[MEDIA'TEK] Coordonnatrice des rédactions de D-média : Evelyne Mandiouba, la voix du courage
Elle rêvait d’une carrière militaire mais Évelyne Mandiouba de la 33e promotion du Cesti, a finalement choisi un autre champ de bataille : celui de l’information. Sur les plateaux de D-Média, cette femme de caractère, coordonnatrice des rédactions, née à Saint-Louis, impose son professionnalisme, sa rigueur et son aisance héritées d’une ambition, d’une discipline dont elle a emprunté les valeurs.
Dans le paysage audiovisuel où talk-show et émissions occupent la part belle, Evelyne Mandiouba a su imposer sa voix comme présentatrice de journal de Sen Tv – Zik Fm. Sa signature : le 19h45. À la Sen Tv et à la Zik fm, les «chroniqueurs» décortiquent l’actualité mais la coordonnatrice des rédactions incarne la voix des journalistes. La classe, l’élégance, le flow… Evelyne dégage l’assurance innée. Pourtant, cette femme n’était pas prédestinée à porter le micro. Mais aujourd’hui, elle fait partie du cercle restreint des rares qui incarnent le leadership féminin dans les médias.
Dans le salon lumineux de sa maison dakaroise, Évelyne Mandiouba reçoit en tenue décontractée. Le ton est posé, la voix calme, mais derrière le sourire affleurent les traces d’une vie bâtie à la force du caractère. « Je suis originaire du Sud, même si je ne connais pas la Casamance. Ce n’est pas ma faute, mon père a perdu ses parents à deux ans », dit-elle avec une simplicité désarmante.

Née à Saint-Louis, « là au moins je connais », précise-t-elle en riant, Évelyne est fille de douanier. L’uniforme, la rigueur et la mobilité ont rythmé sa jeunesse. « Nous avons beaucoup bougé, mais partout, mon père nous inculquait le même amour du savoir», raconte-t-elle. Car Michel, son père, n’était pas qu’un douanier. Il était surtout un passionné de littérature, un homme de lettres. « Notre maison était une bibliothèque. Il nous inscrivait à l’Institut français, il fallait lire, résumer les livres, en raconter la trame», se souvient-elle.
De cette éducation exigeante est née une curiosité insatiable. «Je pouvais lire un roman en 24 heures. Tant que je n’avais pas atteint la fin, je ne pouvais pas m’arrêter». Ce goût de la lecture deviendra la première pierre d’une vocation inattendue. L’adolescente intrépide, sportive et têtue, ne se voyait pas non plus mariée. « Je disais à mes sœurs : vous allez vous marier, moi, je resterai ici pour garder vos enfants. » Sa mère, dépassée, répétait : «Si tu étais un garçon, on irait te chercher au commissariat tous les jours!» Evelyne rit aujourd’hui de cette énergie débordante, qu’elle canalisa plus tard dans le mouvement scout et la vie associative : présidente du Fosco, du club EVF. À l’époque, Elle rêvait d’uniforme. Mais finit par bourlinguer dans les rédactions. «J’ai longtemps voulu être douanière ou militaire. J’étais fascinée par les armes, les tenues, les missions», avoue-t-elle, sans regret. Mais à l’époque, les femmes n’étaient pas encore les bienvenues dans les corps habillés.
Le véritable tournant vient après le baccalauréat. Son père l’oriente vers l’université publique. «J’ai eu l’impression d’une trahison. Je voulais une formation professionnelle, pas des lettres modernes», dit-elle. L’université la rebute ; elle s’y sent perdue. Mais, c’est là qu’une suite de coïncidences va la conduire au journalisme. D’abord, la radio «Oxyjeunes» de Pikine, qui recherche des présentateurs. Son français impeccable lui ouvre les portes. «Je faisais le journal de 12h. On me payait 5.000 francs pour le transport : c’était énorme pour moi», sourit-elle.
Peu après, un ami lui suggère de tenter le concours du CESTI, l’école de journalisme de référence. La première tentative est un échec. La seconde, une révélation. «J’étais convaincue que j’allais réussir. Pourtant, mon nom n’apparaissait pas sur la liste publiée dans «Le Soleil». Quelque chose me disait : va voir au CESTI. Et là, j’ai appris que j’étais la dixième admise», narre-t-elle. Elle entre dans la 33ᵉ promotion, dont elle sortira deuxième en option télévision, en 2005.
Le jour où elle gifle un collègue
Le monde professionnel, lui, ne lui fera pas de cadeaux. « Le journalisme est un milieu très macho. Très tôt, j’ai compris qu’une femme devait redoubler d’efforts pour se faire respecter», affirme-t-elle. Harcèlement, avances insistantes, discriminations : Évelyne ne cache rien. «Si tu ne cèdes pas, on te met au frigo, on t’écarte des reportages. Mais je savais dire non. J’ai refusé beaucoup de choses, même si cela m’a coûté des opportunités», lâche-t-elle d’un ton convaincu.
Dans un monde professionnel à l’image d’une jungle où les plus forts dévorent les petits, sans état d’âme, certaines femmes peuvent mettre en balance dignité et honnêteté pour une «promotion canapé». Evelyne, elle, a décidé de ne pas marchander son honneur. Elle se souvient d’un acte audacieux dans une rédaction : «Au lieu de me serrer la main, un collègue a tenté de me voler un baiser. Je l’ai giflé. Le directeur est sorti de son bureau… et c’est moi qu’il a accusée d’être violente!» Ces résistances, loin de la décourager, ont forgé sa réputation de femme de caractère. « On m’a parfois dit que j’étais dure, mais c’est ce qui m’a permis de rester droite», indique Evelyne.

Après des passages à la RFM et dans d’autres rédactions, parfois douloureux, Évelyne envisage un temps de quitter la presse. Finalement, elle a nié les drames de sa vie pour se faire une place au soleil. Car le destin ne lui a pas toujours réservé des merveilles. La journaliste a dû faire face aux obstacles, les vents contraires pour se forger un statut professionnel respectable. Une rencontre avec Bougane Gueye Dany, son ancien collègue de la RFM, relance sa carrière. Elle rejoint le groupe D-Média, contribue à sa structuration et y occupe aujourd’hui un poste clé : coordonnatrice de rédaction.
Sur le terrain, elle reste multitâche, entre direction, production et réalisation. «Pendant les directs, je coordonne tout, même depuis le plateau. Je regarde, j’envoie des messages, j’ajuste», explique-t-elle. Une énergie qui force le respect. « Ce que j’aime, c’est le travail d’équipe. À la fin de la journée, quand tout s’est bien passé, je rentre chez moi satisfaite», théorise-t-elle. Dans les rédactions, Évelyne Mandiouba a vu évoluer la place des femmes. « Il y a des progrès. Avant, j’étais souvent la seule femme responsable de rédaction. Aujourd’hui, d’autres ont pris le relais : Bigué Bob (directrice de publication du journal EnQuête), Maïmouna Ndour Faye, (directrice générale de la 7 Tv)… ça fait plaisir. » Mais elle reste lucide car pour elle, « il y a encore du chemin à faire. Les rédactions se sont féminisées, mais les postes de décision restent rares pour les femmes ».
Son autorité, elle la tempère par l’écoute. «Je reçois souvent mes collègues pour parler de leurs problèmes personnels. Parfois je donne tout ce que j’ai sur moi, je rentre avec le réservoir rouge, sans carburant, mais l’esprit en paix», se réjouit-elle, car derrière la professionnelle exigeante se cache une femme profondément humaine. « Je respecte tout le monde. Et je crois qu’un journaliste n’est jamais vieux tant qu’il garde la passion», précise-t-elle. Aujourd’hui encore, Évelyne poursuit un master au CESTI, «pour formaliser» toutes ces expériences acquises. Le soir, quand elle regarde la télévision, elle sourit devant les jeunes présentatrices. Peut-être se revoit-elle, petite fille de Saint-Louis, répétant devant le miroir, les gestes des journalistes du 20 heures de la RTS.
Commentaires (3)
Donc nous pouvons dire la plus. F.. DES F...
Elle n'a qu'à continuer à assumer...
Une grande dame, très professionnelle. Courage
tiens, tiens je la connaissais noir avec un teint eclatant celle- la
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