Les députés marocains ont observé lundi 8 février une minute de silence à la mémoire des « martyrs de l’économie informelle », après la mort d’au moins 24 personnes dans l’inondation d’un atelier clandestin de textile à Tanger, dans le nord du Maroc.
Les employés de cet atelier installé au sous-sol d’une maison, dans un quartier résidentiel de la ville portuaire, ont été piégés lundi matin par les eaux (conséquence des pluies torrentielles qui se sont abattues sur la ville), selon l’agence officielle MAP, citant les autorités locales. Les secouristes avaient lundi en début d’après-midi récupéré vingt-quatre corps ainsi que dix survivants, qui ont été conduits à l’hôpital, a-t-elle précisé. Certains médias locaux ont fait état d’un problème d’électrocution, mais cette information n’a pas été confirmée par les autorités.
Enquête judiciaire ouverte
Une enquête judiciaire a été ouverte « pour élucider les circonstances » du drame et « déterminer [à qui en incombe la] responsabilité », selon la MAP. Le propriétaire de l’atelier, qui fait partie des survivants hospitalisés, « sera entendu dès que son état le permettra », a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) une source travaillant au sein de la police.
« Comment des dizaines de travailleurs et de travailleuses ont-ils pu entrer pendant des années dans le garage d’un bâtiment résidentiel (…) sans que les autorités locales ne s’en aperçoivent », s’interroge l’Observatoire du nord des droits humains, une ONG locale, dans un communiqué.
Plus de la moitié (54 %) de la production du secteur « textile et cuir » du Maroc provient d’unités « informelles », incluant des structures de production « ne répondant pas aux normes légales », selon une étude publiée en 2018 par la Confédération patronale marocaine (CGEM).
Les présidents des différents groupes parlementaires ont d’ailleurs dénoncé lundi après-midi « l’existence de ces unités clandestines » tout en appelant à une enquête « complète » pour « établir toutes les responsabilités » du drame de Tanger.
L’économie informelle représentait au total plus de 20 % du PIB du Maroc hors secteur primaire en 2014, soit environ 170 milliards de dirhams (environ 15 millions d’euros), le textile générant 11 % de ce volume, selon l’étude de la CGEM.
Environ 2 000 décès sont liés chaque année à des accidents de travail, « soit l’un des chiffres les plus élevés » de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), selon des données présentées lors d’une récente table ronde sur la sécurité au travail organisée par le Conseil économique, social et environnemental du Maroc (CESE).
Pluies violentes
Le Maroc a connu ces dernières semaines des pluies violentes, après une longue période de sécheresse. Début janvier, les intempéries avaient entraîné des effondrements de maisons vétustes à Casablanca, faisant au moins quatre morts et plusieurs blessés, selon les médias locaux. Souvent liées, à la campagne, à un phénomène de crues subites de rivières asséchées, et en ville à un déficit du système d’évacuation des eaux, les inondations font régulièrement des victimes au Maroc. C’est « le premier risque en termes de personnes tuées au niveau national », selon un rapport consacré aux risques climatiques publié en 2016 par l’Institut royal des études stratégiques (IRES).
En septembre 2019, la crue d’un oued avait emporté 24 passagers d’un bus dans la région d’Errachidia (sud-est). Quelques jours plus tôt, la montée brutale des eaux sur un terrain de football avait fait sept morts dans la région de Tizert (sud-ouest). En 2014, des inondations liées à des pluies torrentielles avaient fait une cinquantaine de morts et des dégâts considérables dans le sud.
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