Voilà 13 ans jour pour jour qu’un nouveau régime s’installait au cœur du pouvoir à Dakar. Une alternance démocratique qui mit fin à 40 ans de règne socialiste et ouvrit une nouvelle ère de l’histoire politique du Sénégal. Abdou Diouf parti, Karim Wade arrivait au pouvoir. Que dis-je ? Son père plutôt, l’éternel opposant Abdoulaye Wade, alors âgé de 74 ans, remportait une victoire historique face au sortant, le socialiste Abdou Diouf.
De mars 2000 à mars 2013, le pouvoir a changé de mains, à deux reprises, mais est resté le même. 26 années d’opposition remplies d'espoir, 12 ans de pouvoir libéral marqués par l’usure du pouvoir d’un vieux président dont tous les actes posés renvoient à la succession à laquelle il préparait son fils, impliqué dans toutes les sauces à milliards.
Si les Sénégalais ont retenu de l’alternance démocratique un nouveau visage de la capitale, Dakar, de nouvelles infrastructures éducatives, sanitaires et culturelles à travers le pays, le régime aura brillé aussi par sa capacité à enrichir ses hommes, de Wade lui-même à ses anciens Premiers ministres, Macky Sall et Idrissa Seck en passant par son fils, Karim Wade, aujourd’hui traqué de toute part, poursuivi pour enrichissement illicite ou biens mal acquis, devenu à lui seul, un cas d’étude pour la criminologie économique.
C’est une lapalissade de dire de Karim Wade qu’il est l’incarnation personnifiée d’un régime à scandales, de la mal-gouvernance, la gabegie, la prédation de deniers publics, autant de maux dont souffre un pays malade de ses élites, ceux-là qui confondent l’argent du contribuable avec leur tirelire personnelle.
En listant les crimes supposés et avérés de Wade-fils, on en oublie même la responsabilité du père, le président qui pourtant, aura été à la fois maître d’œuvre et maître d’ouvrage, l’ordonnateur principal et l’artisan incontesté de toute ces dérives qui ont jalonné les douze « glorieuses » de la fameuse alternance.
Dans l’impossibilité de pouvoir mettre la main sur le vieux président, on se contente de traquer son fils, ses proches collaborateurs qui doivent, certes, rendre compte de leur gestion. La logique voudrait aussi, que le président lui-même, répondît de ses crimes, s’ils sont avérés. Mais le successeur d’Abdoulaye Wade, Macky Sall en l’occurrence, ne s’aventurera, jamais, à lever l’immunité qui protège son prédécesseur.
Parce que Macky Sall a raison de craindre, une fois parti du pouvoir, de connaître le même sort, puisque lui aussi, a beaucoup de mal à justifier de ses biens, sa fortune amassée en dix ans, soupçonné qu’il est, d’enrichissement illicite, de biens mal acquis, mais protégé aujourd’hui par son immunité présidentielle, la même qui protège Abdoulaye Wade.
Près d’un an après le départ de Wade, le Sénégal et les Sénégalais ne se portent pas mieux, si leur situation n’a empiré. La santé y est encore un luxe, on meurt dans les hôpitaux, faute de prise en charge sanitaire. L’éducation paralysée par des mouvements de grève des « gens-saignants », les diplômés chômeurs noyés dans le désespoir, des milliers d’enfants dans la rue en proie à la mendicité ; le gaz (très cher) introuvable sur le marché, l’électricité, l’eau, tout manque dans le « Macky de Sall » dont les débuts au pouvoir n’augurent rien de rassurant pour les consommateurs et ménages sénégalais à qui on a fait miroiter une baisse des prix des denrées.
Déçus du Pds et ses douze ans de pouvoir, déçus aussi de Macky Sall et sa première année à la tête de l’Etat, depuis le 25 mars 2012, date à laquelle le Pds s’est métamorphosé. Date à laquelle un de ses membres, Macky Sall, a accédé au pouvoir. Changement d’hommes à la tête de l’Etat, mais pas de changement de régime, puisque Macky est un homme de l’ancien régime dont il a partagé et cautionné huit sur les douze ans de règne libéral. Donc, pas de nouvelle alternance au Sénégal comme beaucoup le prétendent. Si le nouveau président n’est qu’un prolongement du wadisme, ce pouvoir de ce Pds qui a survécu.
25 mars 2012, ce n’est pas Macky Sall qui a été élu ou plébiscité. C’est plutôt Abdoulaye Wade qui a été sanctionné, lourdement, par des électeurs dégoutés, qui ne voulaient plus de lui à la tête de l’Etat. Justement ce que les Sénégalais ont fait, en se débarrassant de Abdou Diouf, le 19 mars 2000. Ouvrant ainsi la voie à Karim Wade, qui aujourd'hui, s’achemine lentement, mais sûrement, vers sa mise en accusation, son procès. Wade-fils est en train de rendre compte, après avoir géré, par procuration, le pouvoir. Car le 25 mars 2000, en élisant Abdoulaye Wade, les Sénégalais, sans le savoir, allaient se retrouver à la fois, avec le père et le fils à la tête du pouvoir. Le procès de Karim Wade, c’est en définitive, l’autre procès d’Abdoulaye Wade, celui qui n’aura pas lieu, du moins, de son vivant. Faute de grives, les merles feront l'affaire.
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