Depuis le lancement de l’offensive de Haftar il y a dix mois, la capitale est sous la menace d’un déluge de feu. Mais la vie continue, comme si de rien n’était… ou presque.
Mohamed et ses amis terminent leur partie de chkobba, jeu de cartes populaire au Maghreb. Confortablement installé à la terrasse du café, l’étudiant en finance tire sur sa chicha. Face à lui, place d’Algérie, une cathédrale à l’architecture particulière, datant de l’époque coloniale italienne mais reconvertie en mosquée.
« On vient tous les jours ici avant d’aller à l’université. Les combats se déroulent encore loin du centre-ville, explique Mohamed. De toute façon, je ne m’imagine pas quitter Tripoli. » Pas de bravoure particulière dans son propos?: depuis le 4 avril et le début de l’offensive de Khalifa Haftar sur la capitale, les affrontements au sol se déroulent relativement loin du cœur de la ville, à environ 15 km au sud-est.
Régulièrement, les habitants entendent les bruits sourds de l’artillerie lourde. Aucune panique ne les gagne, malgré les panaches de fumée qui s’ensuivent. C’est leur troisième guerre en dix ans, après la révolution de 2011 et la première bataille de Tripoli en 2014, qui a débouché sur la scission de facto du pays en deux camps, aujourd’hui représentés par le Gouvernement d’entente nationale (GNA), de Fayez al-Sarraj, basé à l’Ouest et reconnu par la communauté internationale, et l’autorité de l’Est, dominée par la figure du maréchal Khalifa Haftar. Contrairement à Benghazi ou À Syrte, Tripoli s’en est toujours sortie sans trop de dégâts.
Pour prendre la capitale, l’ANL n’aurait que 2?000 hommes, plus quelque 350 mercenaires russes et 800 supplétifs soudanais
Après avoir échoué à remporter une victoire rapide, comptant sur l’effet de surprise et la division entre les milices qui assurent la sécurité de Tripoli, l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) de Haftar a tenté d’imposer un siège de la ville. En vain.
Selon Jalel Harchaoui, chercheur à l’institut Clingendael de La Haye, l’ANL n’aurait que 2?000 hommes pour prendre la capitale, auxquels s’ajouteraient moins de 350 mercenaires russes et quelque 800 supplétifs soudanais. Résultat, les deux principales lignes d’approvisionnement de Tripoli sont toujours ouvertes?: la voie maritime vers l’Europe et la Turquie notamment?; et la route avec la ville industrielle de Misrata, à 200 km à l’est.
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