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Afrique

Coalition citoyenne pour le Sahel : "Les moyens militaires n’assurent pas la protection des civils"

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Un soldat de l'armée malienne lors d'une opération antiterroriste (photo d'illustration).
Faire primer la sécurité des populations dans la gestion du conflit sahélien, tel est le projet de la Coalition citoyenne pour le Sahel, lancée jeudi 16 juillet par une vingtaine d’organisations africaines qui estiment que l’approche militaire dans la région a montré ses limites.

Le 13 janvier 2020, les chefs d’État de la France, du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad lançaient, lors du sommet de Pau, la Coalition pour le Sahel. Face à la dégradation de la situation sécuritaire sur le terrain, ces dirigeants souhaitaient alors mettre en place un nouveau cadre pour mieux coordonner la lutte antiterroriste, restaurer l’autorité de l’État et investir dans le développement.

"Les résultats que nous engrangeons sont malgré nos efforts en deçà des attentes des populations, qui éprouvent des difficultés majeures. C’est pour cela que nous avons convenu de rediscuter du dispositif", avait alors reconnu le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré.

Six mois plus tard, une vingtaine d’organisations sahéliennes et ouest-africaines soutenues par des ONG internationales ont lancé le volet civil de cette coalition : la Coalition citoyenne pour le Sahel, pour présenter et défendre les intérêts des populations locales. France 24 s’est entretenu avec Drissa Traoré, coordinateur de l'Association malienne des droits de l'Homme (AMDH), à propos de cette coalition dont il est membre, ainsi que de la crise post-électorale qui secoue son pays. 

France 24 : Quelle est l’ambition de cette Coalition citoyenne ?

Drissa Traoré : Il s’agit d’un cadre informel visant à fédérer les acteurs de terrain sous une mission commune : protéger efficacement les populations, promouvoir le développement, lutter contre l’impunité et garantir l’accès à la justice.

Aujourd’hui, dans bien des endroits, nous assistons à la dégradation de la situation des populations civiles. Les moyens militaires déployés n’assurent pas la protection des populations et ont parfois même des conséquences néfastes. Il est grand temps de réfléchir à un changement d’approche et quitter la doctrine du "tout sécuritaire" qui ne fonctionne pas. Cette nouvelle approche doit prendre en compte les populations, il faut les consulter en amont pour évaluer leurs besoins. Les États ne peuvent être les seuls garants de la sécurité ; l’implication civile est primordiale. Or il y a une crise de confiance entre les forces de sécurité et la population qui, trop souvent, ne se sent pas protégée.

Nos organisations sont en première ligne car connectées directement aux communautés et nous documentons et expérimentons ce qui fonctionne. Notre but, à travers cette coalition, est de jouer les intermédiaires entre les communautés et les États et de mettre ces derniers face à leurs obligations.

Dans son discours aux armées le 13 juillet, Emmanuel Macron a félicité les militaires pour des "avancées notables" et des "victoires" au Sahel. Début juin, la France a annoncé la mort de l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abdelmalek Droukdal, au cours d'une opération au Mali présentée comme un "succès majeur". Ces événements ont-ils un impact sur la vie des populations ?

C’est bien ça le problème, les gouvernements nous annoncent des succès militaires qui n’ont pas d’effet direct sur la vie des populations à court et moyen terme. Dans les régions touchées par le terrorisme au Mali, beaucoup d’écoles restent fermées et les civils continuent de fuir pour des zones plus calmes comme Bamako.

Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que les opérations militaires n’ont eu aucun résultat : en janvier 2013, elles ont permis de libérer une partie du pays occupée depuis 2012 par les jihadistes et indépendantistes. Puis il y a eu la période de stabilisation avec l’intensification des interventions. Malheureusement, ces dernières années, les problèmes sécuritaires présents au nord se sont déplacés au centre et les opérations militaires y sont aujourd’hui très compliquées. La collaboration entre États est indispensable face au fléau de l’insécurité. Mais elle ne doit pas être uniquement militaire.

Quelles sont les difficultés majeures pour les forces armées sur le terrain ?

Ces dernières années, la situation au centre du Mali s’est considérablement dégradée. Les groupes armés sont organisés et mobiles, et se fondent parfois dans la population. Dans ces zones, les citoyens se sentent délaissés par l’État. Certains se tournent vers les jihadistes pour survivre. Prises en étau, les populations subissent des exactions de la part des groupes armés mais aussi parfois des forces armées. Plusieurs enquêtes sont en cours à propos d’exécutions sommaires de prisonniers, au Mali et au Burkina Faso notamment. Mais ces procédures restent le plus souvent sans suites, ce qui alimente la défiance envers les pouvoirs en place. En parallèle, des personnes arrêtées sont libérées sans jugement, dans le cadre d’échanges de prisonniers pour obtenir la libération d’otages nationaux ou internationaux. C’est une pratique assez fréquente au Mali, qui crée de la frustration parmi certains militaires et accentue encore cet antagonisme. Nous faisons face à un problème d’impunité généralisé qui ne se réglera qu’à condition de remettre l’institution judiciaire au centre du jeu.

De violentes manifestations contre le président ont éclaté au Mali après les élections législatives d’avril. S’agit-il d’une nouvelle crise liée aux problèmes sécuritaires ?

Il s’agit au départ de manifestations nées de frustrations liées à cette question mais aussi aux difficultés du quotidien, telles que les coupures d’électricité et le couvre-feu décidé pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Mais c’est la gestion du contentieux électoral, après les élections législatives d’avril, qui a constitué la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Beaucoup considèrent que les résultats annoncés par la Cour constitutionnelle ne sont pas crédibles. Il faut dire que le président (Ibrahim Boubacar Keïta) est aussi le président du Conseil de la magistrature. À ce titre, il nomme six des neufs membres de la cour.

Dans cette crise, la figure de l'imam Mahmoud Dicko a émergé, fédérant une opposition au pouvoir en place. Pour autant, il ne s’agit pas d’un conflit communautaire ; la revendication principale est bien de mettre en place un gouvernement plus inclusif et démocratique, et de réformer les institutions dans ce sens. Aujourd’hui, les acteurs politiques doivent unir leurs forces et trouver une solution car la dernière chose dont nous avons besoin au Mali, c’est d’une crise socio-politique.




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