Calendar icon
Tuesday 02 September, 2025
Weather icon
á Dakar
Close icon
Se connecter

Financement climatique : 2,4 milliards jetés par la fenêtre à Fatick

Auteur: Moustapha TOUMBOU

image

Mécanisme, limites et perspectives, le financement climatique au Sénégal a fait l’objet d’un débat riche, ce samedi à l’École Supérieure d’Économie Appliquée (ESEA). Organisée par la Cellule de recherche de l’ESEA en partenariat avec l’Association Action pour la Justice Environnementale (AJE), la Palabre Générale a réuni experts, étudiants et acteurs institutionnels autour du thème : la Finance climatique au Sénégal : enjeux et défis.
Juriste au Centre de Suivi Écologique (CSE), El Hadj Ballé Seye a dressé un tableau lucide des mécanismes actuels de financement. Selon lui, si des sources existent bel et bien -tant au niveau domestique (budgets publics, Fonds national pour le climat, PPP) qu’international (Fonds vert pour le climat, Fonds d’adaptation, etc.)- leur mobilisation reste très limitée. « Ce sont des sources de financement qui sont très peu mobilisées », déplore-t-il.
La faute, en grande partie, à des procédures longues et complexes, parfois étalées sur deux ans, qui impliquent des études de faisabilité, des exigences de double diligence et des capacités techniques pointues pour soumettre des projets dits « bancables ». Résultat, de nombreux projets échouent à franchir la ligne d’approbation.
2,4 milliards investis, 27 ouvrages inopérants
L’exemple livré par Ballé Seye est assez évocateur et pour le moins alarmant. Dans la région de Fatick, le CSE a recensé 27 ouvrages anti-sel et retenues d’eau devenus inopérants, pour un coût total de 2,4 milliards de francs CFA. Une illustration de ce qu’il qualifie de « maladaptation ». Des infrastructures mises en place sans études préalables rigoureuses, ni réelle intégration des réalités locales. « C’est de l’argent lancé par les fenêtres », fustige-t-il.
Autre point central évoqué par l’expert, la différence entre projets de développement et projets d’adaptation. « On ne vous demande pas simplement de réaliser une activité, mais de réduire concrètement la vulnérabilité des populations et des écosystèmes », rappelle El Hadj Ballé Seye, qui a insisté sur l’évaluation rigoureuse des impacts environnementaux et sociaux. Il appelle à renforcer les capacités nationales en rédaction de projets, un préalable indispensable pour accéder aux financements.
Le rôle négligé des collectivités territoriales
Cheikh Fall, chargé de projet chez ENDA Énergie, a axé son intervention sur la faible implication des collectivités territoriales dans la gouvernance climatique. Pourtant, ce sont elles qui concentrent une multitude d’enjeux : gestion des déchets, transport, agriculture et surtout élevage -ce dernier étant la première source d’émissions de gaz à effet de serre au Sénégal, selon lui, à cause de la fermentation entérique des ruminants, c'est-à-dire le méthane (CH4) produit par leur digestion et rétrécissement des zones de pâturage.
Faiblement outillées et dépourvues d’ingénierie financière, les collectivités locales peinent à capter les financements disponibles. Cheikh Fall plaide pour un accompagnement adapté : « Il faut associer adaptation climatique et bénéfices économiques directs pour les populations locales ».
Les deux intervenants de ce panel s’accordent sur la nécessité de réformes institutionnelles pour améliorer la coordination, renforcer la lisibilité des interventions et intégrer durablement les acteurs locaux. Le secteur privé est également interpellé. « Il est largement absent des actions d’adaptation, alors qu’il a un rôle clé à jouer », soutient El Hadj Ballé Seye.
Au cœur du plaidoyer, l’appel à une vision politique forte, qui dépasse les projets isolés pour s’inscrire dans une stratégie nationale inclusive et cohérente. « Il faut créer un environnement politique favorable et capitaliser sur les acquis, au lieu de multiplier les interventions sans synergie », conclut-il.
Visiblement satisfait de l’organisation de ce « Palabre », le directeur de l’ESEA a indiqué que cette initiative s’inscrit dans une longue tradition de l’institut. « L’objectif, c’est de partager les fruits de nos travaux de recherche en invitant le monde socio-économique pour qu’ils viennent jeter un regard par rapport à ce qui se fait au sein de notre institution », dit-il en ajoutant que d’autres rendez-vous de cette nature auront lieu dans les mois à venir.
Auteur: Moustapha TOUMBOU

Commentaires (0)

Participer à la Discussion