GANDOUR DANS LE COLLIMATEUR DE LA DOUANE : Parfum de fraude sur des milliards

Un gros dossier est en instruction au niveau des services douaniers et met au cœur de la tourmente Gandour, société spécialisée dans la parfumerie. Ses responsables sont dans le collimateur de la Douane qui les accuse de fraude portant sur des milliards et qui a trait à la réexportation fictive de marchandises.

Le week-end qui vient de passer n’a pas été de tout repos pour les responsables de la parfumerie Gandour dans le collimateur des douaniers depuis quelque temps. En fait, ils faisaient l’objet sans le savoir d’une grosse opération de renseignement et de suivi qui a finalement abouti à une enquête officielle menée par la Direction des enquêtes douanières dirigée par le colonel Aliou Ndiaye. Que reprochent les douaniers à Gandour ? Une fraude tenant en une réexportation fictive de marchandises et d’intrants qui, selon diverses sources proches de l’enquête et de la police des frontières, porte atteinte aux intérêts du Trésor public. En fait, Gandour importait des marchandises supposées être réexportées, mais qui ne sortaient jamais du territoire national : elles étaient revendues sur place sans que la société ne s’acquitte des droits et taxes afférents à leur importation, au préjudice de l’Etat. Et selon nos interlocuteurs, la façon dont l’opération est montée montre que la pratique dure depuis des années, l’enquête en cours devant déterminer depuis quand remonte l’arnaque. Les services spécialisés de la douane estiment le préjudice subi à des milliards alors que l’enquête suit son cours.

Trois opérations menées dans la journée du samedi à Kidira, Kaolack et Dakar

Le pot aux roses a été découvert suite à un travail mené à partir des tirages sur Gaïndé (le système informatique douanier). C’est sur cette base qu’un certain nombre de vérifications et de recoupements ont été faits, avant que les douaniers ne portent un grand coup durant le week-end en agissant simultanément à différents endroits du territoire national, sur la base de renseignements fiables. Après avoir été alertés par un certain nombre d’indices, les éléments des Enquêtes douanières ont agi au niveau du poste de Kidira. Ils ont bénéficié de l’appui des hommes du lieutenant Issa Ndiaye de la Subdivision de Tamba pour intercepter le transitaire de Gandour. Un certain M. Darwiche, qui détenait par-devers lui des documents douaniers censés couvrir une réexportation de marchandises qui n’a jamais eu lieu. Darwiche a été interpellé et placé en détention à la police de Tambacounda. Dans la même journée, une autre opération était menée au niveau de Kaolack sous l’égide du patron local des Douanes, le commandant Mamadou Ndiaye. Sous ses directives, le chef de la Subdivision de Kaolack, le lieutenant Babacar Mbaye et ses hommes ont intercepté et immobilisé un convoi de quatre camions - les trois sont d’immatriculation sénégalaise et le quatrième a une plaque minéralogique malienne - transportant des conteneurs chargés de marchandises appartenant à Gandour. Seulement, ces marchandises convoyées vers le Mali n’étaient couvertes par aucun document douanier.

La gérante de Gandour interpellée samedi nuit à l’aéroport

C’est sur la base de ces informations qu’une troisième opération a été déclenchée dans le feu de l’action, toujours le samedi, cette fois-ci à Dakar. Et vu la gravité de l’affaire, le colonel Aliou Ndiaye, patron des Enquêtes douanières, est descendu en personne sur le terrain à la tête de ses éléments pour investir les locaux de la Parfumerie Gandour sur la route de Rufisque. Mais, ces douaniers vont essuyer l’opposition de certains travailleurs qui les empêchent d’accéder à l’intérieur de l’usine. C’est finalement les gendarmes de la brigade de Hann qui viendront prêter main-forte aux soldats de l’économie pour leur permettre de mener leurs investigations et de saisir divers documents, en plus de l’unité centrale de l’ordinateur de la direction. Les gendarmes ont par ailleurs - comme cela nous a été confirmé par des sources dans le cadre de nos investigations - détenu deux des travailleurs qui entravaient le travail des douaniers. Ils ont été finalement remis à la Douane.

Dilemme des responsables de Gandour : transiger ou aller en prison

Le clou de ces opérations a été mené dans la soirée de ce même samedi par les douaniers au niveau de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Mme Gandour, gérante de la société, qui tentait de quitter le territoire, a été arrêtée par les hommes du capitaine Madiop Wade et placée en garde-à-vue à la Police de l’aéroport. Présentée aux Enquêtes douanières dans la journée du dimanche, elle a été relâchée après audition. Il faut retenir que les dirigeants de Gandour ont quarante-huit heures pour transiger où se voir envoyer en prison dans cette affaire qui ressemble à une autre, fort célèbre : le dossier Korban. Mais déjà, de grosses pressions politiques et religieuses s’abattent sur les agents des Enquêtes douanières qui cependant disent compter sur l’appui de leur Directeur général pour mener à bien cette enquête. Par ailleurs, cette affaire Gandour sur laquelle nous reviendrons est une de la pléthore d’affaires de réexportation fictive de marchandises que les douaniers sont en train de traquer.