Derrière la salle d’accouchement : La souffrance silencieuse des pères
L’accouchement est souvent raconté du point de vue des femmes, à juste titre. Mais dans l’ombre, les hommes souffrent aussi, d’une autre manière : une douleur silencieuse, sans cris ni contractions, mais profondément réelle.
Assis dans son bureau, Pape Diouf est ailleurs. Son esprit est avec son épouse, enceinte et à terme, qu’il a laissée seule ce matin. « En quittant la maison, elle m’a confié qu’elle avait des douleurs. Je ne voulais pas la laisser, mais je devais être au bureau », confie ce directeur des ressources humaines d’une grande entreprise sénégalaise.
Ce jour-là, à 13h, son téléphone sonne. Sa belle-mère annonce : « Elle est en travail, on se rend à l’hôpital. » « Automatiquement, j’ai eu le vertige. J’ai quitté le bureau sans prévenir personne », se souvient-il, un sourire nerveux aux lèvres.
À l’hôpital, le choc : il n’a pas le droit d’entrer dans la salle d’accouchement. « J’ai crié sur la sage-femme. Je lui ai dit que je ne resterais pas dehors alors que ma moitié est entre la vie et la mort pour me donner un enfant. » Malgré ses supplications, les blouses blanches restent inflexibles. Alors, il attend dehors. Il pleure, prie, se remémore. « Tous nos moments ensemble me sont revenus. J’ai recommencé à pleurer, demandant à Dieu de me les rendre sains et saufs. »
Trente minutes, une heure, deux heures. Puis, enfin, le médecin : « Félicitations, votre femme a accouché d’un mignon garçon. » Pape rend grâce à Dieu. Puis, trou noir. Il s’évanouit.
Le 11 septembre 2023, vers 22h, Ousseynou Seck vit une autre scène. Sa femme ressent une douleur fulgurante au ventre. Sans expérience, il appelle sa mère. « Je ne savais pas quoi faire, c’était notre premier bébé. »
Sur les conseils maternels, ils se rendent au poste de santé. L’infirmière confirme : le travail a commencé. Ousseynou passe la nuit sur place, accompagné de son meilleur ami. « Je n’ai pas fermé l’œil, j’étais rongé par le stress et la peur. »
À 4h du matin, sa mère prend le relais. Épuisé, il va se reposer. À son retour, vers 7h, le médecin consulte le dossier : grossesse à risque, anémie sévère. Le poste de santé n’est pas équipé pour gérer ce cas. Il faut transférer la patiente.
Direction une clinique plus proche. Après plusieurs tentatives, le verdict tombe : l’accouchement par voie basse n’est plus possible. Le bébé est fatigué, elle aussi. « Quand on m’a dit que ce serait une césarienne, j’ai blêmi. Je pensais aux frais, à sa santé, à tout. »
Une heure plus tard, la nouvelle arrive : elle a accouché. Soulagement, mais l’inquiétude persiste. Il la retrouve dans sa chambre, le corps marqué par le sang. « Quand je l’ai vue, mon cœur battait plus que la normale. » L’infirmière le rassure : c’est normal.
Il appelle sa tante pour annoncer la naissance, mentionnant une césarienne. Mais sa femme le corrige : « Non, j’ai accouché normalement. » Surpris, il demande comment. Elle raconte : « Une fois au bloc, j’ai demandé au médecin si je pouvais essayer une dernière fois. Il a accepté. J’ai poussé avec toute ma force, en pensant à toi. Je savais que tu n’avais pas les moyens pour payer 500 000 francs. »
« J’ai su que j’avais la meilleure épouse au monde. Elle a pensé à moi avant de penser à elle-même. Mon amour s’est multiplié », confie Ousseynou.
Le cas de Momar Sène diffère. En route vers la maternité, il reste calme. « Je n’avais pas peur. Je posais juste quelques questions à ma femme pour savoir où elle en était. » Son seul souhait : que l’enfant naisse en bonne santé, que la mère aille bien. C’est son premier enfant, il n’a aucun repère.
Il s’imaginait dans la salle, tenant la main de sa femme, assistant à la naissance. Mais son rêve est brisé. « Les hommes restent dehors. Les femmes accouchent toutes ensemble, aucun homme ne peut entrer dans la salle », lui explique la sage-femme. Il se sent exclu, impuissant.
Entre distance, culpabilité et amour
Ibrahima Diop, Sénégalais vivant en France, était à Paris lorsque sa femme a accouché, à des milliers de kilomètres. « Je venais de raccrocher avec elle vers minuit. Elle avait mal au dos, mais pensait que ce n’était rien. Je l’ai rassurée. Une heure plus tard, sa sœur m’appelle : ‘Elle est en travail. On part à l’hôpital.’ »
Ibrahima reste figé. Impossible de prendre un vol en pleine nuit. « J’ai tourné en rond dans mon salon. J’ai prié. J’ai pleuré. J’ai appelé toutes les dix minutes, mais personne ne répondait, ce qui a augmenté mon inquiétude. »
À 5h du matin, sa belle-sœur, en larmes : « C’est un garçon. Elle va bien. » Il s’effondre. « J’ai pleuré comme jamais. Pas de joie tout de suite. Juste du soulagement et une immense tristesse. Je n’étais pas là. Je n’ai pas entendu son premier cri. Je n’ai pas pu lui dire que je l’aimais pendant qu’elle souffrait », regrette le quadragénaire.
Deux semaines plus tard, de retour au Sénégal, il découvre son fils. « Il était beau. Mais je me sentais comme un invité. J’avais raté le moment le plus important de notre vie. »
Aujourd’hui, cette absence reste une cicatrice. « Je sais qu’elle m’a pardonné. Mais moi, je ne me suis jamais pardonné. Être père, c’est aussi être là. Et ce jour-là, j’étais ailleurs », narre-t-il, tristement.
Pour Mme Diène, sage-femme, la présence des pères à l’accouchement serait bénéfique. « Ils verraient à quel point les femmes souffrent en donnant la vie. » Mais les conditions dans la plupart des structures de santé sénégalaises ne le permettent pas. « Dans les hôpitaux, toutes les femmes sont dans une seule salle d’accouchement. Pour préserver leur intimité, les hommes doivent rester dehors », explique-t-elle.
Elle insiste sur leur rôle essentiel : « Ils doivent être présents, physiquement et émotionnellement, aux côtés de leur compagne. Même s’ils ne peuvent pas tout contrôler, leur simple présence, leurs paroles, leurs gestes de réconfort pendant les contractions et les phases de repos peuvent faire une grande différence. »
La peur et le stress sont les réactions les plus fréquentes chez les hommes. « Certains sont très anxieux, surtout lorsqu’ils voient leur partenaire souffrir sans pouvoir intervenir. D’habitude, on les rassure en expliquant les étapes du processus, le déroulement de l’accouchement et ce qu’ils peuvent faire pour accompagner leur femme », confie la sage-femme.
Mais parfois, certains s’évanouissent, submergés par le stress ou l’impuissance. « L’accouchement est un moment intense, pour la mère comme pour le père », conclut Mme Diène.
Commentaires (17)
Non, ce sont les mères qui souffrent n’inversez pas les choses.
Salam Pape, vraiment c'est dur pour tout le monde et plus particulièrement pour nos braves femmes. Mes enfants, j'ai vécu leur naissance dans l'angoisse et la peur. J'ai tellement pleuré à cause de l'insensibilité des sages-femmes que je ne m'en revenais pas. Mais Dieu merci, c'est fini. Je ne ferai plus d'enfants car je suis obsédé à l'idée de penser que je vais retourner un jour à l'hopitale. Merci à nos braves femmes.
Il ne faut jamais éprouver des sentiments de compassion pour une femme dans le labour de son devoir originel que le destin lui est destiné, d'ailleurs beaucoup de choses ont été mises en veille chez elles par la création pour qu'elles ne répondent qu'à des émotions qui primeront dans son existence sur le rationnel, la logique et autres actes de reconnaissance du passé qui devaient orienter ses actions pour ne privilégier que ses émotions.
Ce sont des pères engagés pas des géniteurs. Moi le mien, pour le 2nd m'a déposée calmement à la clinique et est allée chez sa maîtresse jusqu'au milieu de la nuit est repassé après mon accouchement pour 30 mns et est reparti au bureau.
La plus grande souffrance au monde c'est quand l'homme doit trouver un toit pour ses enfants et sa femme, assurer la dépense quotidienne, payer l'eau, l'électricité, l'internet, l'éducation des enfants et les frais médicaux.
Merci pour le fou rire. Tu devrais essayer la comedie
père souffrirouhnou Dara
En Europe les pères assistent à l accouchement
Sokhna Faty Isseu Samb, je pense être dans une phase d'hypersensibilité, vous m'avez arraché les larmes des yeux, merci pour cet article. Honneur aux pères responsables qu'on manque parfois de féliciter alors qu'ils traversent aussi le désert lors de l'accouchement de leurs braves dames.
voir sa femme et son enfant étre en danger ou avoir mal sans pour autant pouvoir agir directement t'apporte sincèrement une prise de conscience que Tout dépend de la volonté divine Allah Soubhanahou watalla.
Je suis un père de famille de 64 ans
Bel article
Periode trés difficile à supporter. Moi ne pouvant pas supporter la douleur que ma femme supporté ainsi que les vas et viens incessantes. J'ai demandais à faire la césarienne, meme si cet derniere etait trés couteau. Al hamdoulilah ça s'est bien passé. Meme pour ma soeur c'etait le cas, au poste de santé on nous demande d'aller à pikine, de pikine on nous dit de retourner à la maison attendre s'il y'a des contractions vous revenez pour faire un aller et retour de 50 km. Pendant ce temps ma soeur criait de douleur. Finanlement, j'ai demandé à ma mére de l'amener à la clinique, arrivé labas, le medcin nous dit qu'il faut un intervation rapide, car l'enfant prend trop le liquide amniotique. Et effectivement c'etait le cas, car apres l'operation cesarienne, il a fallu à l'équipe de sortir le liquide pour que l'enfant cri aprés 1 à 2 mm. Pour dire c'est stressant cette periode. Mais par la grace de Dieu alhamdoulilah
Je n'ai pas pu retenir mes larmes, à la lecture de cette partie dans laquelle la dame dit : "J’ai accouché normalement.raconte : « Une fois au bloc, j’ai demandé au médecin si je pouvais essayer une dernière fois. Il a accepté. J’ai poussé avec toute ma force, en pensant à toi. Je savais que tu n’avais pas les moyens pour payer 500 000 francs». Cette dame a le coeur d'une mère. Qu'Allah SWT lui donne une progéniture bénie.
J ai eu la chance d'etre present a la naissance de ma fille, je rends grace a DIEU et conseille a ceux qui en ont la possibilite de le faire.
Je rêve ou quoi? Souffrance des pères
Fallait écrire époux au lieu de père. L'article parle de l'épouse.
J'ai eu la chance d'avoir assiste et aide a la naissance de deux de mes filles. J'ai aussi coupe le cordon nombrical ,je les ai nettoiye et enveloppe pour les deposer sur les bras de leur mere. Tout cela avec l'assistance du Ccorps medical. J'avais auparavant insiste et reiterer ma volonte d'etre present, naturellment ce fut le Niet du cote de ma Belle-mere et de ma femme. Grace a ma tenacite assortie d'une volonte sans faille,j'ai reussi a les convaincre pour assister ,reconforter,partager ce moment unique que tout Homme doit vivre .
N.b: j'ai recu les felicitations de l'equipe medicale pour ma performance, mon calme et ma devotion sans tomber en syncope. Groß bisous a ma femme etaux filles cheries
iow deh a coup sur do tal dohane tu es un pere aimant et respecueux enves ta femme def sa waref
Pourquoi ne pas changer cette pratique qui isole le père de ce moment le plus important de sa vie et lui permettre d'y assister? Là où je vis c'est ce qui se fait. J'ai assisté à l'accouchement en tenant la main de la mère de notre enfant. Cette expérience est très bénéfique d'ailleurs.
Ça fait vraiment rire.
On nous décrit l'angoisse d'une demie journée comparé à la souffrance de 9 mois, un corps défiguré à jamais et des effets secondaires qu'il faudra nécessairement gérer comme l'incontinence, le diabète, l'obésité, l'hemoroide, etc ...
Je passe sous silence les nuits sans sommeil, la convalescence qui perdure, le regard constant de la société toujours pré à dire qu'elle est une mauvaise mère, etc
Pauvre papa qui est vraiment mal barré.
Mon cœur saigne pour lui.
Vraiment ce texte vient juste de dérober la première place à nos vaillantes mères de toujours.
Ils sont insidieux et reviennent nous hanter quand on s'y attend le moins
bel article qui montre le vécu de la maternité par les hommes et leur exclusion à la fois par les professionnels de santé et par les familles. Bravo à cette nouvelle génération de papas qui revendiquent le droit à participer pleinement à toutes les étapes de la maternité de leur épouse ainsi qu'à l'éducation de leurs enfants. Bravo à la journaliste, le point de vue des hommes doit être mieux exploré
yen a qui assiste mais cela ne les empêches pas d'etre sadique
Malheureusement, mais entièrement vrai. On peut ne pas les aimer mais nous leurs devons le respect.
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