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Touba : malnutrition en hausse, pauvreté et chaleur fragilisent enfants et femmes (1/2)

Auteur: Yandé Diop

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La malnutrition aiguë globale (0–59 mois) atteint 17,1 %, contre une moyenne nationale de 10 % dans la région de Diourbel. Dans cette localité, le retard de croissance touche 17 % des enfants, contre 14,3 % au plan national. L’insuffisance pondérale concerne 22,3 %, contre 16 % au niveau du pays. Si ces chiffres concernent toute la région, il faut noter que le district sanitaire de Touba y contribue à hauteur de 70 %. Le district polarise un million d’habitants et 41 structures, dont 9 centres de santé et 32 postes de santé. Les centres de santé disposent de rééducation nutritionnelle et les postes d’une unité de rééducation. La malnutrition, en particulier chez les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes et les adolescentes, demeure un enjeu majeur de santé publique. Trois facteurs principaux y contribuent : la pauvreté, la forte chaleur dans la zone, et les habitudes alimentaires. Face à ces défis, le recours aux produits locaux offre une alternative prometteuse. Mais Touba reste touchée. Les chiffres attestent de la situation décrite par Yacine Fall, superviseur des soins de santé primaires dans la zone. Rencontrée par l’Association des journalistes en santé, population et développement (AJSPD) dans le cadre d’une caravane de presse sur la zone Diourbel, Touba-Bambey livre les chiffres qui prouvent que des défis demeurent encore à relever. Il faut noter que, malgré l’économie de la zone qui est aussi agricole, la pauvreté sévit fortement dans la plupart des familles. L’allaitement exclusif recommandé fait défaut. « Avec la forte chaleur, les femmes estiment qu’elles doivent donner de l’eau à leurs enfants. Elles ignorent ainsi que les nutriments et micronutriments que contient le lait suffisent largement pour l’enfant », explique Mme Fall. À ces déterminants s’ajoute la pauvreté, car même si les femmes sont bien informées, l’enfant n’est pas bien nourri.
Évolution de la malnutrition aiguë sévère dans le district de Touba
En 2021 : 6,11 %, en 2022 : 3,81 %, en 2023 : 5,96 % et en 2024 : 3,17 %. Ces chiffres portent spécifiquement sur la malnutrition aiguë sévère, prise en charge au niveau des structures de santé. Madame Fall fait toutefois preuve de prudence dans l’interprétation. Cela, en raison d’une rétention partielle des données dans certaines structures, liée à des contextes syndicaux. Elle fait tout de même état de taux de prévalence à Touba suivant les années. À noter que les données fournies concernaient essentiellement les enfants de 6 à 59 mois.
Les femmes enceintes et allaitantes, des cibles concernées par la malnutrition
La malnutrition ne touche pas uniquement les enfants de moins de cinq ans, mais aussi d’autres groupes vulnérables. Il s’agit des femmes enceintes et allaitantes. Elles sont systématiquement dépistées dans les consultations prénatales (CPN). La malnutrition peut se transmettre d’une génération à une autre. « Une femme qui n’est pas bien nourrie a tendance à donner naissance à un enfant de faible poids. Si ce dernier n’est pas bien suivi, il devient un enfant mal nourri et les cycles se poursuivent », renseigne Yacine Fall. « On les encourage à renforcer l’apport nutritionnel via l’enrichissement et la fréquence des repas. Concernant l’autre cible (les adolescentes), la supplémentation en fer est souvent recommandée pour compenser les pertes menstruelles et prévenir l’anémie, dans une logique de préparation à la maternité », dit-elle. « La malnutrition est un phénomène intergénérationnel : une femme dénutrie est plus susceptible de donner naissance à un enfant de faible poids, qui sera plus vulnérable à la dénutrition s’il n’est pas suivi correctement », dit-elle en outre.
Implication des hommes et autorités religieuses dans la lutte
Le manque de communication et de compréhension est souvent au cœur de cette situation. Dans ce contexte, des causeries ont lieu majoritairement avec les mères. Touba étant une ville religieuse avec une forte autorité des hommes, il a été jugé nécessaire de les impliquer. « Les hommes sont souvent absents à domicile. Des stratégies ont donc été mises en place pour organiser des visites dans les lieux de travail. Il en est de même pour les autorités religieuses. Les services de santé mènent des plaidoyers globaux en santé communautaire, mais très rarement des actions spécifiques sur la malnutrition auprès des chefs religieux. Cette limite est reconnue et des efforts restent à faire pour les impliquer davantage », se désole Mme Fall. Ce renforcement des cercles avec les maris permet de renforcer la mise à niveau par rapport à l’allaitement maternel exclusif et aussi la diversification de l’alimentation pour mieux répondre aux besoins nutritionnels de leurs enfants quotidiennement avec les aliments locaux. Cette approche se matérialise avec les acteurs commerciaux qui font des séances d’éducation nutritionnelle au niveau communautaire avec des aliments locaux disponibles au niveau communautaire.
Communication et sensibilisation
Les campagnes de communication sont intégrées aux autres programmes de santé, faute de moyens pour des campagnes spécifiques. Des occasions comme la Semaine Santé de la Mère et de l’Enfant sont utilisées pour mener des actions de sensibilisation. « La population n’est pas assez avertie sur les mesures de prévention. Les mamans constituent la cible primaire mais n’ont pas assez d’informations sur comment alimenter leurs enfants », se désole la superviseure, qui souligne que durant les six premiers mois, l’enfant doit être exclusivement au sein. En effet, Touba est située dans la région de Diourbel, qui, selon le rapport national sur la Situation de l’Éducation de 2019, présente un taux brut de scolarisation (TBS) au cycle moyen de 24,8 %, l’un des plus bas du pays. Cela suggère un niveau d’alphabétisation relativement faible dans la région. Ce facteur impacte l’information que les mamans devraient avoir en leur qualité de cibles primaires. « Parfois, elles continuent à donner uniquement le sein jusqu’à neuf mois alors qu’à ce moment, l’enfant peut avoir besoin de bouillie et d’autres aliments adaptés », explique Mme Fall, qui souligne que les investigations ont démontré que ces enfants sont souvent victimes de malnutrition. Elle ajoute que, de six mois à deux ans, il peut être accompagné d’une autre alimentation en plus du lait maternel. Au-delà de deux ans, cette diversification avec les trois repas quotidiens familiaux plus deux goûters. « Malheureusement, ce n’est jamais respecté, le sevrage est brutal à cause de réalités culturelles comme celles qui disent que le garçon ne doit pas téter pendant deux ans. »
Intégration des services dans les structures de santé
Touba est un district modèle en matière d’intégration des services. Par exemple, lorsqu’une mère vient faire vacciner son enfant, il est pesé, dépisté pour la malnutrition, il reçoit la vitamine A, le déparasitage si nécessaire. Concernant la mère, elle est orientée vers la planification familiale, si elle exprime le besoin. Ce paquet intégré est aussi proposé lors des consultations prénatales (CPN) pour garantir un espace intergénésique d’au moins deux ans, favorisant une meilleure santé maternelle et infantile. Le dépistage précoce avec l’appui communautaire peut aussi aider à la bonne prise en charge. « On demande à la femme de préparer la farine enrichie qui est composée de mil, de riz, de maïs, d’arachide et de niébé, que les enfants aiment et qui lutte contre la malnutrition. »
Auteur: Yandé Diop | Publié le: jeudi 17 juillet 2025

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