Avec 5 maires dont deux destitués en 7 ans soit moins de deux mandatures, la ville de Dakar est la collectivité territoriale la plus instable en raison des clivages politiques. Quand les calculs politiques priment, la gestion municipale stagne.

De la fumée blanche vient de s’échapper de l’hôtel de ville. Dakar, la capitale sénégalaise a un nouveau maire. Abass Fall de Pastef a officiellement été élu succédant ainsi à Madame Ngoné Mbengue, maire par intérim de la ville, à l'issue d’un vote décisif, ce lundi 25 août 2025. Le conseil municipal extraordinaire qui a consacré l’élection du responsable départemental de Pastef s’est tenu au moment où la Cour suprême statuait sur la requête en référé de Barthélémy Dias, l’ancien maire qui conteste devant la haute juridiction sa destitution prononcée par le préfet de Dakar (il y a huit mois) sur saisine d’un citoyen de la ville (Bayna Guèye de Pastef).

Prononçant son tout premier discours de nouveau maire élu de Dakar, Abass Fall fraîchement installé dans ses nouvelles fonctions, s’est engagé à « dépolitiser la municipalité ». Cette promesse en dit long sur la situation politiquement instable de la ville de Dakar qui est, depuis plus d’une décennie, le théâtre de combats politico-judiciaires entre pouvoir et opposition. Les deux camps antagonistes se mènent une guerre sans merci -pour le contrôle de la capitale- où toutes les armes semblent permises mêmes celles non-conventionnées.

A Dakar, les clivages politiques priment sur le bien-être des populations

La collectivité territoriale est, en effet, devenue le terrain où les jeux de pouvoir, les clivages politiques, les coups bas et autres petits meurtres occupent une place prépondérante, parfois au détriment de la gestion technique et du bien-être des citoyens. Surtout quand le maire de la capitale est membre de l’opposition. On se rappelle d’ailleurs l’épisode Diène Farba Sarr (ministre du renouveau urbain sous Macky Sall) versus Khalifa Sall (maire de Dakar) autour du projet municipal de réhabilitation de la place de l’Indépendance en 2016-2017. Le projet qui disposait déjà d’un budget de 4 milliards CFA mobilisé par la ville de Dakar est ainsi tombé à l’eau butant sur le niet catégorique de l’État central via son ministre du renouveau urbain.

En fait, cette affaire (fait annonciateur) qui a précipité la chute de Khalifa Sall dans le cadre du dossier de la Caisse d’avance, n’était, en réalité, que le prolongement des élections locales de 2014. La razzia opérée par le leader de Taxawu Dakar lors de ces joutes raflant 15 sur les 19 communes de la région, était restée en travers de la gorge de Macky Sall qui tenait coûte que coûte à contrôler Dakar. Les déboires s’en sont suivis pour Khalifa Sall qui sera finalement révoqué après sa condamnation. Les stratagèmes mis en place par le régime d’alors, minoritaire, se sont montrés vains puisque c’est Soham El Wardini qui sera élu. Comme son devancier, celle-là également a vu tous ses projets bloqués par l’État pour des raisons politiques au mépris de l’intérêt général.

5 maires en 7 ans

Ces batailles sur fond de calculs et de pressions politiques démontrent -si besoin en était- le caractère stratégique (poids électoral et financier) de la ville de Dakar d’où la convoitise dont elle fait l’objet et qui est la source de son instabilité. Entre 2018, date des déboires judiciaires de Khalifa Sall, à nos jours (soit moins de deux mandats de 5 ans), la ville a connu 5 maires dont deux ont été destitués à la suite de combats politico-judiciaires : Khalifa Sall (révoqué après le dossier de la caisse d’avance), Soham El Wardini, Barthélémy Dias (destitué après une condamnation définitive dans l’affaire Ndiaga Diouf), Ngoné Mbengue et Abass Fall.

En définitive, la ville de Dakar est considérée comme stratégique en raison de son poids électoral et financier, qui lui confère une influence majeure sur la politique et la gestion des ressources du pays. Son statut de capitale et de principal centre économique et démographique lui permet de générer une part importante des recettes nationales, tout en constituant un grenier électoral significatif. Autant d’éléments qui font d'elle une entité incontournable pour le pouvoir.