Quand elle l'ouvre, une odeur de « thiouraye », un encens aux vertus excitantes, monte dans la pièce. Mariama, coupe courte, visage fin et larges hanches, en sort ce qu'on appelle un « bethio », un petit pagne, « une nuisette, comme vous diriez en France ». Celle-ci ressemble à un filet de pêche, tout troué. Les fils en coton sont bleus, violets, verts, jaunes. Mariama explique tranquillement : « Bien sûr, tu te mets toute nue en dessous. Quand mon mari me voit comme ça, il jouit avant d'être en moi. »Elle ajoute que tous les Sénégalais ne sont pas forcément des inconditionnels de ces trucs et astuces. Au fond du bocal, il y a aussi deux « bin-bin », colliers de taille, que les femmes mettent autour de leurs hanches et qui s'entrechoquent lorsqu'elles marchent ou font l'amour. « Les garçons, ici, ils en demandent trop aux filles »Dehors, assises dans l'escalier, deux copines épluchent des oignons et se marrent. « Elle croit qu'on ne connaît pas tout ça, tu parles ! » A 18 ans, Awa est déjà blasée des hommes : « Mon copain m'a quittée il y a trois jours parce que je ne voulais pas coucher avec lui. Je refuse de mettre ces “bin-bin”. Les garçons, ici, ils en demandent trop aux filles. Et ils ne se gênent pas pour aller voir ailleurs dès qu'ils ne sont plus satisfaits. » Un peu plus tôt dans la matinée, dans le tangana (échoppe de rue où on peut prendre son petit déjeuner) qu'Awa tient avec sa sœur, rencontre avec Pape, un client, fonctionnaire de 25 ans. A peine mentionne-t-on les petits pagnes qu'il lâche un « hiiiiii » et que ses yeux sortent de ses orbites. Il résume la situation : « Tout ça me pousse à aimer ma copine. Si je la vois avec des “bin-bin”, j'ai envie de me jeter sur elle. Pareil avec les petits pagnes, ça s'ouvre comme une serviette, c'est plus excitant. » A l'origine, un attirail réservé aux femmes mariées« Bin-bin », petits pagnes, « thiouraye »… Cet attirail reste largement utilisé pour séduire les maris, car traditionnellement, il était uniquement réservé aux femmes mariées. Emmanuel Cohen, doctorant en anthropologie au CNRS à Dakar qui travaille sur l'image du corps au Sénégal, décrypte :« L'homme protège la femme et l'entretient souvent financièrement, donc l'épouse essaye de ménager son mari par rapport aux responsabilités familiales qu'il a. Et le satisfaire sexuellement est un de ses rôles. » Près du stade Léopold Sédar Senghor, un chauffeur de taxi d'une cinquantaine d'années me raconte sa vie rêvée. Il aurait quatre femmes (le Sénégal est un pays à 90% musulman et l'islam autorise les hommes à épouser jusqu'à quatre femmes), chacune dans une maison différente, pour éviter les disputes entre épouses. Le soir, il rentrerait chez lui, sa femme lui aurait préparé un bon repas, serait en petit pagne, elle lui « masserait les pieds et lui mettrait son pyjama ». Puis elle lui donnerait un « de ces remontants au gingembre, pour être en “ forme ”, éteindrait la lumière et… » Mais le rêve s'arrête là car « faute d'argent », il n'a qu'une femme. Il ne pourrait pas subvenir aux besoins d'une, voire deux ou trois autres familles. Emmanuel Cohen constate un changement, mais qui reste cantonné aux classes moyennes et aisées de Dakar :« Nous avons remarqué une ouverture au plaisir féminin, à la vie de couple. Ces femmes revendiquent leur plaisir sexuel. Elles veulent être indépendantes et les hommes de ces classes sociales recherchent aussi des femmes indépendantes. »
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