les élections législatives se sont bien déroulées et ne souffrent d’aucune irrégularité de nature à entacher la sincérité du scrutin. Toutefois, avec le faible taux d’abstention, le Sénégal a manqué l’occasion d’une remontée démocratique et citoyenne, selon le président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), Alioune Tine. Il tenait, hier, une conférence de presse pour faire le bilan du processus électoral.
Avec un taux de participation qui tourne autour de 30 %, les élections législatives de 2012 sont parties pour enregistrer le taux le plus faible de l’histoire politique du Sénégal, du moins, depuis l’organisation des élections pluralistes post coloniales en 1978. Un constat amer qui a fait dire à Alioune Tine, le président de la Raddho, que cela « constitue les premiers ratées d’une remontée démocratique et citoyenne après les évènements du 23 juin 2011 et l’élection présidentielle du 25 mars 20123.
Tentant de trouver des explications à la faible participation des électeurs au scrutin de dimanche dernier, Alioune Tine a avancé certaines hypothèses parmi lesquelles figurent « l’absence quasi-totale de sensibilisation », « l’image dégradée d’un parlement perçu comme une chambre d’enregistrement et de députés considérés comme des godillots du président de la République », « l’absence de vision, de programme, des discours farfelus de certains candidats », « la fragmentation et saturation du champ politique par la pléthore des listes participantes ». Mais surtout, a ajouté le président de la Raddho, le fait que tous les grands leaders politiques se soient retrouvés dans une même liste n’a pas milité pour un engouement et une grande participation des électeurs. « Il y a eu une absence d’enjeux politiques réels faute de confrontation entre les grands leaders politiques de la majorité présidentielle regroupés autour de Benno Bokk Yaakaar, ce qui a crée ipso facto une crise de leadership et une crise de représentation » a-t-il avancé.
Saturation du champ politiquePour l’observation, la Raddho avait déployé 540 observateurs et 45 superviseurs sur l’ensemble du territoire national lesquels ont visité plus de 2 749 bureaux de vote soit 25 % de la carte électorale. Cette organisation souligne que le scrutin s’est bien déroulé de façon globale en dépit de quelques contestations, irrégularités et incidents. Alioune Tine recommande de limiter l’implication du président de la République dans la campagne des élections législatives. Même s’il ne conteste pas leur pertinence, Alioune Tine a souhaité que les tournées économiques et les conseils des ministres décentralisés en période électorale soient bannis car cela peut prêter à équivoque : « Ces Conseils des ministres décentralisés, avec la photo du président de la République, constituent les vrais sujets de polémiques et les fausses notes de la campagne électorale » a estimé Alioune Tine. La Raddho recommande le couplage de la présidentielle et des législatives. Cela aura trois avantages, à en croire Alioune Tine : « économique d’abord avec l’adoption du bulletin unique, ensuite c’est plus cohérent et enfin le problème de l’implication du président de la République ne se posera plus».
Sur la percée des listes dirigées par des religieux, Alioune Tine l’analyse et le met dans un contexte qui dépasse les frontières du Sénégal. En effet, pour lui, ce qui s’est passé dans les pays du Maghreb avec la montée en puissance des partis islamistes a peut être influencé le score obtenu par les listes étiquetées « religieuses ». Cela, d’autant plus qu’il y avait une tête de liste qui a fait allusion, durant toute la campagne, au printemps arabe. Toujours à propos de ces listes, Alioune Tine appelle à une redéfinition ou reconceptualisation de la notion de laïcité au Sénégal car « le syncrétisme de leur discour, de leur référence, de même que les symboles et icônes qu’ils ont exhibés durant la campagne (…) sont obsolètes par rapport à l’article 4 de la Constitution », a-t-il estimé.
Elh. Ibrahima THIAM
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