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Retards, absences, non respect des symboles, laxisme... : Les Sénégalais champions de l'incivisme ?

Auteur: Le Soleil

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Les Sénégalais accueillent bien la déclaration du président Macky Sall incitant les fonctionnaires à être plus ponctuels et assidus au bureau, mais craignent que les pratiques laxistes ne continuent de plus belle juste après un léger mieux.

Lendemain de pluie à Dakar, aux abords de la Cité des eaux. Un intense trafic rend la circulation lente, une chaleur moite enveloppe l’atmosphère, des flaques d’eau résistent encore aux rayons de soleil. Sur la route qui s’engouffre dans le quartier de la Zone de captage, juste après une station service, un véhicule de type 4x4 est stationné depuis un bon moment. Portière avant grandement ouverte, son occupant semble très anxieux. Par moment, il a son appareil portable collé à l’oreille. Sur son visage poupin, malgré son âge relativement avancé que trahit quelques mèches poivre-sel, une certaine fébrilité se lit. Comme un automate, l’homme tourne la tête dans tous les sens comme s’il cherchait un objet perdu. Ousmane Ndiath, chercheur à l’IRD, attend plutôt quelqu’un avec qui il avait rendez-vous pour 9h. 

Depuis une heure il poireaute. Du coup, quand on l’invite à se prononcer sur les déclarations du président de la République appelant les Sénégalais à plus de rigueur dans le travail en évitant les retards et les absences, sa réponse  tombe : «C’est du vent. Jamais les Sénégalais ne pourront se départir de cette mauvaise habitude. C’est un état d’esprit qui nous habite», lance-t-il d’une voix monocorde qui tranche avec la colère qui illumine ses yeux. «Vous-même vous constatez que je suis victime de cela actuellement. Depuis plus d’une heure j’attends quelqu’un. Il n’a même pas eu l’amabilité de m’appeler», grogne-t-il.  Comme s’il s’était fâché contre tout le monde, il estime que le président Macky Sall n’avait pas à rendre cette déclaration publique. Car, soutient-il, «on connaît le mal, il fallait passer directement aux sanctions au lieu de faire ce tapage médiatique. C’est ce qui me fait croire que c’est une mesure de plus qui sera bientôt rangée aux oubliettes». 

Maguèye Seck, chef d’une entreprise sise sur la route principale qui traverse la Zone de captage, est moins pessimiste que le chercheur de l’IRD. Boubou traditionnel couleur olive, barbe revêche, il estime que la rigueur peut revenir dans l’administration : «Il suffit juste de prendre des mesures de dissuasion en sanctionnant les premiers contrevenants sans états d’âme. À partir de là, il n’y aura plus de laisser-aller». Un laisser-aller qui, selon lui, s’est installé depuis qu’on enseigne plus l’éducation civique dans les écoles, pour dire que «c’est un problème d’instruction».

Les retards à l’école plus flagrants

À propos de l’école, c’est d’ailleurs l’un des secteurs où les retards et les absences des fonctionnaires sont le moins fréquents. Un argument avancé par M. Ndiaye, professeur de Français qui s’en réjouit : «S’il y a un fonctionnaire assidu et ponctuel, c’est bien l’enseignant. C’est le seul dont l’absence se constate tout suite, puisque les élèves vont rester dans la cours de l’école ou traîner dans la rue». Il souhaite de tout cœur que cette mesure d’incitation des fonctionnaires à être plus ponctuels et assidus au travail porte ces effets car, pense-t-il, il y va même de la performance de notre économie. «Il faut qu’on rompt avec le fonctionnaire qui n’est pas encore à son bureau tôt le matin et, dès le début de l’après midi, est déjà descendu», lance M. Ndiaye avec un petit sourire goguenard.

Une victime du manque de rigueur de certains fonctionnaires, c’est bien Omar Bâ. Il ne se lasse pas de raconter son mésaventure. Habitant le lointain quartier de Diamaguène, dans la banlieue, c’est au centre d’état-civil d’un hôpital du centre ville de Dakar qu’il doit se faire délivrer un extrait de naissance. Ce jour-là, il se présente sur les lieux, mais à sa grande surprise, l’agent lui apprend que le papier ne serait disponible que dans trois jours alors qu’auparavant, précise notre interlocuteur, «d’habitude la délivrance se faisait le même jour». Qu’à cela ne tienne, Omar revint trois jours après pour s’entendre dire que celui qui doit signer les papiers était en séminaire. Consternation ! «Tout cela pour dire combien certaines absences ou retards peuvent être préjudiciables. Parce que le seul signataire est absent, tout le monde doit attendre son retour», regrette-t-il. C’est dans la perspective de corriger ces genres de dysfonctionnements qui gangrènent l’administration qu’Omar accueille bien les déclarations du président de la République.

Comme lui, beaucoup de Sénégalais applaudissement des deux mains ce rappel à l’ordre, mais tous craignent qu’il ne s’agisse que d’un effet de manche de plus, comme les furent la mesure du port obligatoire de casque pour les motocyclistes et celle contre la surcharge dans les transports en commun après le drame du «Joola», rappelle Omar Bâ. 

Elh. Ibrahima THIAM

Respect des horaires : les mauvais élèves de l’administration

Les horaires de travail sont sacrés. Pourtant, au Sénégal, rares sont ceux qui s’y conforment. Des travailleurs dénoncent...

«Je me réjouis de l’invite faite par le président de la République Macky Sall. C’est une très bonne chose». C’est en ces termes qu’une dame du secteur privé, sous le couvert de l’anonymat, apprécie le discours du Chef de l’État invitant les Sénégalais au respect des institutions. En ce mois d’août, période de Ramadan, nombreux sont les travailleurs qui n’honorent pas leur engagement vis-à-vis du travail. Au building administratif, à certaines heures, les couloirs sont clairsemés. Le chef d’atelier du building, l’adjudant Amady Ndiaye, témoigne : «Je trouve que les gens ne viennent pas à l’heure, ils se pointent entre 9 à 10 heures et rentrent très tôt. C’est pire maintenant avec  le mois de ramadan. Je déplore que certains ne respectent pas leur engagement». Quant au receveur du bureau de la Poste, il raconte : «Il y a des habitudes qui sont difficiles à changer. Moi, je suis là avant 7h, et je quitte  après 19h. Personne ne m’oblige à le faire, mais je le fais pour satisfaire la clientèle. Il faut que les sénégalais aient l’habitude de travailler», dit Ibrahima Sarr. Agent à la Poste, il donne les raisons de cette absence : «Il y a beaucoup de fonctionnaires qui ont obtenu leur travail sans se fatiguer ; il faut le profil, passer par un concours, de l’Administrateur principal au planton». Et il confie : «Nous à la Poste on est obligé de travailler à l’heure, car les recettes sont obligatoires». 

Malamine Fernandez est un journaliste approché devant les grilles de l’Assemblée nationale. «Ce n’est pas la première fois que cette idée a été émise. Me Wade avait évoqué cela. Au Building administratif, même le ministre ne vient pas à l’heure. Les gens prétextent l’embouteillage. Ce serait une très bonne chose de venir au travail à l’heure indiquée», exhorte Fernandez. Selon lui, le ramadan est un aussi un alibi chez certains travailleurs pour descendre très tôt. Cette façon de travailler d’après le journaliste n’est pas sans conséquence. «Pour celui qui a besoin d’un papier administratif, si le document n’est pas disponible, cela pourrait lui porter  préjudice», confirme-t-il. M. Fernandez est d’avis que cette déclaration du président n’enlève en rien aux vieilles habitudes des Sénégalais. «Ce sont les chefs d’entreprise qui doivent sanctionner», tranche Malamine qui croit savoir que cette sanction ne peut pas être effective s’il existe une proximité entre le subalterne et le patron.

Des sanctions prévues mais jamais appliquées

Le conseiller municipal à la mairie de Grand Dakar n’y va pas par quatre chemins pour qualifier ces habitudes de violation flagrante du pacte entre l’employeur et l’employé. «Lorsque tu prends des engagements, il faut les respecter», suggère Demba Diop, rencontré sur l’avenue Bourguiba et joliment habillé en boubou traditionnel marron. Il poursuit en disant que certains facteurs sociaux favorisent parfois les retards. Pour y remédier, Demba préconise des assises à l’image de celles dites nationales. 

Question de conscience professionnelle

Directeur administratif et financier (Daf) de l’Agence  nationale pour l’emploi des jeunes (Anej), Moustapha Sylla fait un appel au civisme, qui, à ses yeux, est un vecteur de développement. «Cela va booster notre économie», jure-t-il. M. Sylla pense qu’il faut inculquer au personnel les valeurs cardinales du travail. Il parle de sensibilisation. Le Daf de l’Anej pense que chacun doit y mettre du sien. 

Le banquier Ibrahima Seydou Ndaw pointe du doigt l’administration qui foule au pied l’orthodoxie. «Nous dans le privé, nous faisons des émargements, c’est-à-dire les heures de pointage. L’idée du président est très bonne, mais il doit commencer par l’administration», déclame-t-il. M. Ndaw laisse entendre que seule la rigueur peut résoudre le problème. Il plaide pour qu’on donne aux chefs de service plus de responsabilités, afin qu’ils puissent sanctionner. Le pharmacien Vieux Ndiaye croit que le boulot est un contrat et sa bonne marche est fonction de son respect. «Les Sénégalais ne sont pas bien éduqués ; c’est un problème de discipline», constate le toubib. Abdou Guèye est dans la vente des meubles. Il avise qu’un être doué de raison doit accepter le travail comme un sacerdoce. «Cela nous confère le respect social. Dieu nous le recommande : travailles comme si tu ne vas pas quitter ce bas monde ; adores le Tout Puissant comme si tu dois mourir demain», éclaire M. Guèye. Il ajoute que dans certains pays comme la Chine, les gens viennent tôt et rentrent tard. «Bill Gates pouvait arrêter de travailler, car il a suffisamment d’argent, mais il continue de travailler», insiste le commerçant. Selon lui, il faut de Nouveaux types de Sénégalais (Nts). Il déplore le laxisme, rappelle aux fonctionnaires leur devoir de servir le peuple pour une bonne marche de notre pays. «Il  y a certains papiers au Sénégal, si tu veux les obtenir, tu perds une journée entière», fustige Abdou Guèye qui croit que Macky Sall ne pourra pas changer ces pratiques, déjà ancrées chez les Sénégalais. L’adjointe au maire des Parcelles assainies Fatou Kiné Faye salue l’invite du chef de l’État. Pour elle, tout est question de conscience professionnelle. «Depuis les années 60, les fonctionnaires n’ont jamais respecté leurs heures de travail», regrette celle qui est chargé de la santé et des groupements féminins à la commune des Parcelles assainies. Fatou Kiné préconise des sanctions. Prenant l’exemple sur leur mairie, l’adjointe de Moussa Sy soutient qu’il faut appliquer le système de pointage, non sans insister sur les sanctions. 

Serigne Mansour Sy CISSE

Rôle de l’Etat, des enseignants et des parents : L’éducation au civisme, un rempart face au laxisme

Les cours de civisme donnés à l’élémentaire et au collège ne sont pas les seuls moyens qui peuvent faire des élèves de bons citoyens respectant les symboles de l’État ainsi que les lois. Les enseignants demandent aux parents et aux autorités de s’impliquer dans l’éducation des jeunes afin qu’ils soient des modèles. 

La cours du Collège d’enseignement de moyens (Cem) des HLM Grand Yoff est vide de son monde. Les pensionnaires sont en vacances depuis quelques jours. Cependant, l’administration poursuit son travail. Elle met la main aux derniers réglages sous le contrôle et la supervision du principal. Mme Augustine Ndione Ngnigue qui a décidé ne plus parler à la presse, nous accorde quelques minutes pour évoquer la question du civisme au Sénégal. Et elle informe que dans l’établissement qu’elle dirige les élèves suivent l’instruction civique. Ces cours sont dispensés par des professeurs d’histoire et de géographie, renseigne-t-elle. «Je donne beaucoup d’importance à ces cours parce qu’ils aident les élèves à être de vrais citoyens ayant de bons comportements. Un bon cours de civisme permettrait d’améliorer les comportements des élèves qui seront les responsables de demain dans les écoles, les maisons, les quartiers… Les parents doivent aider les enseignants en éduquant bien leurs enfants à la maison. «L’enfant n’est que  le portrait de ce qu’il est chez lui et les enseignants ne font qu’achever ce qui a été déjà commencé par les familles», rappelle le principal. Et elle ajoute : «C’est bien d’enseigner le civisme dans les écoles, mais si les parents n’éduquent pas bien leurs enfants, nous allons assister à des dérives et au non respect de la loi et des règles les plus élémentaires de la vie. Chacun doit jouer son rôle car la responsabilité est partagée», explique Augustine Ndione.

Sanctionner l’incivisme

Pour Silmane Ndiaye, enseignant à l’école élémentaire Kalillou Sy de Grand Yoff, les enseignements sur le civisme doivent être renforcés. «Un bon enseignement sur l’éducation civique du Ci à la 3ème secondaire permettrait aux jeunes de  respecter les  symboles de la nation et certaines lois», dit-il. Ce qui n’est pas le cas à nos jours, selon lui.  «Quand on monte le drapeau, les grandes personnes ne s’arrêtent pas, certaines urinent sur les mûrs des camps de la gendarmerie ou de la polices et d’autres institutions de l’État. D’autres jettent des ordures ménagères n’importe comment. Les jeunes n’ont aucune considération pour les anciens et leurs enseignants», regrette Silmane Ndiaye. Pourtant, de l’élémentaire au secondaire, les cours de civisme sont bien donnés car l’éducation civique occupe une bonne place dans les enseignements, renseigne notre interlocuteur. 

Le civisme est un comportement de tous les jours, indique le principal du Cem Scat Urban Felly Cissokho. Selon ce chef d’établissement, «ce n’est pas seulement à l’école que l’on acquiert de bons comportements, il y a aussi la maison et même la rue. L’élève peut se comporter bien à l’école et avoir une autre attitude dans la rue. Il faut que les parents, les politiciens, les enseignants et l’État s’y mettent pour que  les jeunes, en particulier les élèves, aient un esprit civique en respectant les règles les plus élémentaires de la vie». Maintenant les enseignants sensibilisent les élèves en leur demandant de ne pas jeter des ordures dans les salles de classes ou dans la cours. «Malheureusement, ces consignes ne sont pas appliquées dans les maisons, ce qui pose  problème. Il faut que tout le monde s’y mette», a-t-il lancé. Invitant l’État à  apporter sa touche en sensibilisant les populations à travers des émissions dans les télévisions et les radios ou des affiches. «Maintenant si l’on ne respecte pas la loi, l’État devrait pouvoir sanctionner en tapant fort. C’est le seul moyen pour que les populations changent de comportement parce que l’école et les parents ont montré leurs limites», signale M. Cissokho. Cherif Diagne est un parent d’élève habitant les HLM Grand Yoff. Ce père de famille estime que la responsabilité est partagée entre enseignants et parents parce que les élèves passent plus de temps à l’école et dans les rues qu’à la maison. «Les parents font ce qu’ils peuvent, mais parfois c’est compliqué», reconnaît-il. Abdoulaye Ndiaye essaye, quant à lui, de justifier ce que certains appellent la fuite de responsabilité des parents en indiquant que cela est dû à un manque de temps. «Les parents n’ont pas le temps. Ils se lèvent le matin pour aller chercher le pain quotidien et de quoi  payer la scolarité des enfants. C’est aux enseignants de faire le travail parce qu’ils devraient être des modèles pour ces enfants», martèle-t-il.    

Eugène KALY

Colonel Birama THIOUNE, directeur des archives et du patrimoine historique des forces armées : « Connaître les symboles pourrait contribuer à améliorer le sens civique des Sénégalais »

Une bonne connaissance des symboles de la République peut développer la culture civique des Sénégalais. C’est l’avis du colonel Birama Thioune, directeur des Archives et Patrimoine historique des Forces Armées qui a ouvert les rayons de ses casiers au Soleil.

Colonel, pouvez-vous nous rappeler les différents symboles de l’État sénégalais ?

« Il y a certains symboles que chaque sénégalais doit retenir et connaître. D’abord, nous avons le drapeau national avec ses couleurs, sa symbolique et son histoire. Il y a aussi l’hymne national, les armories du Sénégal et les sceaux (celui qui porte le lion et celui qui porte le baobab). Il y a bien sûr d’autres hymnes qui sont arrivés comme l’hymne de la jeunesse, l’hymne de la renaissance africaine et l’hymne du cinquantenaire. Mais il faut surtout dire que la connaissance de notre hymne national incombe à chaque citoyen sénégalais ».

Pensez-vous que ces symboles sont bien connus des Sénégalais ?

« Non malheureusement ! En tout cas, si on en juge à l’aune des visiteurs qui viennent nous voir ici au musée, on a un extrait de la symbolique et chaque fois qu’on demande aux jeunes visiteurs s’ils connaissaient la symbolique du drapeau et son historique, ils ne nous donnent pas la bonne réponse. Nous leur expliquons alors ce que c’est que ce drapeau depuis la Fédération du Mali, comment ce drapeau a évolué et ce que le président Senghor a voulu que tout Sénégalais puisse retrouver dans ce drapeau. Mais il faut dire que nos concitoyens connaissent très peu la signification de ces symboliques ».

Cette méconnaissance des symboles peut-elle être un facteur d’incivisme des Sénégalais ?

« Je ne dirai pas cela. Mais je pense que les connaître et comprendre leur signification pourraient contribuer grandement à améliorer le sens civique de nos concitoyens. Parce que si vous prenez par exemple notre devise, Un Peuple, Un But, Une Foi, chaque mot en lui-même signifie quelque chose : Un Peuple (nous sommes tous ensemble), Un But (nous avons le même objectif), Une Foi (ce que nous croyons tous ensemble pour le bien du Sénégal). Si chacun les vit en soi, ce sera un bien pour la collectivité. Et si vous prenez la devise des Armées (On nous tue, on ne nous déshonore pas) qui a été donnée par le président Senghor, cela a toute sa signification. Et nous avons l’habitude de dire à nos visiteurs que cette devise ne doit pas être l’apanage exclusif des forces de défense et de sécurité. Mais elle doit être l’appropriation de tout Sénégalais qui doit être capable d’aller jusqu’au sacrifice suprême pour l’honneur de son pays. Cela commence par les civilités, par le sens du civisme et du patriotisme, par le sens du bien commun et non de l’intérêt individuel ».

Selon vous, ce sens du civisme ne doit-il pas être enseigné dès le bas âge à l’école ?

« Il doit l’être ! Le sens du civisme, du patriotisme et de la solidarité, du sacrifice et du don de soi, c’est quelque chose qui doit être enseignée à l’école et à l’intérieur des maisons. L’instruction civique que nous avions à l’époque dans les classes doit être pérennisée. Nous Forces armées sommes prêtes à contribuer à cela par le biais d’un outil pédagogique, appelé «Muséobus», dont nous disposons et qui entre dans la dynamique du concept armée-nation. Parce que sa vocation c’est de se déplacer vers les populations et en particulier dans le milieu scolaire. Et en ce moment, nous partageons tout ce qui est patrimoine des forces armées. Ce patrimoine commence d’abord par les valeurs cardinales que nous incarnons («diom, fiit, mougne», dignité, courage, abnégation) et tout ce qui est civilité et le sens du sacrifice et du don de soi pour son pays ».  

Propos recueillis par Maguette NDONG

Sens et significations du drapeau, de l’hymne national, des sceaux…

Comme tout Etat souverain, le Sénégal s’est doté de symboliques et d’attributs qui le différencient des autres. Parmi ces symboles, le drapeau, l’hymne national, les sceaux et des institutions telles que le Palais présidentiel, l’Assemblée nationale, etc.

Le drapeau 

Selon le colonel Alexis Manga, chef de la Division musée à la direction des Archives et du patrimoine historique des armées, le drapeau est le symbole de notre indépendance, mais il traduit aussi l’unité et la cohésion de la nation sénégalaise. Historiquement, ce drapeau vert-jaune et rouge reprend les couleurs de trois partis politiques sénégalais. Ainsi, le vert est la couleur du Bloc démocratique sénégalais (Bds) ; le jaune celle du Mouvement populaire sénégalais (Mps) tandis que le rouge est la couleur du Parti d’action sociale (Pas).

Toutefois, au plan sociologique et religieux, ces différentes couleurs peuvent avoir une autre signification. C’est ainsi que le vert est la couleur par excellence des musulmans et celle préférée du Prophète (Psl). Pour les Chrétiens aussi, le vert signifie l’espérance tandis que pour les religions traditionnelles, cela renvoie à la fécondité. Le jaune signifie la richesse et le rouge est la couleur du sang et du courage. Quant à l’étoile verte qui est placée au milieu du drapeau, elle symbolise l’espoir qu’a suscité l’indépendance. Elle porte cinq branches, car le président Senghor a voulu se rappeler de la figure (dogon)  qui se trouvait sur le drapeau de la Fédération du Mali un idéogramme à cinq parties d’où les cinq branches.

 L’hymne

C’est le chant qui nous différencie des autres pays. Il consacre l’union de tous les Sénégalais autour d’un même idéal. Il a été écrit par le président Senghor. En dehors de l’hymne national, il y a l’hymne de la jeunesse et l’hymne de la renaissance africaine qui ont été créés.

Les Sceaux

Le Sénégal a la particularité d’avoir deux sceaux (un pour le baobab, un autre pour le lion). Le sceau frappé du lion est utilisé par le président de la République quand il veut signer certains grands actes et des traités ; le second sceau c’est celui qui est frappé du baobab, il est utilisé par tous les services de l’administration.

Les armoiries

À la différence du sceau, une armoiries c’est l’identité de l’institution ou de la personne. C’est un signe de noblesse qui distingue l’institution des autres édifices. Les anciennes villes comme Rufisque, Dakar et Saint-Louis disposent chacune d’armoiries qui leur sont propres. L’armoirie peut banalement être appelée logo.

Les décorations

Ce sont des distinctions honorifiques qui peuvent être attribuées aux militaires ou à des civils, en reconnaissance de leurs services rendus à la nation. Parmi ces déclarations, on peut citer l’ordre national du Lion et l’ordre national du mérite. À la veille de la fête de l’indépendance, le président de la République peut, sur proposition d’un service ou d’une institution, décorer des citoyens sénégalais qui sont distingués dans leur activité. Les armées (air, terre et marine) ont, elles aussi, chacune une médaille d’honneur qu’elles peuvent attribuer à des agents méritants. Il en est de même des paramilitaires que sont la Police et les Douanes. Une distinction comme les palmes académiques profitent aux enseignants du supérieur, tandis que la médaille des Arts et des Lettres est réservée aux acteurs culturels. Enfin, le Palais présidentiel, l’Assemblée nationale ainsi que des places célèbres comme la Place de l’Indépendance ou l’Obélisque sont aussi des symboles de notre République.

Pape Sidy Ngom, sa passion c’est le drapeau national

Pape Sidy Ngom aime la République et le prouve à chaque occasion en brandissant le drapeau national, à tel point que son nom est accolé à ce symbole de l’Etat. Surnommé « Ngom Drapeau », ce citoyen modèle ne cesse de rappeler les symboles que nous partageons tous.

Ceux qui ont l’habitude d’aller dans les cérémonies républicaines à Dakar ou à l’intérieur du pays l’ont peut-être une fois aperçu. Tenant ferme le drapeau national vert, jaune et rouge frappé de l’étoile aux cinq branches au milieu. Avec toute la solennité qui sied et le respect qu’il faut à l’un des plus grands symboles de la République, Ngom Drapeau est devenu une icône des cérémonies et banquets républicains. Toujours tiré à quatre épingles, il donne parfois l’image d’un ancien combattant avec son képi tricolore ou parfois même de quelqu’un qui ne se prend pas trop au sérieux. Mais au milieu des dignitaires et des plus hauts responsables de l’État, Pape Sidy Ngom de son vrai nom à l’Etat civil, rappelle à tous l’importance du drapeau et la place qu’il doit occuper dans des rencontres pareilles. À ses yeux, le drapeau est l’élément fédérateur qui unit tous les Sénégalais de quelque obédience qu’ils puissent se réclamer ou de quelque bord politique où ils se situent. D’autant plus qu’il pense que le laisser-aller et l’incivisme des Sénégalais sont souvent encouragés par le non-respect de ce symbole national. L’homme ne rate jamais une occasion pour brandir ce drapeau ou pour distribuer gratuitement des pinces aux ministres, aux préfets et aux fonctionnaires de la haute administration. 

Les hôtes de marque de la République ne sont pas en reste. C’est le cas de l’ancien président malien Amadou Toumani Touré, de sénateurs américains en visite au Sénégal, d’Akon (lors du Fesman) ou encore du Révérend africain américain Jesse Jackson. Ce dernier, étonné du geste hautement patriotique, lui avait offert, en retour, un macaron de l’État du Texas. Le président Abdoulaye Wade l’a déjà décoré de la médaille d’honneur.  Des honneurs qui lui donnent la force et le courage de continuer dans sa démarche. Et depuis que le gouvernement a pris l’initiative de décentraliser les conseils des ministres, il fait le déplacement dans les capitales régionales. 

« Certains pensent que je suis proche du président… »

Au Palais et à l’aéroport, Ngom ne rate jamais les entrées et les sorties du président de la République. «Je prends le soin de m’informer sur son agenda et son calendrier pour faire mes déplacements. Quand il part ou retourne de voyage, je suis à l’aéroport quatre heures avant son arrivée sur les lieux», informe-t-il. L’actuel président de la République Macky Sall remarque toujours sa présence et lui fait un salut. «Il prend toujours la peine, quand il est dans son véhicule, de baisser les vitres et de me saluer et cela est réconfortant», se réjouit le bonhomme. Cette attention que lui témoignent le chef de l’État et des ministres a fait de lui un homme respecté et craint parfois par beaucoup de personnes. «Certains pensent que je suis un proche du président de la République et n’hésitent pas à me demander, en pleine rue,  comment va le président, mais je ne suis pas dans le secret des dieux ou du Palais», clarifie l’intéressé. Même s’il bénéficie de la sympathie des hauts responsables de l’État, Ngom Drapeau se veut apolitique. 

Pour lui, son seul parti reste le Sénégal. Au cœur du régime libéral, beaucoup croyaient qu’il était du Parti démocratique sénégalais. Ce qu’il réfute totalement estimant que l’État c’est la continuité et qu’il fera ce qu’il est en train de faire quel que soit le président qui sera à la tête du Sénégal. Pourtant, rien ne prédestinait Pape Sidy Ngom à une vie pareille. Ancien interprète dans une ambassade de la place, il gagnait bien sa vie. Jusqu’à ce que cette représentation diplomatique mette un terme à la collaboration. «J’étais marié, j’avais une location et je gagnais bien ma vie, jusqu’à ce que cela arrive», renseigne-t-il. Ce sera la traversée du désert et des problèmes à en plus finir. Dans sa propre famille, beaucoup pensaient qu’il avait perdu la tête. «Mais moi, je savais ce qui me motivait et la cause pour laquelle je faisais cela. Aujourd’hui l’histoire m’a donné raison», dit Ngom Drapeau. 

À l’heure actuelle, Ngom Drapeau mène une vie paisible et honnête en élevant ses trois enfants (deux filles et un garçon), mais il continue d’être confronté aux réalités quotidiennes et c’est la débrouille en permanence. Sans activité rémunératrice et sans salaire, il se contente de ce que lui offrent des amis pour gérer son quotidien. Mais cela ne l’empêche pas de tenir ferme le drapeau. 

Maguette NDONG

Auteur: Le Soleil
Publié le: Mercredi 15 Août 2012

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