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Afrique occidentale et centrale: la grande oubliée de la lutte contre le VIH

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Afrique occidentale et centrale: la grande oubliée de la lutte contre le VIH

La Section VIH/SIDA de la MONUSCO effectue des séances de sensibilisation sur le VIH/SIDA à l’endroit des ex-combattants des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda regroupés au centre de transit de Walungu.

En Afrique Centrale et de l’Ouest, cinq millions de personnes contaminées par le VIH n'ont toujours accès à aucun traitement. C'est ce que révèle un rapport de Médecins sans frontières (MSF) publié jeudi 21 avril. Principale raison : un accent mis depuis très longtemps par les organisations de santé sur l’Afrique australe orientale.

En Afrique Centrale et de l’Ouest, trois personnes contaminées sur quatre n’ont pas accès aux antirétroviraux. Conséquence : bien que les 25 pays qui composent ces sous-régions africaines ne représentent que 6% de la population mondiale, ils recensent 17,9% des personnes vivant avec le VIH dans le monde.

Alors que la prévalence moyenne du virus dans ces Etats reste relativement peu élevée à 2,3% de la population, les ravages causés par la maladie sont considérables. En 2014, 330 000 personnes sont mortes du SIDA dans cette zone, soit 27% de tous les décès dus au VIH à travers le monde. Près d’un sur trois. 

Le paradoxe de l’Afrique de l’Ouest et Centrale

En Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale, un peu plus de deux personnes sur dix sont séropositives. C’est beaucoup moins qu’en Afrique australe ou orientale. Au Swaziland, par exemple, 28 personnes sur 100 sont contaminées. En Afrique du Sud, elles sont 19 sur 100. Depuis plusieurs années, l’aide internationale et les politiques de santé publique ont donc mis l’accent sur ces pays à très forte prévalence au détriment de pays où le taux d’infection était jusqu’alors jugé moins inquiétant.

De nombreux Etats du Sud et de l’Est africain ont vu se développer un système d’accompagnement du patient de A à Z : du dépistage à la prise en charge médicale, suivie et de qualité. Dans les villes, mais aussi dans les villages plus reculés.

L’Ouest et le Centre, eux, n’ont pas eu cette chance. « Pour traiter les gens avant que des maladies opportunistes ne se déclarent, il faut aller les voir dans leurs communautés, au plus près, note Eric Goemaere, référent VIH à MSF. Il faut leur proposer des tests accessibles, de proximité, y compris oraux, que l’on commence à utiliser à l’Est. » Il conclut de façon lapidaire : « Mais tout ça c’est encore du domaine du rêve pour les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale. » Si les centres de soins se sont eux aussi modernisés dans la région, ils restent souvent difficiles d’accès pour des populations excentrées, qui représentent parfois des foyers d’infection aux taux plus élevés que la moyenne, pouvant atteindre 5% de prévalence.

Où sont les patients ?

Le phénomène existe en Afrique orientale et australe, mais plus encore à l’Ouest et au Centre du continent : les patients sont rares dans les centres de dépistages. « On se demande où sont les hommes, les patients ? C’est un vrai problème quand on sait que 40% des patients infectés en Afrique ne connaissent pas leur séropositivité », souligne le professeur Serge Eholié, spécialiste des maladies infectieuses à Abidjan.

En Afrique occidentale et centrale, l’une des explications du phénomène réside dans la lenteur du système de santé. Un problème lui aussi lié à l’oubli depuis des années de cette partie du continent par les programmes d’aides internationaux. « Tant que le système ne sera pas bien huilé en termes de transversalité, on aura des difficultés et on va perdre certains patients qui ne reviendront pas chercher leurs résultats et qu’on ne retrouvera jamais », analyse le professeur Eholié.

Il existe aussi une autre raison propre à l’Afrique occidentale et centrale qui explique ce faible taux de dépistage. En raison du peu de personnes prises en charge dans ces régions, le VIH rime souvent avec mort prématurée dans l’esprit de la population. De l’autre côté du continent, les bons résultats des traitements par antirétroviraux ont commencé à faire prendre conscience à l’opinion que le SIDA n’est pas une « condamnation à mort ». Selon le rapport de MSF, tant que la société de l’Ouest et du Centre maintiendra une perception négative des personnes séropositives, la crainte du dépistage et la peur d’être stigmatisé continueront d’être de puissants freins à une prise en charge générale du virus.

Des réponses adaptées

21% des nouvelles infections du VIH dans le monde ont lieu en Afrique de l’Ouest et Centrale. Un constat alarmant que MSF souhaite placer au cœur des prochaines politiques internationales de santé publique. La réponse doit être globale, aussi bien à l’échelle internationale avec notamment un financement accru pour ces zones, mais aussi à l’échelle locale soulignent de concert Eric Goemaere de MSF et le professeur Serge Eholié. « Dans nos pays, on a besoin de ressources humaines, de formation des agents communautaires sur le terrain, de volonté politique, du milieu associatif », énumère Serge Eholié.

Parmi les ressources humaines auxquelles il fait allusion, un nombre important de pédiatres devra être formé, selon le rapport. C’est en effet en Afrique de l’Ouest et Centrale que naissent 45% des bébés séropositifs dans le monde, et 9 enfants sur 10 n’ont aucun traitement antirétroviral. Le rôle des associations concerne lui essentiellement la prise en charge des patients homosexuels et des femmes, parfois mineures et prostituées.

Les nombreuses épidémies qui ont touché l’Ouest et le Centre de l’Afrique, comme Ebola récemment, ont aussi freiné la prise en charge du VIH dans la région au profit d’autres maladies. Malgré tout cela, l’ONUSIDA et MSF croient toujours qu’il est possible d’atteindre l’objectif 90/90/90 fixé pour 2020 à l’échelle planétaire : 90% des personnes vivant avec le VIH connaissant leur statut sérologique. 90% de ces malades sous antirétroviraux. 90% d’entre eux sous traitement de qualité optimale.

Sans négliger les autres régions du monde, MSF veut désormais mettre le projecteur sur l’Afrique de l’Ouest et Centrale. Les professionnels de santé préviennent : rien ne sert d’enrayer l’épidémie partout ailleurs si un large foyer à fort potentiel de développement demeure dans une région de la planète.



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