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Tuesday 12 August, 2025
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Achats de vote et organisation défaillante lors des élections de la FSF

Auteur: SNA Romain MOLINA

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Achats de vote et organisation défaillante lors des élections de la FSF

Une semaine après l’élection chaotique d’Abdoulaye Fall à la tête de la Fédération sénégalaise de football, Sport News Africa peut révéler plusieurs importants dysfonctionnements survenus avant et pendant le scrutin. De quoi alimenter les différents recours et poursuites judiciaires qui se préparent en coulisses.

L’élection prévue le samedi 2 août à la FSF a tourné à la farce : s’étirant plus d’une vingtaine d’heures, elle a été finalisée au petit matin le dimanche au milieu des gendarmes, d’un huissier, des protestations et sans un des principaux candidats, Mady Touré, qui a décidé de se retirer avant même le second tour en dénonçant une  « corruption de la part du camp d’Abdoulaye Fall » , le vainqueur du scrutin.

Si le nouveau président contestait les propos de son adversaire, insistant sur les  « chantiers énormes »  notamment pour  « régler le problèmes des infrastructures » , la majorité des observateurs présente sur place au CICAD de Diamniadio a été particulièrement choquée par la tournure des événements.  « Je n’ai jamais vu ça » , soufflent plusieurs d’entre eux interrogés par  Sport News Africa  qui a compilé plusieurs graves dysfonctionnements au cours de l’élection.

Les élections à la Ligue Sénégalaise de Football Pro comme élément déclencheur

Sur les sept candidats originellement déclarés, deux d’entre eux se sont désistés pour rallier un des gros noms (Moustapha Kamara a rejoint le président sortant, Augustin Senghor, et Abdoulaye Thierry ‘Titi’ Camara a soutenu Abdoulaye Fall).

Contrairement à de nombreuses fédérations cadenassant la moindre opposition pour favoriser un candidat unique, le processus électoral sénégalais permettait une véritable opposition avec différents courants du football national. De fait, chaque individu avançait librement ses arguments et son programme dans une campagne intense jusqu’aux élections à la LSFP, la Ligue sénégalaise de football professionnel, tenues quatre jours avant le scrutin de la FSF.

Vainqueur de justesse (43 votes contre 37), Babacar Ndiaye, le président du Teungueth FC soutien de Mady Touré, s’imposait devant Abdoulaye Saydou Sow, président de l’AS Kaffrine et favorable au candidat Abdoulaye Fall. Une déconvenue pour le camp Fall qui n’avait pas envisagé une défaite chez les professionnels. De quoi relancer le décompte des votes pour la grande élection fédérale du samedi.

Absence de contrôle étatique et ministériel

Réunie au CICAD de Diamniadio, le Centre international de conférence Abdou Diouf, l’assistance a écouté en préambule un discours de la ministre des Sports, Khady Diène Gaye.  « Pour garantir un déroulement correct des travaux de cette Assemblée générale, je demande au directeur général des sports et au président de la commission électorale de veiller scrupuleusement au respect des dispositions réglementaires et statuaires » , expliqua-t-elle.

Prenant congé de l’assemblée, la ministre quitta les lieux en laissant le directeur général général des sports et le secrétaire général du Comité olympique, Seydina Omar Diagne, rester sur place pour  « veiller au bon déroulement »  de l’élection. Problème, ce dernier était largement introuvable – sa passivité fut soulignée par de nombreux témoins – et les responsables, en général, étaient dépassés par les événements.

Outre le mode de vote décidé au dernier moment par la commission électorale, qui consistait à regrouper tout sur un seul et même bulletin (ce qui provoqua la contestation d’Abdoulaye Fall et Mady Touré et retarda l’élection de plusieurs heures), le président de cette commission électorale ne faisait réellement figure d’autorité puisqu’il n’était pas pleinement soutenu par certains membres de sa propre commission.

Ayant demandé les services d’un huissier spécialement détaché pour l’occasion, il avait du mal à faire régner le calme au gré des agitations et protestations de chaque camp. Le tout, bien sûr, sous le laxisme des représentants de la CAF, du bureau régional de la FIFA à Dakar et de la FIFA elle-même avec le colonel-major Djibrilla Hima Hamidou, l’ancien président de la fédération du Niger récemment élu au Conseil de la FIFA.

Téléphone dans l’isoloir et failles de sécurité

Si les derniers scrutins furent parfois ponctués de quelques chamailleries, les victoires d’Augustin Senghor ne souffrirent d’aucune contestation massive, pas plus que de problèmes organisationnels. Or, ce samedi 2 août 2025, la situation vira littéralement à l’anarchie malgré la forte présence des gendarmes.

Incapable de planifier les éléments les plus simples d’une élection (processus de confidentialité, les fouilles pour éviter des soucis dans l’isoloir), la fédération a même trouvé le moyen de ne pas prévoir assez de nourriture pour le dîner des délégués ! Un cirque grotesque, presque jamais-vu dans une fédération de football en 2025, qui symbolisait bien les  « chantiers énormes »  chers à Abdoulaye Fall.

Après une attente interminable et le début des votes, le président de la commission électorale et les représentants de la CAF et la FIFA furent alpagués à cause des failles sécuritaires ; en l’occurrence la possibilité de se rendre dans l’isoloir avec un téléphone pour faire une photo de son vote.  « Oui, on va améliorer ça » , promettait-on à plusieurs élus n’en croyant pas leurs oreilles alors que le vote avait déjà débuté !

Sans régler réellement le souci, les responsables tentèrent de maintenir le calme à l’intérieur du CICAD alors que l’élection se jouait ailleurs : dans un coin du parking.

100 000 francs CFA dans une voiture au parking

Rapidement, les rumeurs bruissèrent au sein de l’assistance : le camp d’Abdoulaye Fall était accusé de payer certains votants. Si les racontars existaient dans chaque élection, ceux-ci étaient étayés par un modus operandi assez grossier.

Au CICAD, des rabatteurs orientaient les délégués ayant voté pour Fall sur le parking où ils étaient pris en charge par trois personnes différentes – dont un certain Moustapha qui revint dans toutes les bouches des gens interrogés – leur remettant des enveloppes d’argent liquide contenant 100 000 francs CFA (un peu plus de 152 euros) depuis une voiture.

Pour en avoir le cœur net, un cameraman de l’équipe de Mady Touré se fit passer au milieu de la nuit pour un votant d’Abdoulaye Fall. L’un des rabatteurs l’envoya sur le parking où il reçut 100 000 francs CFA. Rentrant au CICAD, il alla trouver le président de la commission électorale qui saisit personnellement l’huissier afin de notifier les faits et l’argent remis.

De quoi prouver une tentative de  « corruption »  pour Touré tandis que le camp Fall estimait que cela ne signifiait rien du tout ; ce jeune homme était un cameraman et non un délégué officiel.

Hôtel à Saly, messages WhatsApp et procédures juridiques

Abasourdi par le déroulé du vote, le président de Génération Foot, Touré, se retira donc avant le second tour qui l’opposait à Fall.  « Je lance un appel à l’État du Sénégal pour qu’il prenne toutes ses responsabilités »,  déclara celui qui avait reconnu ses défaites en 2013 et 2021 contre Senghor.  « Le pays ne mérite pas ça. Ce qui s’est passé aujourd’hui à Dakar, dans le cadre de cette élection, est indigne. »

Moins bruyant, les autres candidats n’en pensèrent pas moins, du toujours diplomate Senghor à Oumar Ndiaye et Aliou Goloko. Si le camp Fall estimait avoir gagné à la régulière et contestait les possibles achats de vote, des messages WhatsApp assez équivoques furent montrés à des responsables en laissant clairement supposer une manipulation.

D’autres éléments, incluant la prise en charge de nombreux délégués régionaux dans un hôtel à Saly aux frais du camp Fall, interrogent quant à la partialité du scrutin. Autant d’éléments, en plus de l’organisation anarchique, qui furent remontés assez haut dans l’appareil d’état sénégalais.

Si le gouvernement ne s’est officiellement pas mêlé de l’élection, plusieurs procédures juridiques pourraient rapidement être annoncées. De quoi imaginer un nouveau casse-tête et une longue bataille en coulisses, de Dakar à Zurich, pour décider si Abdoulaye Fall sera bien le président légitime de la Fédération sénégalaise de football ces quatre prochaines années.

Auteur: SNA Romain MOLINA

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