À l’approche de la Coupe d’Afrique des nations 2025 au Maroc, le football africain revient au centre de l’actualité. Mais au-delà de la ferveur populaire, une interrogation demeure : le sport africain est-il structuré pour devenir un véritable levier de développement économique et social ? 

Invité de l’émission "Jury du dimanche" sur iRadio, le professeur Abdoulaye Sakho, agrégé de droit et spécialiste du droit du sport, a livré une analyse lucide et sans complaisance des obstacles qui freinent encore l’essor du sport africain. Son diagnostic repose sur trois piliers essentiels : les infrastructures, la gouvernance et les données.

Pour le professeur Abdoulaye Sakho, « le défi ne réside pas uniquement dans la construction de stades, mais surtout dans leur usage et leur gestion ». « Les infrastructures sportives ne doivent pas servir uniquement à accueillir des compétitions. Elles doivent être pensées comme des espaces de vie au service de la communauté », affirme-t-il. 

Trop souvent, ces équipements restent sous-exploités en dehors des matchs, alors qu’ils pourraient générer des activités économiques, culturelles et éducatives. Une infrastructure sportive moderne, selon lui, doit être multifonctionnelle et intégrée dans son environnement social.

Le deuxième frein majeur identifié par l’universitaire concerne la gouvernance du sport africain, encore largement marquée par l’empirisme. « Nous avons basculé dans le professionnalisme sans avoir mis en place les règles et les protections nécessaires », regrette-t-il. Absence de cadres juridiques solides, contrats déséquilibrés, manque de transparence : autant de facteurs qui fragilisent les acteurs et découragent les investisseurs. Le Pr. Sakho plaide pour un code du sport moderne, capable d’encadrer les transferts, de sécuriser les carrières et de créer un climat de confiance.

Pour lui, le déficit le plus préoccupant reste l’absence de données fiables sur le sport africain. 

« Sans données, il est impossible de concevoir des politiques publiques cohérentes », avertit-il. Impact économique du sport, nombre d’emplois générés, rentabilité des infrastructures, trajectoires des talents : ces informations restent largement méconnues. Il appelle ainsi à une implication accrue des universités et des centres de recherche pour produire des analyses solides au service des décideurs.

Selon le professeur Abdoulaye Sakho, le sport africain dispose d’un potentiel considérable, notamment en matière de talents et de mobilisation populaire. Mais ce potentiel ne pourra être pleinement exploité qu’au prix d’une réforme structurelle profonde.

« Le talent est une ressource stratégique. Elle doit être protégée, organisée et valorisée », insiste-t-il. La CAN-2025 au Maroc constitue un test grandeur nature. Elle dira si l’Afrique est prête à transformer ses grands rendez-vous sportifs en véritables projets de développement durable.