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Monday 01 September, 2025
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BRVM : pourquoi la Bourse régionale reste si peu visible du grand public ?

Auteur: Aicha FALL

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La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), qui fédère les huit pays de l’UEMOA, est l’un des piliers du développement financier en Afrique de l’Ouest. Pourtant, malgré une capitalisation dépassant 10 078,68 milliards de FCFA à la fin de 2024 et une croissance soutenue de son indice, elle demeure largement méconnue du grand public. Ce paradoxe interroge sur les freins structurels et culturels qui limitent son rayonnement populaire, alors même que son potentiel de mobilisation de l’épargne nationale reste encore largement sous-exploité.
La réalité de la BRVM est ambivalente. Sur le plan quantitatif, elle affiche des résultats encourageants : l’indice composite a progressé de 28,89 % en 2024, porté par les secteurs bancaire et de la grande distribution, tandis que le marché obligataire continue de représenter la majeure partie des transactions, notamment à travers les titres publics, qui constituent près de 82 % des échanges selon l’Autorité des Marchés Financiers de l’UEMOA (AMF-UMOA). Cependant, ce dynamisme masque une participation très restreinte des particuliers, qui représentent environ 4,1 % des investisseurs, le marché étant dominé par des acteurs institutionnels et des investisseurs étrangers.
Cette faible pénétration auprès du grand public s’explique d’abord par une faible culture financière dans la région. La bourse est souvent perçue comme un univers complexe et risqué, davantage réservé à une élite ou à des professionnels, tandis que la majorité des citoyens préfère l’épargne traditionnelle ou informelle. L’éducation financière, qui pourrait jouer un rôle clé dans cette perception, reste encore insuffisante, et les initiatives de sensibilisation menées par la BRVM ou des organisations partenaires peinent à toucher une audience large et diversifiée.
La communication elle-même reste un obstacle. Les contenus diffusés sont souvent trop techniques ou centrés sur des indicateurs financiers peu accessibles au grand public, et les canaux d’information privilégient les milieux urbains et les investisseurs déjà initiés. Par ailleurs, l’accès à la bourse se heurte à des contraintes pratiques : les intermédiaires financiers (Sociétés de Gestion et d’Intermédiation) sont peu présents hors des grandes capitales, et les démarches d’investissement apparaissent fastidieuses pour un particulier non aguerri, notamment en raison d’un faible développement des outils numériques adaptés.
À cela s’ajoute la faible représentation des petites et moyennes entreprises (PME) sur la place boursière. Si les grandes entreprises cotées sont essentiellement des filiales de groupes internationaux ou des acteurs majeurs dans quelques secteurs comme la banque ou les télécommunications, les PME, qui constituent pourtant plus de 90 % du tissu économique régional (Banque Africaine de Développement, 2024), restent marginales. Le troisième compartiment de la BRVM, dédié à ces PME, n’a accueilli que six sociétés à ce jour, avec des volumes de transactions très faibles, ce qui contribue à limiter l’identification des citoyens à la Bourse comme moteur de développement local.
Pour élargir son impact et sa visibilité, la BRVM devra intensifier ses efforts d’éducation financière en intégrant des modules adaptés dès le niveau scolaire, encourager le développement de plateformes digitales simplifiées pour les petits investisseurs, et faciliter l’accès des PME au marché, notamment par une simplification des procédures réglementaires sans compromettre la transparence. De plus, la création de produits financiers plus accessibles, tels que des fonds communs de placement à faible ticket d’entrée, pourrait contribuer à attirer une clientèle plus large.
La démocratisation de la BRVM ne passera pas uniquement par une amélioration technique, mais par une transformation profonde de la perception qu’en ont les populations : sortir de l’image d’un marché élitiste et spéculatif pour promouvoir une vision de la Bourse comme levier collectif de participation à la croissance économique. Sans ce basculement culturel et structurel, la BRVM risque de rester confinée à une sphère restreinte, loin de son potentiel réel au service des économies ouest-africaines.
Auteur: Aicha FALL

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