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Age de Wade, cas Idy, Côte d’Ivoire… : Jean-Paul Dias entre les lignes

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Age de Wade, cas Idy, Côte d’Ivoire… : Jean-Paul Dias entre les lignes

Age de Wade, cas Idy, Côte d’Ivoire… : Jean-Paul Dias entre les lignes 

Le candidat de l’union ou de l’unité de Bennoo à la présidentielle de 2012 doit venir du Parti socialiste si l’opposition veut gagner ces élections. Telle est la conviction de Jean-Paul Dias, le premier secrétaire du Bloc des centristes Gaïndé (Bcg), pour qui Moustapha Niasse doit faire preuve de dépassement en proposant la candidature du Ps. Pour lui, Macky Sall et Idrissa Seck peuvent juste affaiblir Wade en mordant sur l’électorat du Pds. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jean Paul Dias revient aussi sur la recevabilité de la candidature de Wade, avant d’ouvrir une large fenêtre sur la crise en Côte d’Ivoire. Entretien.


Wal Fadjri : Peut-on s’attendre à une candidature du Bcg à la présidentielle de 2012 au moment où l’on parle d’une éventuelle hausse du montant de la caution ?

Jean Paul DIAS : Mais nous espérons que le montant de la caution restera tel quel. Si c’est le cas, nous n’excluons pas d’avoir notre propre candidat. Par contre, si la caution est portée à un niveau démentiel, à un niveau de voleur comme des centaines de millions ou de milliards, il est bien évident que nous ne pourrons pas suivre. Et c’est pourquoi j’en appelle à toute l’opposition. Nous avons tous été reçus par l’Union européenne et il faut que l’Ue, la Cedeao, tous, fassent pression sur Wade pour qu’on anticipe les problèmes. Wade n’a pas le droit de porter la caution à des niveaux impossibles. Si c’était le cas, quand lui il était candidat, il n’aurait jamais été président. C’est pourquoi des structures comme la Cedeao, l’Ue, etc., doivent écouter l’opposition et intervenir en amont pour qu’un certain nombre de choses se fassent. Ne pas attendre que l’irréparable se produise pour venir jouer des mécaniques, etc. D’ailleurs, sous ce rapport, vous observerez que ni la France ni les Usa ne vont envoyer des troupes en Côte d’Ivoire. Ce qu’ils cherchent, c’est des nègres de service qui vont faire ce travail. C’est pourquoi la Cedeao doit se ‘re concentrer’ et revenir à son objectif.

 

Revenant sur le Sénégal, je préfère qu’on fasse une pression internationale pour que les cautions ne soient pas relevées, pour qu’on ne touche pas à la Constitution. Parce que nous avons des informations selon lesquelles Wade voudrait transformer la Constitution pour remettre en place un système article 35. C’est-à-dire un système qui lui permet de désigner un dauphin qui lui termine le mandat. Mais aussi pour que le Code électoral ne soit pas modifié et que l’audit du fichier soit un audit correct. Parce que dans cette affaire de Côte d’Ivoire dont on parle, il y a eu un problème d’électeurs surtout dans le Nord. On y a vu des scores soviétiques en faveur de Ouattara et ces scores donnent l’impression que le Nord ne fait pas partie de la Côte d’Ivoire (…) C’est pourquoi nous devons faire cela ici au Sénégal, mais aussi être à l’écoute des Sénégalais. Parce que les Sénégalais, qu’on le veuille ou pas, veulent un candidat unique ou du moins de l’union.

 

Comment l’opposition peut-elle arriver à cette candidature de l’union ou unique ?

 

Par exemple, Macky Sall peut se présenter parce qu’il va mordre dans l’électorat Pds. Idrissa Seck, au lieu de donner dans les jérémiades comme il est en train de faire, ferait mieux de prendre son destin en main et de se présenter. Il va mordre dans l’électorat Pds et cela va affaiblir Wade. De l’autre côté, bien que n’étant pas membre de Bennoo, je pense en toute honnêteté, que c’est le candidat de l’union de Bennoo (il y en d’autres et s’ils veulent, ils peuvent se présenter, mais ils se taperont des 0,5 %) qui peut gagner. Dans cette affaire, celui qui tient la réponse à la question, c’est Moustapha Niasse. Si Moustapha Niasse fait preuve de dépassement, on peut arriver à une solution.

 

Qu’entendez-vous par faire preuve de dépassement ?

 

Je pense que ce candidat de l’union doit venir du Parti socialiste, c’est évident. D’abord, comme le dit Babacar Justin Ndiaye, c’est le Ps qui a été défait en l’an 2000. Tous les autres étaient avec Wade.

 

‘Ce n’est pas la personne du candidat (de Bennoo) qui va compter, mais l’union qui va le soutenir. Et en contrepartie, ils devraient s’entendre sur le fait que le président de l’Assemblée nationale serait Moustapha Niasse’

 

Et Niasse dans tout ça ?

 

C’est lui (Niasse) qui doit demander à ce que le candidat de l’union soit issu du Ps. Je ne dis pas pour le moment qui, mais le candidat doit être issu du Ps. Ce n’est pas la personne du candidat qui va compter, mais l’union qui va le soutenir. Et en contrepartie, ils devraient s’entendre sur le fait que le président de l’Assemblée nationale serait Moustapha Niasse. Que le prochain Premier ministre serait issu de l’Afp sur un choix de trois noms proposés par Moustapha Niasse au président provenant du Ps. Niasse président de l’Assemblée nationale, bien sûr pour un mandat de cinq ans et non un mandat d’un an renouvelable, par sa stature, son âge, son expérience, sa dimension nationale et internationale, va donner à l’institution une autre dimension. Vous comprenez très bien que le président de la République, ce ne sera pas sur un claquement de doigt qu’il va convoquer Niasse pour lui dire : ’Je veux que tu me fasses passer cette loi tout de suite’. Il (le président) n’imaginera même pas le faire et Niasse, en ce moment-là, serait encadré par un vice-président et des gens de qualité et de haut niveau.

 

Puisqu’eux-mêmes, lors de leurs Assises, parlent de régime parlementaire, c’est Niasse qui peut aider à l’émergence d’un régime parlementaire et à sa survie. Peut-être que quand il fera deux mandats à la tête de l’Assemblée nationale, le régime parlementaire s’incrustera au Sénégal. C’est donc lui qui détient la clef, pas quelqu’un d’autre. C’est lui qui doit accepter de ne pas être candidat et de demander que le candidat de l’union vienne du Ps.

 

Pourquoi Moustapha Niasse et non le Ps, par exemple Tanor qui propose la même chose à Niasse ?

 

Parce que toutes les fois où l’Afp a été dans une élection en compétition avec le Ps, ce dernier parti est arrivé devant. Il faut donc être objectif là aussi.

 

Le Bcg envisage-t-il une alliance en perspective de 2012 ?

 

Le Bcg n’est pas dans une alliance quelconque en raison de tas de choses qui se sont passées et qui nous ont déçus. Je vous rappelle que nous avons été aux locales tout seul même si nos résultats sont modestes.

 

Faites-vous allusion à l’appel du chef de l’Etat (le retour des anciens du Pds) qui n’a finalement pas abouti avec le Bcg ?

 

Ça, c’est de l’histoire ancienne. C’est fini et cela ne nous intéresse plus (…) Quand Bennoo organisait ses Assises, ils ne nous ont pas invités, mais cela ne nous empêche pas d’être objectif. Moi, je ne fais pas de paranoïa sur la présidence de la République parce qu’on peut aider son pays sans être le président de la République. Tous ceux qui font cette fixation sur le président de la République, c’est de la paranoïa. Mais nous sommes membres de ‘Clarté day leer’, une structure qui veille à la transparence des élections. Alors, de manière objective, je ne vois aucun candidat qui peut faire un score supérieur à celui de quelqu’un qui serait candidat de l’unité issu de Bennoo. Je ne le vois pas. Macky tout comme Idrissa Seck ne le feront pas. L’avantage de ces deux-là, c’est qu’ils mordront dans l’électorat Pds.

 

Voilà pourquoi je dis à Wade de ne pas se présenter et je suis le seul opposant à dire que, juridiquement, il peut être candidat et je le maintiens. Mais du point de vue de la sagesse, de la décence, de l’amour pour le Sénégal, il ne doit pas se présenter. Parce qu’aujourd’hui, il a 90 ans et en 2012, il aura 92 ans et ça aussi je peux le démontrer. Je lui demande donc de renoncer à sa candidature et d’organiser des élections démocratiques claires et transparentes pour que quelqu’un d’autre dirige le Sénégal. Evidement, je le comprends, il a fait tellement d’extravagance, qu’il a peur pour son avenir et celui de sa famille. Mais une fois de plus, nous sommes en politique, c’est des choses qui se négocient en amont. Sa candidature n’est pas décente parce qu’il n’y a aucun chef d’Etat qui se présente à 92 ans aux élections. Il doit respecter les Sénégalais dont le peuple est essentiellement constitué de jeunes.

 

‘Je ne vois aucun candidat qui peut faire un score supérieur à celui de quelqu’un qui serait candidat de l’unité issu de Bennoo. Macky tout comme Idrissa Seck ne le feront pas. L’avantage de ces deux-là, c’est qu’ils mordront dans l’électorat Pds’.

 

Sur quoi vous fondez-vous pour dire que, juridiquement, la candidature de Wade tient ?

 

Il a été élu en 2000 sous l’empire de la Constitution de 1963, mais quand est intervenue la Constitution de 2001, il était déjà président. Quand nous sommes allés à l’élection présidentielle de 2007, c’était sa première élection. Cela s’est passé dans tous les pays africains et les Conseils constitutionnels de tous ces pays ont raisonné ainsi. C’est pourquoi je dis qu’il a droit à une autre candidature. D’ailleurs, lorsque le Conseil constitutionnel, dans une décision a reconnu son élection en 2007, il n’a pas dit que Wade est réélu. Il a dit qu’Abdoulaye Wade est élu, donc il considère que l’élection commence avec la Constitution de 2001. Alors, on dit qu’il y un article 104 qui dit qu’il peut continuer son mandat jusqu’au bout mais c’est ça l’erreur, il ne fallait pas écrire ce texte-là. Et tous ceux qui gueulent aujourd’hui, sont ceux qui ont écrit ce texte alors qu’il ne le fallait pas. Même le fameux Guy Carcassonne (constitutionnaliste français) critique le fait qu’on ait écrit ce texte. Ou alors il fallait dire qu’il termine son mandat jusqu’au bout, mais celui-ci est soumis à l’article 27 et fait partie du comptage. Mais on ne l’a pas écrit et ils nous disent que les textes sont clairs. Mais s’ils étaient clairs, il n’y aurait pas eu débat. D’autre part, on dit que toutes les autres dispositions de la Constitution lui sont applicables, pourquoi on ne lui a pas fait prêter à nouveau serment. Parce que le serment tel qu’il est écrit dans la Constitution de 2001 n’est pas le même qu’avant. On aurait dû amener Wade à prêter à nouveau serment. C’est celui de la Constitution de 1963 qu’il a poursuivi. Et puisqu’il n’a pas prêté serment sur la Constitution de 2001, il n’est pas tenu (…)

 

Comment l’ancien militant du Pds vit-il sa séparation avec ce parti ?

 

J’ai déjà dit à Wade en privé, que pour moi, le Pds c’est la femme que j’ai aimée et que je n’ai pas pu épouser. Il y a eu des raisons qui ont fait que je ne l’ai pas épousée. Et c’est clair que quand des choses comme ça se passent, ça me fait mal.

 

Ceci dit, je trouve que c’est Idrissa Seck qui est dans le tort. Il connaît le Pds autant que moi. Dans le temps, quand le comité directeur était composé de treize personnes, nous avons pu y mettre Wade en minorité. Je vais vous donner deux exemples et il y en a d’autres. Lorsque le Comité directeur s’est réuni, saisi par Wade sur une proposition de Diouf pour être vice-président et il était d’accord, le comité directeur l’a mis en minorité. Lorsqu’à la suite d’une déclaration dans un meeting, il y a eu du tapage pour me faire sortir du gouvernement, en mon absence, puisque j’étais à Abuja pour la Cedeao, c’est à l’intérieur du comité directeur que Wade qui était d’accord, a été mis en minorité et a été obligé d’aller dire à Abdou Diouf que son parti n’était pas d’accord. Et je suis resté au gouvernement. Nous avons aussi pu mettre Wade en minorité au secrétariat national. Il y a eu plusieurs cas, notamment Marcel Bassène et moi, nous avons débattu avec Wade sur des questions où il a reculé parce que mis en minorité. Mais jamais personne n’a pu mettre et personne ne mettra Wade en minorité au bureau politique, l’équivalent du comité central du Ps. Et personne ne peut mettre Wade en minorité dans un Congrès. Et même si par extraordinaire, le comité directeur ne disait rien, le secrétariat national non plus, Wade et Idy en compétition au bureau politique et au Congrès, c’est Idrissa Seck qui va être perdant et il le sait très bien. Le problème, c’est qu’Idrissa Seck est au courant de certaines choses dont certains d’entre nous, les chefs de partis politiques, sont au courant.

 

De quoi êtes-vous au courant ?

 

Mais le bout de la lorgnette a été montré par le docteur Mame Marie Faye et Idrissa Seck est au courant de ça et c’est pourquoi il fait le forcing. Mais je voudrais lui dire que même si Wade disparaissait aujourd’hui, tel que le Pds est organisé, il ne sera pas son candidat. Il rêve. C’est pourquoi le mieux pour lui, c’est de reprendre son parti, de se débrouiller pour se faire reconnaître et s’ils ne le reconnaissent pas qu’il essaye de partir comme candidat indépendant ou qu’il prenne l’investiture d’un parti ou un groupe de partis et qu’il se présente pour tenter sa chance. Peut-être que je me trompe, mais connaissant le Pds comme je le connais et lui le connaissant autant que moi, il prendra une partie du Pds, mais pas tout le Pds.

 

Mais Idy dit que le Pds, c’est lui…

 

Il faut qu’il arrête de dire ça. C’est vraiment de la prétention. Il n’est pas le Pds, c’est pas vrai. Le Pd,s c’est l’ensemble de tous ceux qui ont milité et combattu de manière désintéressée. Il n’est pas le Pds, c’est prétentieux de le dire et je souhaite qu’il cesse de le dire. Il est actionnaire, mais il n’est pas le parti qui s’appelle le Pds.

 

‘Tant que Wade sera là, le candidat du Pds ne sera pas Idrissa Seck. Et même s’il n’est pas là, le Pds s’est tellement modifié, il est tellement devenu le parti des transhumants qu’on ne le laissera pas passer’

 

Certains pensent qu’il ne devait pas retourner au Pds. Est-ce votre avis ?

 

C’est ça qu’il ne fallait pas faire et je suis d’accord avec ceux qui le disent. Quand j’ai vu ça (le retour), je me suis dit il y a un accord secret. Mais à l’heure où nous sommes, il y a un poste de vice-président de la République qui a été créé depuis longtemps. Abdoulaye Wade lui-même a dit qu’il en avait besoin parce qu’il ne pouvait pas tout faire. Tout le monde a porté le regard vers Idrissa Seck mais jusqu’à présent, il ne l’a pas eu. Il aurait dû se poser des questions et il aurait même dû avoir ce poste sans être membre du Pds. Je trouve que dans cette affaire-là, c’est lui qui perd son temps. Il a raison de poser le débat sur la candidature de Wade. Mais tant que Wade sera là, le candidat du Pds ne sera pas Idrissa Seck. Et même s’il n’est pas là, le Pds s’est tellement modifié, il est tellement devenu le parti des transhumants qu’on ne le laissera pas passer.

 

Qui est selon vous le candidat idéal du Pds ?

 

Je ne réfléchis pas aux problèmes du Pds, je vous réponds pour ne pas être intellectuellement malhonnête, mais je ne pense à personne. C’est leur affaire interne à eux là-bas.

 

Mais comment se porte votre parti, le Bcg ?

 

Son problème éternel a toujours été le manque de moyens financiers et il est très difficile de tenir un parti mobilisé pendant cinq ans. C’est ce qui fait qu’on peut avoir l’impression d’une baisse de régime, mais nous sommes dans une situation de placement des cartes. L’idée que nous avons, c’est de nous compter, mais de manière effective et c’est ce que nous sommes en train de faire sans bruit ni tapage. C’est dur, je le reconnais, parce que les gens de l’alternance ont pollué la sphère politique avec l’argent. Mais nous espérons que l’année prochaine, vers le mois d’octobre, nous pourrons tenir notre congrès et mon mandat sera remis en jeu.

 

Pour en venir à l’actualité internationale, quelle est la lecture que fait le politique mais aussi l’ancien diplomate, de la crise que vit la Côte d’Ivoire ?

 

Je voudrais d’abord préciser que je connais Alassane Ouattara tout comme Laurent Gbagbo. Le premier au cours d’une visite officielle qui avait été dirigée en Côte d’Ivoire par le Premier ministre Habib Thiam, le second à l’occasion d’un voyage personnel dans un pays africain où nous étions tous les deux ensemble. Du point de vue de l’ancien diplomate que je suis, je suis choqué de l’attitude de M. Choi, le représentant du secrétaire général des Nations unies. Il y a en diplomatie, à côté de la réciprocité, une règle élémentaire : c’est la non ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Lorsque les Nations unies sont venues en Côte d’Ivoire, c’était à la demande du gouvernement ivoirien, donc de Laurent Gbagbo directement ou indirectement. Ces gens-là (les Nations unies), entre autres missions puisqu’il y en avait d’autres, avaient une mission de certification. Mais certifier ne veut pas cautionner ou garantir ou valider quoi que ce soit. Certifier signifie dire si telle étape ou telle autre s’est bien passée ou à pas. L’Organisation des Nations unies, ce n’est pas la mère des Etats. C’est une association où un Etat adhère librement comme un Etat peut ne pas être membre des Nations unies et vivre. Un Etat est forcément souverain, indépendant et n’est pas sous tutelle.

 

Je ne discute pas de ce que le Conseil constitutionnel ou la commission électorale indépendante (Cei) a bien fait ou pas. Mais en tout état de cause, M. Choi devait se limiter à rendre compte à son patron et ne devait pas faire une déclaration pour dire que le président Gbagbo n’est pas élu, que c’est un autre qui est élu. C’est contraire à toutes les règles élémentaires mises en place depuis la convention de Vienne. Donc, je dénonce son attitude.

 

D’autre part, si nous parlons toujours des Nations unies, des élections se sont passées partout ailleurs. Par exemple, il y a seulement quinze jours, des élections se sont passées en Biélorussie, un des Etats de l’ancienne fédération soviétique, et ça a été truqué. Le même soir des élections, il y a eu de la violence d’Etat avec des morts. Tous les leaders de l’opposition ont été mis en prison et ne sont pas libérés jusqu’à l’heure où je vous parle. Et où sont les Nations unies ? Il y a eu en Birmanie des élections complètement ubuesques. Avec un leader de l’opposition qui est un prix Nobel, qui est empêchée de sortir de chez elle, empêchée d’être candidate, etc. Où étaient les Nations unies ? Alors, il faut qu’on arrête de prendre les Africains pour des enfants. Je condamne l’attitude de M. Choi ainsi que de l’Onuci qui est la structure mise en place pour ces affaires-là.

 

‘Même si la Cedeao a subi une mue pour devenir une sorte de commission, son rôle, c’est de travailler au développement économique d’abord de la sous-région et à l’intégration de nos économies. Ce n’est pas de jouer le rôle de gendarme de la sous-région’

 

Que reprochez-vous alors à l’Onuci ?

 

L’Onuci dispose d’une radio qui fait un travail de ’Radio mille collines’ à Abidjan. Elle a récemment mis sur des plates formes (des éléments que tirent les camions) plusieurs conteneurs et personne ne sait ce qu’il y a à l’intérieur de ces conteneurs pour les acheminer à l’hôtel du Golf (quartier général de Ouattara). Il a fallu que la population s’interpose pour qu’ils rebroussent chemin. Mais qu’est-ce que c’est que ces Nations unies-là ? Ça commence à dépasser l’entendement parce que les Nations unies, on en a besoin quand, par exemple, un homme comme Abdoulaye Wade trafique la Constitution, le code électoral, etc., pour faire pression sur lui.

 

Aujourd’hui, on vous dit que tous les jours les Nations unies alimentent l’Hôtel du Golf par hélicoptère. Mais Gbagbo est naïf parce qu’il ne sait pas ce qui vient par hélicoptère et qui descend à l’hôtel du Golf. A sa place, je ne laisserais pas faire.

 

L’ambassade de la Côte d’Ivoire en France a été envahie. Les gens qui ont fait faire ou laissé faire cela ont prétendu avoir été saisis par des autorités légitimes de Côte d’Ivoire. Or en droit public international, la notion d’autorité légitime n’existe pas. Il y a des autorités officielles ou il n’y en a pas. Et en outre, dans le cas de l’avion, c’est totalement illégal de le retenir puisqu’il était en révision. Quelles que soient les autorités qui peuvent le réclamer, sa base c’est Abidjan et il doit retourner à Abidjan. Si j’étais Gbagbo, je porte plainte devant les tribunaux français.

 

Pour ce qui concerne la Cedeao, j’ai été président du Conseil des ministres de la Cedeao donc je sais de quoi je parle. Même si la Cedeao a subi une mue pour devenir une sorte de commission, sa mission demeure la même. Son rôle, c’est de travailler au développement économique d’abord de la sous-région et à l’intégration de nos économies. Ce n’est pas de jouer le rôle de gendarme de la sous-région ni de dire à un chef d’Etat si vous ne quittez pas le pouvoir, je vais vous envoyer des troupes. Quand le président Tandja du Niger a supprimé le Conseil constitutionnel et a organisé un référendum pour proroger son mandat, mis en prison des opposants, est-ce que la Cedeao avait décidé de lui envoyer des troupes ?

 

Certaines choses ressemblent à du mépris, or la Côte d’Ivoire est un Etat phare dans la sous-région. Elle est membre fondateur de la Cedeao, donc on n’a pas le droit de se leurrer. On l’a déjà suspendue, mais ça suffit. Ils n’ont pas le droit de venir dire à son chef d’Etat ou vous partez ou on vous envoie des troupes. Dans les cas où la Cedeao a expérimenté l’envoi de troupes à travers l’Ecomog (Liberia, Sierra Leone, Guinée-Bissau), l’expédition a toujours tourné à l’échec. Même si on considère que le cas libérien a été un bon exemple, puisqu’il a fallu une occupation de cinq ans pour arriver à un semblant de démocratie.

 

De toute façon, le Bcg et moi-même, nous insistons pour que le contingent du Sénégal dans les troupes de l’Onuci rentre. Et surtout, si la Cedeao devait envoyer des troupes, que les Sénégalais n’en fassent pas partie.

 

Selon vous, quelle est la meilleure voie pour régler cette crise ?

 

Que la Cedeao engage des actions diplomatiques, comme on le fait partout. D’après les informations que j’ai de l’intérieur de la Cedeao, à l’heure où je parle, les présidents Yayi Boni du Bénin, Pires du Cap Vert et celui du Sierra Leone ne vont pas demander à Gbagbo de quitter le pouvoir. Ils vont essayer de faire de la diplomatie, donc négocier. Parce qu’il est insultant de dire à un chef d’Etat de quitter le pouvoir. Même quand des chefs d’Etat ont fait des coups d’Etat, jamais on est venu leur dire de quitter le pouvoir. Le premier responsable de tout ça, c’est le président Houphouët Boigny, paix son âme.

 

En quoi serait-il responsable de ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire ?

 

Il est responsable de cette situation parce qu’il avait une telle phobie du coup d’Etat qu’il n’a pas armé l’armée ivoirienne. Ce qui fait que lorsque l’armée ivoirienne a fait l’objet d’une attaque par invasion, parce que c’est ce qui s‘est passé, elle n’a pas su réagir correctement. Simplement parce que Houphouët avait une peur bleue d’une armée qui avait des armes.

 

Ensuite, vers la fin de ses jours, il passait six à huit mois en France ou à Genève et ne dirigeait pas la Côte d’Ivoire. Il a cherché quelqu’un qui, selon lui, n’était pas en mesure de lui prendre le pouvoir et il l’a mis là. Et c’était Ouattara. Alors qu’il était malade, Houphouët aurait dû avoir le courage de dire : je suis vieux, j’ai fait mon temps, j’organise des élections claires puisque je ne peux plus diriger. Et celui qui gagne gère les destinées du pays. C’est ce que nous disons aussi à Wade. Voilà pourquoi je dis qu’Houphouët est responsable. Et il y a d’autres éléments de responsabilité sur lesquels je ne peux pas m’épancher.

 

Le président Compaoré s’est aussi discrédité comme médiateur. J’observe d’ailleurs qu’il ne fait pas partie des trois délégués de la Cedeao à Abidjan. Il a eu plusieurs années pour régler cette crise, mais n’a pas été capable de le faire. Même s’il n’a pas une responsabilité visible dans la crise, il a une responsabilité indirecte parce qu’il a échoué.

 

Concernant la Bceao, j’ai été membre du Conseil des ministres de l’Uemoa, donc je sais de quoi je parle. On n’a jamais vu, même dans les cas les plus compliqués des pays où il y avait des coups d’Etat la Bceao fermer des robinets de financements à ces pays. L’exemple du Niger avec Tandja en est un. Par ailleurs, la non reconnaissance de signature du camp Gbagbo est intervenue à la suite d’un Conseil des ministres. Ce faisant, le Conseil des ministres a outrepassé ses attributions et prérogatives. Parce que même si ce type de suspension devait arriver dans une telle situation conflictuelle, seul le sommet des chefs d’Etat aurait pu être compétent. Par ailleurs, ce n’est pas à partir de la Bceao que les salaires des fonctionnaires ivoiriens sont payés, mais bien à partir du Trésor public ivoirien qui avec les recettes douanières, fiscales, etc. Et il est assez riche pour s’acquitter de cette tâche pendant plusieurs mois. Parce que la Côte d’Ivoire est un pays qui, à lui seul, n’est pas loin de faire la moitié de la Bceao. Elle fait au moins 40 % de la Bceao. Ce que l’on veut faire, c’est-à-dire couper les vivres à Gbagbo, on ne le réussira pas.

 

Pourquoi la Bceao et la communauté internationale ne le réussiront-elles pas ?

 

Parce que c’est le peuple ivoirien que l’on va atteindre et non Laurent Gbagbo. Mais aussi la Côte d’Ivoire, ce n’est pas un pays du Sahel comme le Sénégal. C’est un pays qui, à l’heure actuelle, aurait dû faire partie des pays émergents. Je ne suis pas un conseiller de Gbagbo, je ne suis même pas un consultant auprès de lui. Mais si c’était moi qui lui donnais les idées, je vous garantie que tout cela ne se produirait pas.

 

C’est quoi votre solution ?

 

On aurait dû, dès le départ, organiser d’abord les élections législatives et tester en même temps la Cei. On ne l’a pas fait avec le fétichisme de l’élection présidentielle. Ensuite, peut-être qu’il fallait décider que Gbagbo, Bédié et Ouattara ne puissent pas se présenter, comme on l’a fait en Guinée. C’était antidémocratique, mais c’est politique. Il ne faut pas que l’avenir de la Côte d’Ivoire dépende uniquement de Ouattara, Gbagbo et Bédié. Et si on avait fait la même chose qu’en Guinée, peut-être qu’on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais ce qui est fait est fait. Aujourd’hui, de mon point de vue, il faut un système de règlement politique et non militaire. Parce que si on essaie le règlement militaire, il y aura des débordements que nous n’arriverons pas à gérer. Imaginer que le Côte d’Ivoire décide de renvoyer tous les Burkinabés chez eux, ils sont 3 millions, les Maliens 2 millions etc.

 

Propos recueillis par Yakhya MASSALY



3 Commentaires

  1. Auteur

    Dof

    En Décembre, 2010 (05:14 AM)
    diaz domouharam la ,il na jamé ete patriote,sama wax dousi sori,guen balma
    Top Banner
  2. Auteur

    Pa Toucoulor

    En Décembre, 2010 (05:15 AM)
    khana senegalais yi kaye dofougnou baye dioukhe gourgui ape pa bou ame 90ans
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    Auteur

    D7fr

    En Décembre, 2010 (05:35 AM)
    enco de payé pour défendre le diable comme du temps de dadis
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