Guinée : un proche du pouvoir affirme que les opposants disparus "vivent bien"
Les propos d'un homme politique proche de la junte en Guinée, affirmant que les personnes victimes de disparitions forcées "vivent bien" et "mangent bien", ont suscité de vives réactions dans le pays, dont l'ONG Reporters Sans Frontières (RSF) mercredi.
Lors d'une conférence de presse dimanche à Kankan (est), Taliby Dabo, un proche de la junte du général Mamadi Doumbouya, a affirmé à des journalistes que "les hommes que vous pensez disparus mangent, s'habillent, dorment et suivent très bien l'actualité."
Plusieurs opposants au régime militaire qui a pris le pouvoir par un coup d'Etat en 2021 ont été enlevés ces dernières années et leur sort reste inconnu à ce jour.
Oumar Sylla, plus connu sous le nom de Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un mouvement citoyen qui réclame le retour des civils au pouvoir en Guinée, avaient été enlevés le 9 juillet 2024.
Les autorités ont toujours affirmé ne rien savoir des cas de disparitions forcées qui ont eu lieu et leur sort reste inconnu à ce jour.
M. Dabo, ancien responsable du parti de l'ex-président Alpha Condé et désormais soutien affiché de la junte, a invoqué des "raisons de sécurité nationale" pour justifier la mise au secret des personnes enlevées.
"Vous avez vu que depuis qu'ils sont gardés au secret, il y a le calme et aucun problème," a-t-il poursuivi.
M. Dabo ne s'exprime pas au nom du gouvernement et les autorités n'ont pas réagi à ses déclarations.
Ses propos ont suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux et dans les médias, relançant le débat sur les disparitions dans le pays.
RSF, s'inquiétant du sort du journaliste Habib Maraoune Camara, disparu depuis 8 mois, a demandé aux autorités "de réagir à ces déclarations" et de "tout mettre en oeuvre" pour sa libération, dans un communiqué publié mercredi.
"Taliby Dabo est la première figure politique à partager publiquement des informations, difficilement vérifiables, sur la situation d'Habib Marouane Camara", souligne Sadibo Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
L'association Tournons la Page a réclamé une "action urgente" des procureurs de Conakry et de Kankan, pour "retrouver les auteurs, co-auteurs, complices et lieu de détention de ces citoyens guinéens".
Le général Mamadi Doumbouya, à la tête de la junte, a pris le pouvoir en septembre 2021 après avoir renversé le président civil, Alpha Condé, qui était au pouvoir depuis plus de dix ans
L'opposition et la société civile guinéennes critiquent l'exercice de plus en plus autoritaire du pouvoir par la junte, régulièrement accusée de réprimer les voix dissidentes.
Elle s'était initialement engagée, sous la pression internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus avant fin 2024, mais n'a pas respecté son engagement.
Elle a promis un retour à l'ordre constitutionnel cette année et annoncé la tenue d'un référendum constitutionnel le 21 septembre prochain.
Commentaires (0)
Participer à la Discussion