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ENTRETIEN: BECAYE DIOP, MINISTRE DES FORCES ARMEES : « Comme je ne suis pas très beau, les gens s’imaginent que j'ai des idées noires »

Auteur: ABDOULAYE DIEDHIOU & LATIR MANE

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Dans cette deuxième partie de l'interview qu'il nous a accordée, Bécaye Diop, ministre d'Etat ministre des Forces armées, très relax dans son salon, revient sur certains dossiers qui ont secoué dernièrement l'Armée, pour apporter des précisions. Cela va de l'incident de Koulikoro, aux primes en Côte-d'Ivoire, en passant par la situation des militaires invalides... jusqu’à ce soldat radié, qui l'avait accusé d'être l'auteur de sa radiation.
 
 
 
Récemment, il s'est posé un problème de primes, avec les militaires sénégalais en Côte-D’ivoire. Qu'est-ce qui a été à l'origine de cette situation et que comptez-vous faire ? 
 
La communication est extrêmement importante. Depuis que je suis à la tête du ministère des Forces armées, il n'y a jamais eu de problème de primes, parce que dès la fin de la mission, les primes sont payées. Cela n'a jamais été un problème. Cette fois-ci, les gens ont créé une confusion sur les montants et ont réclamé 100 000 F Cfa/jour, ce qui fait un montant de 3 millions/mois. Ce qui ne correspond pas aux montants prévus par les Nations Unies Nous avons envoyé une mission en Côte-D’ivoire et au retour, ils ont reçu, séance tenante, leurs primes à l'aéroport. Certains sont actuellement en congé de fin de campagne et jusqu'à présent, on n'en a plus entendu parler. Il faut cependant reconnaître le mérite de l'état-major, qui a réussi à faire comprendre à l'autorité politique que toutes les missions hors du territoire national doivent être payées au même taux. Les Nations-Unies ont un taux supérieur à celui de la Cedeao, mais nous partons du principe que les risques sont pratiquement identiques. Le chef de l'Etat a accédé à cette demande et les gens sont payés au même taux. Nous sommes, à ma connaissance, l'un des rares pays en Afrique à appliquer un tel taux. Le problème des primes n'existe plus. 
 
Pouvez-vous revenir sur l'incident de Koulikoro qui a coûté la vie au militaire sénégalais Fatou Seck Gningue ? 
 
C'est vrai qu’une jeune Sénégalaise y a perdu la vie. J'en profite pour m'incliner devant sa mémoire. Mais vous savez que même dans les lycées et collèges, il arrive qu'il y ait des séances de bizutage. Dans les écoles militaires et dans l'Armée, c'est très courant. Mais pour le cas de Koulikoro, il y a eu, d'après les informations que nous avons reçues, un accident malheureux. Et nous avons perdu un des nôtres. Au Mali, ceux qui sont décédés sont des fils d'officiers supérieurs. La situation a tellement ému le chef de l'Etat malien qu'il a radié de hauts gradés de l'Armée malienne. Il y a eu des sanctions. Une enquête est ouverte et nos services en suivent les avancées. Toute la promotion (de soldats) qui a participé au bizutage a été mise à la disposition de la justice. Nous attendons la fin de la procédure pour avoir une idée précise de ce qui s'est passé, parce que jusque-là, nous n'avons que des bribes d'informations. Dans ce genre de situation judiciaire, il est toujours bon d'attendre que l'enquête soit bouclée. 
Sur un autre registre, il y a eu un soldat qui s'est suicidé ce lundi en Casamance... 
 
Pour ce cas précis, je pense que je trouverai le dossier sur mon bureau ce mercredi. Mais je tiens à vous dire une chose : il y a un suivi psychologique très méticuleux dans l'Armée sénégalaise. Nous faisons attention à tout ce qui touche à la vie ces soldats, mais les militaires sont comme vous et moi. Il peut toujours se passer quelque chose dans le cerveau de l’humain qui le pousse à commettre l'irréparable. Je ne sais pas dans quelles conditions précises a eu lieu cet accident Mais je suis certain d'une chose : dans l'armée, le suivi psychologique et sanitaire est bon. 
 
Et pourtant, il y a le cas des invalides et blessés de guerre, presque abandonnés à leur triste sort et qui barrent la route et occupent le trottoir tout le temps? 
 
Je vous dis que le chef de l'Etat a beaucoup fait sur ce plan. Si vous comparez la situation qui prévalait en 2000 et celle qui prévaut aujourd'hui, c'est comme comparer un bras de mer et un océan. Le chef de l’Etat a beaucoup fait pour les Forces de l'ordre. 
 
Oui, mais concrètement... 
 
(Il coupe) Si vous considérez leurs salaires, les indemnités de logement, l'entretien dans les camps, l'armement etc., la différence est incalculable et le chef de l'Etat continue à s'occuper du dossier. Il y a des moments où nous n'avons même pas besoin d'aller le voir pour telle ou telle chose. Comme il s'informe beaucoup, certaines situations lui parviennent directement et il fait appel à nous pour faire avancer les choses. 
Comment expliquer donc les problèmes persistants que rencontrent les soldats invalides? 
 
Vous savez, j'aurais fait la même chose si j'avais été à leur place. M. le président de la République est quelqu'un qui se bat incessamment pour faire avancer les choses. Combien de structures ont été créées ? Il y a l'agence de réinsertion qui n'existait pas auparavant, la mutuelle, le bureau des invalides. Aujourd'hui, même les prothèses sont faites ici. Peut-être que nous n'avons pas atteint tous les objectifs que le chef de l'Etat nous a fixés, mais nous ne sommes honnêtement pas au niveau zéro. Beaucoup de choses ont été faites. 
 
Etant ministre des Forces armées, quelles dispositions avez-vous prises pour éviter les regains de tension dans certaines zones de la Casamance ? 
 
Je suis le ministre des Forces armées et si je me mettais à vous listez les désistions prises, c'est qu'il n'y a plus l’Armée au Sénégal. Je sais que le chef de l'Etat a adopté la meilleure démarche pour revenir à la paix en Casamance. Si vous observez bien, vous vous rendrez compte qu'il y a de moins en moins d'incidents et le chef de l'Etat est en train de faire un travail énorme dans ce sens. Je pense que la paix est à portée de main. Mais vous savez, quand les représentants du maquis et ceux de l'Etat discutent, il y a des gens qui n'y trouvent certainement pas leur compte. Parce que cette situation de confusion arrange beaucoup de personnes qui ne souhaiteraient pas que le conflit s'arrête. Le chef de l'Etat en est tellement conscient qu'il avance lentement. Je dirais même qu'il se hâte lentement 
 
Monsieur le ministre d'Etat, pouvez-vous nous en dire plus sur l'incident qui vous a opposé à votre ancien chauffeur, Hamady Ba, qui aurait épousé la fille de votre marabout ? 
 
Je me souviens parfaitement de cet incident. D'abord, ce n'est pas un incident entre lui et moi, il ne faut pas que l'on me fasse un mauvais procès. Le soldat en question a été mon chauffeur pendant plus de 6 ans. Il a été fait cas du mari de la fille de mon «marabout». Je ne savais pas que son père était mon marabout, mais comme vous voulez qu'il le soit, je l'accepte. Je dirais plutôt que le père de la fille est mon ami. Il s'appelle Thierno Aly, fils de Thienio Sellou et je vais vous dire que tous ceux qui sont honnêtes, connaissent les relations qu'entretenait ce dernier avec mon père. Ce sont ces relations que Thierno Ali et moi avons continuées. C'est moi qui ai donné sa fille en mariage, en Espagne. Au bout de deux ans, la fille est revenue avec un enfant et elle a habité chez moi pendant quelque temps à la rue Joffre. Comment et jusqu'où elle a été avec mon chauffeur ? Je ne sais pas, parce que je ne suis pas le genre à fouiner dans les affaires qui ne me concernent pas. Le soldat est un être humain comme moi, que je respecte énormément et qui me le rend bien. Quelque temps après, retour fille est retournée à Kolda et a demandé le divorce. Je crois qu'elle la obtenu après plusieurs rendez-vous devant le juge. Elle est revenue habiter chez moi et à ma grande surprise, j'apprends que l'homme en question s'est rendu en sa compagnie au centre d'état-civil pour se faire établir un certificat de mariage. Ni son père, ni sa mère, encore moins moi, nous n'étions au courant. Je n'ai jamais su qu'il y avait eu mariage, elle ne m'en a jamais parlé et mon propre chauffeur non plus. Elle est rentrée à Kolda. Comme pour son père et les membres de sa famille, elle est toujours célibataire, le jeune frère de son papa l'a donnée en mariage à un de leurs parents. Elle ne s'y est pas opposée. Mieux, elle a rejoint son ménage. C’est à partir du moment où le soldat a déposé une plainte contre Thierno Ali que j'ai été au courant de l’histoire. J'ai essayé, comme à mon habitude, d'arrondir les angles pour trouver une solution. Quand je l'ai appelée à l'avant-veille de son départ en mission, devant des officiers supérieurs, en l'occurrence, mon chef cabinet militaire et d'autres officiers supérieurs. J'ai exprimé mon étonnement et je lui ai demandé de revoir la situation. Il m'a dit que c'était sa vie privée, cela ne me concernait pas. Je lui ai dit qu'en Afrique, au Sénégal en particulier, quelle que soit la situation, une femme ne s'offre pas en mariage, elle a des parents à qui on doit demander sa main. J'ai vécu près de sept ans avec ce garçon et il s'est toujours comporté comme un jeune frère. Je lui ai dit : vous n'êtes pas intelligent Cela je le lui ai dit. Il m'a dit : si vous le répétez, vous ne recommencerez plus. Les colonels se sont levés pour lui dire : «Comment ! Vous menacez le ministre, sortez ! » Il est sorti. Je pense qu'ils ont dû faire un rapport. Parce que si le respect de la hiérarchie n'existe plus dans l’Armée, il n'y a plus d'Armée. Et quelque temps après, j'ai appris, par voix de presse, qu'il a été radié. J'ai essayé de le réhabiliter, parce que je croyais qu'une solution de ce genre était possible, mais le règlement est ce qu'il est. Parfois, il est implacable. Mais je vous assure que c'est comme ça que ça s'est passé. Imaginez votre ami, qui est pour vous un plus-que-frère, vous confie son enfant. Un des hommes qui travaillent en permanence avec vous, dans votre maison, arrive à la détourner et à lui faire faire un certificat de mariage, sans qu'aucun membre de sa famille ne soit au courant. Humainement, ce n'est pas trop honorable. Quel intérêt ai-je à faire radier un soldat qui a vécu avec moi pendant sept ans ? Mon devoir est d'arrondir les angles entre la famille de la femme et le soldat, surtout qu'on l'avait déjà donnée en mariage et qu'elle avait volontairement rejoint le domicile conjugal. Jusqu'au moment où je vous parle, elle n'a pas dit à son père qu'elle s'était mariée avec le soldat: On porte plainte contre son père, qui ignore totalement les tenants et aboutissants de cette affaire. Vous trouvez cela juste ? Puisque nous sommes là ; parlons de cette histoire à bâtons rompus. Je sais que je n'ai pas un beau visage, les gens me diabolisent parfois, mais je suis loin de ce que l'on imagine. Je suis réservé, je ne communique pas beaucoup, c'est peut-être un défaut, j'en profite pour faire mon mea-culpa. Mais ce n'est pas une raison pour me présenter comme quelqu'un qui a des idées noires, ou qui refuse d'échanger. Tout au contraire, j'aime échanger. En compagnie de mes proches, je ris beaucoup. Mais comme je ne suis pas très beau, les gens s'imaginent des choses, alors que ceci n'est qu'une carapace. Il y a toujours une différence entre le visage et ce que l'on ressent à l'intérieur. Cette situation m'a meurtri, m'a énormément fait mal; parce que quelque part, pour les parents de la femme, c'est comme si j'étais complice ou que mon épouse était mêlée à cette situation. 
Auteur: ABDOULAYE DIEDHIOU & LATIR MANE
Publié le: Samedi 12 Novembre 2011

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