L'Onusida a présenté récemment un rapport mondial qui met en exergue la prévalence du VIH/Sida dans le monde et en Afrique de l'ouest. Les résultats issus de ce rapport ont démontré que le nombre annuel de nouvelles infections liées à VIH en Afrique de l'Ouest et du Centre a connu une baisse significative de 46%. S'agissant du Sénégal, le taux de prévalence du VIH/sida est passé de 2,7% à 0,5%, a présenté le Directeur-pays de l’Onusida au Sénégal. Cependant une hausse inquiétante du VIH\sida a été observée chez les jeunes surtout chez la gente féminine âgée de 15 à 24 ans. Cette alerte de Demba Koné, Directeur de Onusida au Sénégal a attiré l’attention de la rédaction de Seneweb sur l'utilisation des préservatifs, un pilier important du paquet de prévention pour être à l'abri des nouvelles infections au VIH. (Reportage)
Malgré les efforts considérables consentis dans la lutte contre le VIH Sida au Sénégal, l’épidémie ne cesse de progresser au sein des couches vulnérables notamment chez les adolescents âgés de 15 et 24 ans. La tendance commence même à se féminiser au pays de la Téranga d'après les dernières études publiées.
Cette progression au sein de cette couche est indicatrice d’une faiblesse de l’abstinence. Autrement dit, les jeunes garçons et les filles sont sexuellement actifs. Et, aussi que certains n’utilisent pas ou ne savent pas se servir du préservatif ouvrant du coup une fenêtre à la contraction du virus du Vih/Sida.
Mais ces préservatifs ne semblent malheureusement plus être au rendez- vous avec la nouvelle génération même si quelques rares jeunes en expriment un besoin.
S. Diallo, boutiquier dans un quartier à Ouakam éprouve beaucoup de peine à écouler le stock des préservatifs dans sa boutique. La raison, peu de personnes se présentent pour acheter ce « produit » essentiel pour la préservation de la santé.
‘’J'ai avec moi un stock de préservatifs bientôt 8 mois dans ma boutique que je peine à vendre. Je ne vois pas les clients pour dire vrai. Ils se font rares, très rares même. Je ne sais pas s'ils préfèrent aller à la pharmacie ou bien s'ils éprouvent un complexe pour venir les acheter. En tout cas, ça ne marche pas’’ a relaté le boutiquier.
Il ne se fait prier pour entrer dans les détails. Le revendeur détaillant a dénoncé certains clients qui envoient les enfants acheter les préservatifs.
‘’Souvent, ils envoient des enfants pour venir acheter à leur place ce qui est grave. C'est un cri du cœur que je tiens à lancer à travers votre reportage. De grâce, que les acheteurs de préservatifs arrêtent de mêler les enfants dans cette affaire parce que ce n’est pas bon. J'ai renvoyé à maintes reprises des enfants qu’on a envoyés pour acheter ces produits’’, se désole le boutiquier.
Contrairement au boutiquier qui ne parvient pas à vendre les préservatifs stockés dans sa boutique, les pharmaciens eux, se frottent bien les mains. Dans une pharmacie située à Grand Dakar, la demande est forte. Ici c'est le grand rush des clients. Les préservatifs se vendent comme de petits pains.
‘’Oui, la demande en préservatifs est très forte. Les clients viennent régulièrement pour s'en procurer. Ça marche bien’’, informe O. Dembélé pharmacien.
Le jeune pharmacien de renchérir ‘’ On reçoit beaucoup d'acheteurs de préservatifs mais la plupart sont des hommes. Les préservatifs féminins existent. Mais, ils sont moins vendus. D'ailleurs, certaines femmes les ignorent parce qu’un jour lorsqu’une femme s'est présentée pour acheter un préservatif, je lui ai posé la question à savoir si c'est pour homme ou femme, mais elle a été surprise en me disant qu’elle ne savait pas qu'il y en avait pour les femmes. Ça veut dire qu'elles ne les connaissent pas’’, raconte-t-il.
Le rouleur de pilules a fait savoir également que l’achat du préservatif est un exercice difficile à faire pour beaucoup d'utilisateurs. Avant de passer à la caisse de la pharmacie, les acquéreurs usent de toutes les astuces afin de ne pas se faire remarquer.
Embarrassés, stressés et gênés
‘’Beaucoup de clients hommes comme femmes éprouvent du mal à exprimer leurs besoins une fois sur les lieux. Ils ont le complexe de prononcer le mot préservatif, capotes ou condom. Parfois ils utilisent des termes qu’on ne comprend même pas. Ils sont embarrassés, stressés et gênés. C'est pourquoi ils préfèrent attendre que les autres clients libèrent l'espace pour dire ce qu'ils souhaitent acheter’’ rapporte-t-il.
Peur de contracter une grossesse que de choper un virus :
L'utilisation des préservatifs n’est pas ancrée dans les mœurs de la gente féminine. Nombreuses sont des filles ou des femmes qui entretiennent des relations sexuelles sans se protéger. En effet, elles n’achètent les préservatifs que pour leurs partenaires hommes. A la place des préservatifs, certaines prennent des pilules par peur de choper une grossesse. Les infections ne font plus partie des calculs. C'est le cas de H. Ly, une jeune étudiante de 23 ans. Originaire du Fouta, elle préfère les pilules que les préservatifs.
‘’Les préservatifs, ça ne me rassure pas. Je préfère d'autres méthodes comme la prise de pilules pour éviter des grossesses non désirées parce que les préservatifs parfois quand l'homme a le corps chaud, il peut exagérer. Par contre, pour se prévenir du Sida chaque mois, je fais un dépistage. J'ai plus peur de tomber enceinte que d'être une séropositive qui est une maladie qui se soigne maintenant. L’ethnie à laquelle j'appartiens ne badine pas avec les grossesses avant le mariage. C'est impardonnable ’’, confie l’étudiante. Elle fournit les détails de l’acquisition des préservatifs.
‘’Etant que célibataire, c'est un peu difficile d'aller en pharmacie sans ordonnance pour les acheter ou bien d'aller solliciter un médecin pour la prescription d'une ordonnance. C'est pourquoi j'ai un copain médecin qui m'aide un peu dans la prescription de l'ordonnance ainsi que dans l'achat des pilules. Je le contacte ou je vais aller le voir à chaque fois que j'en ai besoin’’, raconte-t-elle.
Contrairement à H. Ly qui n'utilise pas le préservatif, d’autres s’en servent. Une fille qui s’est exprimée sous le couvert de l’anonymat, elle se soucie de la contraction des maladies notamment des infections génitales.
‘’Je les utilise pour me protéger contre les infections parce que j'entretiens des relations sexuelles avec mes partenaires. Raison pour laquelle je prends les dispositions qu'il faut pour me protéger contre les infections en leur donnant des préservatifs. Mais moi je ne mets pas de préservatif. Si mon partenaire en utilise, c'est bon, je me sens sécurisée et ça me rassure’’, se réjouit la fille.
M.Diallo, un jeune maçon célibataire établi à Guédiawaye est catégorique sur cette question. Pas de préservatif dans ses relations sexuelles.
‘’Je n'utilise pas de préservatifs dans mes relations sexuelles avec ma copine. Si on a envie, on le fait sans gêne. On profite du plaisir qu'on ressent tous les deux. Je n'aime pas les freins dans notre intimité et les préservatifs constituent une limite. Quand on les utilise, on ne ressent pas de plaisir. Je les déteste. Ça n'a pas de sens. J'exige des rapports sans barrage et ma copine, elle a accepté ça. On profite bien de notre intimité'’, soutient-il.
Utiliser des préservatifs pour éviter la honte issue d’une tromperie :
Les préservatifs ne sont pas seulement utilisés par les célibataires. A. Sow, qui ne garde plus son statut de célibataire, est un utilisateur des préservatifs. S'il le fait, ce n'est pas pour se protéger contre les infections mais plutôt pour se protéger contre les grossesses avec ses partenaires.
‘’ J'ai beaucoup de partenaires dont des jeunes filles. Parfois je les invite dans mon bureau, parfois dans un hôtel ou dans une auberge pour des moments d'intimité. Mais étant un homme marié, j'utilise des préservatifs pour ne pas les enceinter. Sinon ce serait un manque de respect pour ma femme. J'évite les grossesses non désirées qui peuvent briser ma vie de couple ou nuire à ma réputation'', livre-t-il.
A signaler que l’augmentation du nombre de nouvelles infections chez les jeunes au Sénégal est aussi liée à un déficit d’information et de communication dans les programmes de prévention. La communication est plus centrée sur les mesures curatives à savoir le traitement du VIH par les médicaments.
Situation épidémiologique du VIH Sida : Où en est le Sénégal ?
Le rapport de l'Alliance nationale des communautés pour la santé (ANCS), a fait le point sur la situation épidémiologique actuelle du Sénégal. D'après cette étude, les défis persistent encore même si des résultats significatifs ont été obtenus dans la lutte.
Selon le rapport, la situation du VIH est généralement sous contrôle avec une prévalence de 0.3%.
Dans le rapport, il est indiqué qu'au Sénégal, 41 560 personnes vivent avec le VIH Sida dont 37.955 adultes et 3605 enfants; 1575 nouvelles infections dont 61% chez les personnes âgées de 25 à 49 ans et 14,4% pour la frange de 15 à 24 ans.
En ce qui concerne les décès liés au Sida, le décompte s'élève à 992.
Face à cette hausse des nouvelles infections chez les jeunes en Afrique de l'Ouest y compris au Sénégal, la directrice de l'ONUSIDA pour l'Afrique occidentale et centrale a exprimé sa profonde inquiétude. Lors de la présentation du rapport mondial sur le Sida en Afrique de l'Ouest et du Centre le 24 juillet dernier au Sénégal, Berthilde Gahongayire et son équipe se sont données comme objectifs de mettre fin à l'épidémie du Sida d'ici 2030.
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