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L’intégration ouest-africaine : entre fragmentation politique et ambitions économiques. Regards croisés avec Mounirou Kane

Auteur: Aicha Fall

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L’intégration ouest-africaine : entre fragmentation politique et ambitions économiques. Regards croisés avec Mounirou Kane

La CEDEAO a fêté ses 50 ans cette année, mais le projet d’intégration ouest-africaine demeure inachevé. Malgré un marché commun censé concerner plus de 400 millions d’habitants, les échanges intrarégionaux stagnent autour de 15 %, freinés par les barrières non tarifaires, les crises politiques et l’insécurité. L’UEMOA, plus disciplinée sur le plan monétaire et budgétaire, peine elle aussi à transformer l’ébauche en retombées visibles pour les populations. Dans un contexte marqué par le retrait de plusieurs États et par la montée en puissance de nouvelles alliances régionales, l’avenir de l’intégration en Afrique de l’Ouest soulève des interrogations abyssales.

Pour élucider ces dynamiques, Seneweb a rencontré Mounirou Kane, économiste et Chargé de programme à Enda CACID (Centre Africain pour le Commerce, l’Intégration et le Développement).

Quels sont selon vous les principaux obstacles politiques qui freinent aujourd’hui l’intégration économique en Afrique de l’Ouest ?

Le premier défi est celui de la gouvernance. L’intégration ne peut avancer que si les États jouent réellement le jeu collectif. Or trop souvent les décisions communautaires sont prises mais ne sont pas appliquées au niveau national parce que chaque gouvernement reste centré sur ses priorités internes.

Le deuxième défi est celui de la légitimité. Beaucoup de citoyens perçoivent la CEDEAO comme une organisation lointaine technocratique qui défend d’abord les intérêts des dirigeants. Cette crise de confiance s’est accentuée ces dernières années notamment avec les sanctions imposées à certains pays vécues comme injustes par les populations.

Enfin il y a un problème de cohérence institutionnelle. L’UEMOA et la CEDEAO poursuivent parfois des objectifs similaires mais avec des moyens différents ce qui crée des doublons des lourdeurs et parfois des contradictions. Cette superposition freine l’efficacité du processus d’intégration.

L’UEMOA et la CEDEAO ont des objectifs parfois convergents parfois distincts. Comment évaluez-vous la complémentarité ou les tensions entre ces deux organisations ?

L’UEMOA est plus intégrée avec un droit communautaire qui prime clairement sur les droits nationaux et une discipline budgétaire plus stricte. La CEDEAO elle a une vocation plus large, elle inclut des pays anglophones francophones et lusophones, mais son fonctionnement est plus politique, moins juridiquement contraignant.

En théorie les deux organisations devraient être complémentaires. En pratique il existe une rivalité implicite. Les États membres selon leurs intérêts se tournent vers l’une ou l’autre. Cette dualité entretient une confusion et empêche d’avoir une vision unique de l’intégration ouest-africaine.

Vous évoquiez la légitimité fragilisée de la CEDEAO. Certains la jugent même obsolète face aux crises récentes. C'est le cas notamment lors de l'annonce du déploiement de la "force en attente" suite au coup d'état du Niger en juillet 2023. Quelle est votre analyse ?

La CEDEAO n’est pas obsolète mais elle traverse une crise de légitimité profonde. Les coups d’État au Mali en Guinée au Burkina Faso et au Niger ont révélé une fracture entre les institutions communautaires et les peuples. Quand les populations soutiennent les putschistes malgré la position ferme de la CEDEAO cela signifie qu’elles n’ont plus confiance dans l’organisation.

La survie de la CEDEAO dépend de sa capacité à se réinventer à écouter davantage les citoyens et à défendre des causes qui touchent leur quotidien ; la mobilité l’emploi la sécurité alimentaire. Si elle reste perçue comme un instrument des chefs d’État elle perdra progressivement son sens et sa raison d’être.

Quel rôle les dynamiques régionales sécurité gouvernance commerce jouent-elles dans l’évolution de cette intégration ?

Elles jouent un rôle déterminant. L’insécurité croissante dans le Sahel complique la mise en œuvre des politiques régionales car les États sont absorbés par les urgences militaires. La gouvernance elle influence directement la crédibilité des engagements communautaires un pays en crise politique ou institutionnelle peine à respecter ses engagements.

Sur le plan commercial les échanges intra-régionaux restent très faibles, autour de 15 %. Les entraves viennent surtout des barrières non tarifaires de la corruption aux frontières du manque d’infrastructures et de la méfiance persistante entre administrations. Tout cela empêche l’intégration économique de produire ses effets concrets pour les citoyens.

Quelles pistes concrètes pourraient accélérer une intégration plus efficace tant sur le plan économique que politique ?

La première est de replacer le citoyen au cœur de l’intégration. On ne peut plus se contenter d’une CEDEAO des chefs d’État. Il faut construire une CEDEAO des peuples. Cela implique de vulgariser les textes communautaires et d’éduquer à la citoyenneté régionale dès l’école.

C’est dans ce sens que des initiatives comme la Maison des citoyens portée par Enda CACID sont précieuses. Elles permettent de rapprocher les institutions communautaires des populations d’offrir un espace de dialogue et d’information et de rendre l’intégration plus tangible dans la vie quotidienne.

La deuxième piste est de garantir la primauté effective du droit communautaire. Tant que les États pourront ignorer impunément les règles régionales l’intégration restera théorique.

La troisième concerne l’économie informelle qui fait vivre la majorité des Ouest-Africains. Or jusqu’ici aucune véritable politique communautaire n’a été pensée pour l’accompagner. Intégrer ces acteurs c’est assurer une base sociale solide à l’intégration.

Et concernant l’OHADA peut-elle jouer un rôle dans l’harmonisation juridique et économique régionale ?

Oui incontestablement. L’OHADA a déjà permis une harmonisation du droit des affaires dans 17 pays africains. Elle apporte une sécurité juridique qui favorise les investissements et les échanges.

Toutefois son impact reste limité si les justiciables et les petites entreprises ne connaissent pas ses règles ou n’ont pas accès aux tribunaux compétents. L’enjeu est donc double poursuivre l’harmonisation mais aussi démocratiser l’accès au droit pour que l’OHADA ne soit pas seulement un outil au service des grandes entreprises mais aussi des artisans des commerçants et des acteurs de l’économie informelle.

Auteur: Aicha Fall
Publié le: Mercredi 17 Septembre 2025

Commentaires (4)

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    Trump Ndiaye il y a 4 heures

    Mr Kane, et si on parlait Sénégal d'abord puis Machins de CDEAO et AES bien après.

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    LK il y a 4 heures

    Félicitations

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    James le juif il y a 3 heures

    Il est beau gosse hein ! Prends ton biberon mon petit ! 😂😂😂

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    James le juif il y a 3 heures

    Kane Diallo Djery ! Halaname mo nandara ! Merci et félicitations 💪💪😉🕊️🕊️🕊️

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    Pas loin du Nazi il y a 3 heures

    Abas les juifs assassins génocidaires présentement à Gaza, Rafa et en Palestine défigurée.

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