Dans sa contribution au rapport 2025 du Policy Center for the New South, le professeur Éric Tévoedjré met en évidence un nœud stratégique longtemps négligé dans les trajectoires de développement en Afrique de l’Ouest : celui de l’intégration industrielle. Malgré les discours répétés sur l’industrialisation régionale, les faits restent têtus. La CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) qui compte plus de 400 millions d’habitants, ne parvient toujours pas à construire une base productive cohérente à l’échelle régionale.Deux verrous principaux ressortent de l’analyse. Le premier est énergétique. Les pénuries chroniques d’électricité, les infrastructures vétustes et la faible interconnexion des réseaux nationaux rendent difficile toute montée en gamme industrielle. Les entreprises paient cher une électricité instable, et les zones industrielles peinent à attirer des investissements à long terme. La promesse d’un mix énergétique plus efficace reste largement inaboutie, en dépit de projets comme le Système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain (EEEOA).Le second verrou est institutionnel. Les États de la région, malgré leur appartenance à un même espace économique, peinent à coordonner leurs politiques industrielles. Chacun cherche à développer ses propres chaînes de valeur, souvent en concurrence directe avec ses voisins. Il en résulte une fragmentation des efforts, une dispersion des ressources et une absence de vision commune à l’échelle de la CEDEAO.Ce manque d’alignement se traduit concrètement par des filières avortées, des projets redondants et une très faible circulation des intrants industriels entre pays. Or, sans mutualisation des efforts ni complémentarité entre les économies, aucune stratégie de substitution aux importations ne peut véritablement émerger.À l’heure où la ZLECAF (Zone de libre échange continentale africaine) ambitionne de renforcer les chaînes de valeur continentales, la CEDEAO se retrouve face à un défi de cohérence. L’industrialisation ne se décrète pas pays par pays. Elle suppose une gouvernance énergétique robuste, des incitations convergentes, et une volonté politique claire de penser l’usine comme un levier d’unité régionale. Faute de quoi, la région continuera de produire plus de discours que de machines.
Auteur: AÏcha Fall
Publié le: Lundi 21 Juillet 2025
Commentaires (0)
Participer à la Discussion