Doha (Qatar), envoyée spéciale - Près d'un mois après son déclenchement, l'intervention armée en Libye change de paramètres. Faute de percée des rebelles, la recherche d'un "processus politique" est désormais formellement actée.
Les contours de cette démarche, annoncée par le Groupe de contact sur la Libye, réuni à Doha, au Qatar, mercredi 13 avril, restent cependant flous, signe de la difficulté de trouver une issue à la crise.
L'impasse militaire sur le terrain, lourde du risque de partition du pays, a conduit à la quête d'un "dialogue" inter-libyen, dont l'émissaire de l'ONU pour la Libye, l'ancien ministre jordanien des affaires étrangères, Abdel Ilah Al-Khatib, a été chargé. C'est ce qu'ont demandé également les puissances émergentes des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), le 14 avril.
La France et le Royaume-Uni, les deux pays qui avaient été en pointe pour réclamer l'emploi de la force contre Mouammar Kadhafi, tiennent à ce que cette nouvelle phase – politique – ne donne lieu à aucun relâchement des frappes aériennes, ni des sanctions internationales. Cet affichage était au cœur de la rencontre, mercredi soir à l'Elysée, entre Nicolas Sarkozy et David Cameron, le premier ministre britannique.
INQUIÉTUDES CONCERNANT MISRATA
La logique : faire en sorte que le Guide libyen soit le plus possible en position de faiblesse, au moment où commenceraient des pourparlers. Le sort de Misrata, ville d'opposition soumise à de redoutables tirs à l'arme lourde par les forces libyennes, est une grande source d'inquiétude.
L'équation politico-militaire a donc changé. M.Kadhafi s'accroche. La nouvelle tactique de ses forces armées (des attaques par petits groupes, à bord de pick-up) complique la tâche des avions de l'OTAN. L'option militaire ayant démontré ses limites, le curseur est désormais placé sur une "solution politique", "le seul moyen d'apporter une paix durable à la Libye", comme le dit la déclaration finale de la réunion de Doha.
Le "groupe de contact", créé lors d'un sommet à Londres le 29 mars, et réunissant une vingtaine de pays et d'organisations internationales, se déclare "uni dans la conviction que la présence prolongée de Kadhafi constituerait une menace à toute résolution de la crise". Il n'est plus fait mention d'un "départ immédiat" de M.Kadhafi. Le départ du Guide libyen a cessé d'être un préalable explicite à tout processus politique. Il en devient l'objectif, à terme.
"Est-ce que son départ doit être antérieur ou concomitant à un processus de négociation ? C'est un point qu'il faudra voir", a commenté, devant la presse, mercredi à Doha, Alain Juppé, le ministre français des affaires étrangères. "M.Kadhafi doit partir, mais nous ne devons pas attendre qu'il soit parti pour organiser les initiatives politiques libyennes", ajoutait-on à l'Elysée.
LE RÔLE DE MOUSSA KOUSSA
L'entrée en jeu de l'émissaire de l'ONU, Abdel Ilah Al-Khatib, vise à empêcher une multiplication des efforts de médiation – comme en ont récemment tenté la Grèce, la Turquie et l'Union africaine. Une telle dispersion ne pouvait en effet que profiter au colonel Kadhafi.
Mais qui prendra part à ce "dialogue" inter-libyen ? Le Conseil de Benghazi a gagné en légitimité, puisqu'un de ses représentants, Mahmoud Djibril, était invité formellement à la réunion de Doha. Mais seuls trois pays l'ont reconnu comme seul interlocuteur : la France, le Qatar et l'Italie. Sa reconnaissance doit encore s'élargir.
De nombreuses interrogations planaient sur la présence à Doha d'un des piliers du régime libyen, Moussa Koussa, chef des services secrets pendant quinze ans. Arrivé fin mars à Londres pour, semble-t-il, faire défection, Moussa Koussa a évité d'appeler au renversement de M.Kadhafi, se limitant à mettre en garde contre une "guerre civile" dans son pays.
Il n'a pas pris part à la réunion du "groupe de contact", à laquelle il n'était pas convié, mais semblait multiplier en marge les entretiens, dont rien n'a filtré.
Les insurgés excluent de parler à "ceux à Tripoli qui ont du sang sur les mains" et donc Moussa Koussa, dont le voyage à Doha, autorisé par les Britanniques, avait pour objectif d'encourager les défections dans l'entourage de M.Kadhafi, selon des diplomates.
Créer les conditions pour que des pans du régime se détournent de M.Kadhafi – ou pour que le Guide libyen lui-même jette l'éponge – reste un souci majeur. Cela pose notamment la question des garanties qui pourraient être offertes, dès lors que la justice internationale a été saisie.
Où M.Kadhafi pourrait-il se réfugier s'il devait quitter le pays ? Les rebelles craignent des négociations sans départ préalable du Guide."Serait-ce une paix, ou plutôt une reddition qui ne dirait pas son nom ?", mettent-ils en garde, dans un texte diffusé mardi. L'insurrection réclame des livraisons d'armes, un sujet qui a été délibérément écarté de l'ordre du jour de la réunion de Doha, pour préserver l'unité du "groupe de contact".
Natalie Nougayrède
1 Commentaires
Diop
En Avril, 2011 (10:45 AM)Participer à la Discussion