Les économies fragilisées par l’ombre du doute
La faible confiance envers les institutions publiques représente un frein économique mesurable, même si ses effets apparaissent souvent de manière diffuse. Lorsque les administrations, la justice ou les statistiques officielles sont perçues comme peu fiables, les agents économiques ajustent leur comportement en intégrant un risque institutionnel supplémentaire. Cela se traduit par des délais plus longs avant d’investir, des exigences de rendement plus élevées et une préférence pour les activités à rotation rapide plutôt que pour les projets productifs de long terme. Selon la Banque mondiale, les pays situés dans le quart inférieur de l’indicateur de gouvernance relatif à l’État de droit enregistrent en moyenne des flux d’investissements directs étrangers environ 30 % inférieurs à ceux des pays mieux notés sur la période 2015‑2023.
Ce manque de confiance augmente aussi les coûts de transaction dans l’économie domestique. Les entreprises consacrent davantage de ressources à la sécurisation juridique, à la multiplication des intermédiaires ou à des mécanismes informels de garantie.
D’après l’OCDE, dans plusieurs économies africaines, les coûts liés aux procédures administratives et à l’incertitude réglementaire peuvent représenter entre 5 % et 10 % du chiffre d’affaires des PME, selon les contextes, contre moins de 3 % dans les économies avancées. Cette surcharge pénalise particulièrement les petites entreprises, moins capables d’absorber ces coûts fixes, et contribue à maintenir une part élevée d’activité informelle, estimée à environ 40 % du PIB en Afrique subsaharienne selon le FMI en 2024.
La défiance institutionnelle complique enfin l’efficacité des politiques publiques. Lorsque les chiffres officiels sont contestés ou peu crédibles, les ajustements budgétaires, fiscaux ou sociaux rencontrent une résistance plus forte, même lorsqu’ils sont économiquement justifiés. Le déficit de confiance réduit l’acceptabilité de l’impôt et limite la mobilisation des ressources internes, qui plafonnent autour de 16 % du PIB en moyenne régionale, contre plus de 25 % dans les pays émergents d’Asie.
Restaurer la crédibilité passe par la transparence des données, la prévisibilité des règles et l’indépendance effective des institutions de contrôle. Ces réformes, souvent peu visibles politiquement, génèrent pourtant des gains macroéconomiques durables en réduisant le coût du risque et en libérant l’investissement productif.
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