filière.
Quel impact attendez-vous de cette mesure ?
L'impact est énorme.Déjà on évalue à 10 000 le nombre de personnes évoluant dans la filière banane. Sécuriser le marché au profit de cette production locale va impacter positivement les revenus de ces producteurs. Puis, il y a les questions de création d'emplois et de lutte contre la pauvreté. Parce que si vous parvenez à aider le producteur sur la base de sa production, à gagner, à augmenter ses capacités et ses revenus, cela allège un peu le niveau des interventions de l'État.
Quid des conséquences sur la balance commerciale ?
Il y a aussi l'impact sur la balance commerciale. Car à chaque fois on dit que la balance commerciale du Sénégal est déficitaire. Donc aujourd'hui on essaie de travailler dans le cadre de la production locale pour limiter toutes ces importations de produits alimentaires.
Grosso modo, au niveau macro, nous avons littéralement cela en termes d'impact économique, en termes de création de richesses et aussi l'impact sur la balance commerciale.
Et quels étaient, en termes de chiffres, le niveau des importations en bananes ?
En moyenne, les chiffres que nous avons tournent autour de 50 000 tonnes importées. La valeur est de 16 milliards de francs Cfa. Donc aujourd'hui, si on arrive à réduire cette quantité, c’est quand même bénéfique. Il y a beaucoup d'intérêts à ce que le Sénégal soit autosuffisant d'abord en termes de production et de consommation et même après, aller dans les marchés de la sous-région et à l'international.
Comment se passe la régulation pour la pomme de terre, l'oignon etc.?
Nous travaillons en étroite collaboration avec les services du ministère de l’Agriculture sur le calendrier cultural, le calendrier des récoltes, les quantités attendues et les périodes de récolte et de consommation. À partir de ce moment-là, nous à l’Arm, nous faisons les estimations par rapport aux besoins du marché. Pour l'oignon, le calendrier, c'est entre janvier et août-septembre. C'est là où nous avons les récoltes. On arrête carrément les importations. Après, on suit de manière régulière avec les cadres de concertation. Pendant toute la durée de la campagne, ce suivi est fait. C'est valable pour l'oignon, la carotte et la pomme de terre.
Quid des producteurs qui évoquent le pourrissement de leurs récoltes faute d’acheteurs ?
La difficulté que nous avons souvent, dans le cadre de cette régulation, c'est qu’il y a un déphasage. Le rythme des récoltes n'est pas souvent le rythme du marché. Raison pour laquelle souvent, vous avez les producteurs qui montent au créneau pour dire que leurs produits pourrissent ou qu’ils ont des produits qu’ils ne peuvent pas vendre. C'est parce qu'il arrive un moment où, par exemple, entre les périodes de pic de récolte, en mars, avril et mai, vous avez pratiquement 75 ou 80% des récoltes qui arrivent en trois mois. Raison pour laquelle on est en train de développer une chaîne logistique avec les infrastructures de stockage et de conservation pour que, quand les récoltes arrivent et que le marché n'est pas bon, que les producteurs ou les commerçants puissent stocker et, en fonction de l’état du marché, différer la commercialisation.
L’autre point, ce sont les exportations. On accompagne aussi les acteurs, en plus du marché local, à prospecter les marchés de la sous-région et les marchés de l'Union européenne. Cette année nous avons beaucoup exporté vers le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Guinée et même en Espagne où on a exporté à peu près 5 000 tonnes d'oignons du Sénégal. Pour la pomme de terre, c'est la même chose, parce qu'il y a beaucoup d'infrastructures de stockage qui sont mises en place. Ça permet de stocker et de différer. Aujourd'hui, nous avons encore de la pomme de terre dans les chambres froides. Contrairement à l'oignon, où on a été obligés d'ouvrir un peu pour le Gamou, au niveau importation.
Propos recueillis par Youssouf SANE
Commentaires (26)
Il faut de la volonté et du courage.
Prendre des décisions qui ne feront pas plaisir à certains lobbies.
Le mot est lâché. Investir dans la logistique et les magasins de stockage.
Revoir ta façon de communiquer
Veiller à ce que cette mesure n’impacte pas sur le prix du marché qui est actuellement inférieur ou égal à 1000f
Veiller à ce qu’il n’y ait pas d’inflation ou de pénurie de banane
66 milliards pour une seule personne pendant que le pays est au quatrième sous-sol selon ses dires.
Il fait quoi avec tout cet argent (notre argent)?
Il y a quelqu'un qui demande s'il y a aussi l'autosuffisance en konkorong
Au Canada on ne produit pas de bananes mais c'est le fruit le moins cher ici
N'oubliez pas d'interdire l'importation de tout ce que nous avons dans nos hopitaux ( 100 %)
Participer à la Discussion
Règles de la communauté :
💡 Astuce : Utilisez des emojis depuis votre téléphone ou le module emoji ci-dessous. Cliquez sur GIF pour ajouter un GIF animé. Collez un lien X/Twitter ou TikTok pour l'afficher automatiquement.