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Afrique

Noël Le Graët: «Ce match France-Cameroun était une priorité»

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Noël Le Graët lors de l'ouverture de l'assemblée fédérale de la Fédération française de football le 28 mai 2016 à Tours.

Les Bleus vont affronter une sélection africaine pour la septième fois seulement en dix ans, avec le match France-Cameroun prévu ce 30 mai à Nantes. Le président de la Fédération française (FFF), Noël Le Graët, personnage influent du foot français, revient à cette occasion sur les relations avec l'Afrique.

RFI : Noël Le Graët, les matches entre l’équipe de France de football et les sélections africaines sont rares. Le dernier remonte à la Coupe du monde 2014, face au Nigeria. Pourquoi avoir organisé cette rencontre face à une équipe africaine maintenant, qui plus est juste avant un Championnat d’Europe ?

Noël Le Graët : Les dates de l’Uefa [la Confédération européenne de foot, Ndlr] et celles de laCoupe d’Afrique des nations ne sont pas toujours compatibles pour organiser des matches amicaux comme celui-ci.

Là, il y avait un créneau de libre, avec deux matches de préparation de l’équipe de France. J’étais en contact permanent avec des pays comme le Cameroun. Les Camerounais se sont trouvés disponibles, avec la même envie que nous. Pour nous, ce match était une priorité. Je voulais une nation africaine à Nantes.

Noël Le Graët est le président de la Fédération française de football depuis juin 2011. De 1991 à 2000, il a également été président de la Ligue nationale de football. Originaire de Bretagne, il a une longue expérience dans le monde du football puisqu'il a été président du club de l'En Avant Guingamp de 1972 à 1991 et de 2002 à 2011. Personnage incontournable du foot français, Noël le Graët est aussi une figure politique en Bretagne et plus particulièrement à Guingamp, une ville dont il a été le maire de 1995 à 2008 sous l'étiquette du Parti socialiste.

En 2018, la Ligue des Nations va voir le jour. Cette nouvelle compétition européenne va accaparer une bonne partie du calendrier de l’équipe de France. Les Bleus joueront donc très rarement contre des équipes d’autres continents. Cela veut-il dire qu’on ne verra plus de matches amicaux comme ce France-Cameroun ?

Non, on ne peut pas dire ça. Il restera encore deux matches de disponible chaque saison. Après, les calendriers africain et européen doivent peut-être être mieux étudiés. Car on a un intérêt commun à se rencontrer.
 
Le football africain progresse et dispose de très belles équipes. Et puis, on entretient des relations permanentes avec les joueurs africains dans nos clubs. Il y en a beaucoup dans nos championnats de première et deuxième division.

Ne pas aller jouer en Afrique est un crève-cœur. J’ai envie d’y aller depuis longtemps. Mais c’est presqu’impossible de trouver des dates qui sont conformes aux contrats des footballeurs professionnels et de partir deux ou trois semaines en équipe nationale. […]

Cela veut-il dire qu’on n’est pas prêt de voir le premier match de l’équipe de France en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ?

Je n’ai pas dit ça. J’ai toujours souhaité qu’on trouve une date. Mais en-dehors des compétitions officielles comme l’Euro 2016, les joueurs ne sont à la disposition de leur équipe nationale que quelques jours seulement. Il reste donc peu de temps pour organiser un match amical.

Un déplacement est toujours possible. Mais à condition qu’une équipe africaine soit également disponible. Or, on constate que les calendriers ne sont pas harmonisés.

Les équipes du Brésil et du Portugal ont joué au Gabon, ces dernières années. Celle d’Espagne a disputé une rencontre en Guinée équatoriale. Il est donc possible d’organiser un match en Afrique…

C’est mon souhait. C’est tout à fait possible. On a reçu plusieurs fois des équipes africaines mais on ne s’est pas souvent déplacé. [...] On est allé en stage en Afrique du Nord plusieurs fois, notamment en Tunisie avant la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. On a joué au Maroc.

J’ai toujours souhaité jouer en Algérie. J’aurais bien aimé y aller avant la fin de mon mandat. Mais c’est compliqué. Tout cela n’a en tout cas rien à avoir avec une histoire d’envie.

L’équipe de France devait initialement affronter la Côte d’Ivoire, ce 30 mai. Pourquoi avoir choisi le Cameroun comme adversaire de substitution ?

Substitution, on ne peut pas dire ça ! Le Cameroun a une carte de visite extrêmement intéressante. C’est une grande nation de football. Ça va donner lieu, je l’espère, à un match équilibré. Ce ne sera pas une rencontre facile, j’en suis persuadé.

Le Cameroun joue bien et a des individualités très fortes. Les Camerounais ont sûrement une réelle envie de gagner, car nos rencontres sont rares.

C’est le premier match entre la France et le Cameroun depuis 2003. Cette rencontre, lors de la Coupe des Confédérations, avaient été pleine d’émotion, suite au décès de Marc-Vivien Foé, à Lyon. Quel souvenir gardez-vous de ce drame ?

Je m’en souviens bien. C’était un joueur de grande estime. Un autre Camerounais, Patrick Ekeng, est décédé récemment. L’équipe du Cameroun compte manifester son émotion[avant le coup d’envoi, Ndlr]. Ce que la France a bien entendu accepté.

Chaque année RFI et France 24 récompensent le meilleur joueur africain de Ligue 1 avec lePrix Marc-Vivien Foé. Le football français serait-il le même sans tous ces footballeurs africains ?

Non, car l’Afrique a apporté son côté technique, sa joie de vivre, son côté « bon joueur naturellement ». Le nombre d’Africains évoluant dans nos clubs est impressionnant. Dans beaucoup de cas, ils sont les meilleurs. Ils s’adaptent facilement, avec une intégration rapide, due à la forte estime que la population leur porte.

Rares sont en revanche les entraîneurs africains à entraîner au plus haut-niveau, en France. N’est-ce pas un peu contradictoire ?

Il faut aussi qu’ils passent leurs diplômes d’entraîneur. On en a poussé quelques-uns à passer leurs diplômes mais il y a peu de diplômés, très très peu. On pourrait en avoir beaucoup plus. En fin de carrière, les bons joueurs africains ne se tournent pas forcément vers ce métier. La Direction technique nationale (DTN) reste tout à fait ouverte mais il n’y a pas beaucoup de candidats.

Florent Ibengue, le sélectionneur de la RD Congo, nous expliquait qu’on ne lui proposerait pas mieux qu’une équipe de quatrième division, en France. Qu’en pensez-vous ?

Ça dépend de l’offre de poste et de la demande. Les postes sont rares. Regardez en première division : on annonce chaque année plein de changements sur les bancs de touche, mais il y en a finalement assez peu de disponibles. En deuxième division, c’est la même chose. Trois ou quatre postes par an se libèrent.

Quels qualificatifs utiliseriez-vous au sujet des relations entre le football français et le football africain ?

Je pense qu’il y a beaucoup d’estime et d’amitié lorsqu’on se rencontre. J’ai vu récemment des dirigeants de la Confédération africaine (CAF) et des présidents de fédérations africaines, lors d’une réunion de la Fifa au Mexique. On a évoqué le fait de lancer l’équivalent d’une association des pays francophones. Cette idée commence à faire son chemin. On va surement la développer après l’Euro 2016, lorsqu’on aura davantage de temps. […]

En attendant, notre centre à Clairefontaine est ouvert. On est prêt à signer des conventions avec qui le souhaite. Ça devrait se faire tout au long de l’année 2017.

Les clubs français se plaignent souvent dans la tenue de la Coupe d’Afrique des nations en janvier/février. Cela a-t-il un impact sur les relations entre la FFF et la CAF ?

Non, elles sont très bonnes. Harmoniser le calendrier est toujours mieux, évidemment. Mais lorsque les dirigeants français font signer un joueur africain, ils savent très bien que la CAN existe. Ce serait préférable que toutes les compétitions aient lieu aux mêmes dates. Mais on ne peut pas dire que le mois d’août soit idéal pour jouer au football en Afrique…

On ne peut pas tout bouleverser. Il faut peut-être essayer de voir si on peut avancer un petit peu les choses en fonction des trêves hivernales. […]

En 2011, l’ancien défenseur des Bleus, Marcel Desailly, avait été nommé ambassadeur de la FFF en Afrique. Sa mission est-elle toujours en cours ?

Non, sa mission a été arrêtée. Marcel est un bon copain, mais il a beaucoup d’activités. Il est très attiré par le football anglais et les médias britanniques lui ont fait des propositions intéressantes.

Sa disponibilité n’était donc pas à l’image de ce que j’attendais. Je pense qu’on va donc commencer par développer un système administratif avec la signature de conventions avec qui veut. […]

De plus en plus de jeunes Français ou binationaux choisissent de porter les couleurs d’une équipe nationale A africaine. Vivez-vous cette situation sereinement ?

A titre personnel, oui ! J’ai toujours dit que les binationaux faisaient partie de notre culture. La France est une exception culturelle. On ne peut pas exclure que certains garçons qui se sentent barrés en équipe de France A n’aient pas gardé un petit côté cœur pour leur pays d’origine ou celui de leurs parents.

Je ne suis pas choqué. Je préfère un joueur qui défend une équipe nationale. C’est un progrès. Beaucoup de joueurs de première et deuxième division n’auraient jamais joué en sélection s’ils n’avaient pas pris cette décision.

Vous avez récemment évoqué la problématique du racisme dans le dossier Karim Benzema. Vous avez parlé de « wagon de lettres racistes » reçues par la FFF. Y voyez-vous le symptôme d’une montée du racisme dans la société française ?

Lors de certains événements, comme celui avec Benzema, lorsqu’on reçoit des courriers, il est facile de deviner leur origine. Ce n’est pas forcément du racisme.

Par contre, lorsque je regarde nos stades, je me dis que la France est quand même un beau pays. Des actes de racisme, il y en a. Je ne pourrais pas vous dire qu’il n’y en a pas. Mais je pense que les joueurs africains sont plutôt bien vus et même très bien vus. Ils sont peut-être parfois mieux vus que le petit gars du coin.

Le football rassemble. On a toujours cette volonté de réunir les gens. Il y aura toujours des excès. Les hommes sont ce qu’ils sont. Mais je n’ai pas l’impression que ce soit pire qu’avant. Il y a des actions plus fortes qu’avant.

Vous évoluez dans le monde du football depuis plus de quarante ans. Y a-t-il un joueur africain qui vous a particulièrement marqué au cours de votre carrière ?

Il y en a eu beaucoup ! J’ai démarré ma carrière dans les années 1970, en tant que  président du club de Guingamp. A cette époque, il y avait un joueur merveilleux à Rennes, Laurent Pokou. Phénoménal, énorme joueur ! Technique, bon de la tête, élégant. C’était le héros breton. On parle encore de Pokou. Et puis il y a aussi au Salif Keita, un type d’une élégance exceptionnelle. Bref de beaux footballeurs, qui gardaient la balle dans les pieds, marquaient des buts et déchainaient les foules.



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