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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

A mon seigneur et ami

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A mon seigneur et ami

Monsieur le président,


« Le mensonge et la crédulité s’accouplent,
et engendrent l’opinion »
Paul VALERY


Il est arrivé rarement, ces 7 dernières années, qu’une mesure rende pareil bonheur à vos sujets. Vous avez « décidé » de baisser le prix du riz de « 10% ». J’ai, dois-je avouer, cédé au lyrisme ambiant qui l’a accompagné. Je me suis dit que pour une fois, le souverain remplit sa fonction, son cœur bat au même rythme que celui de son peuple. Un grand moment d’exaltation, alors qu’une grogne sourde et une vague de scepticisme s’emparent du pays, portées par les professionnels du dénigrement. Je ne vous aurais pas dérangé de votre sommeil, croyez-moi, si ce n’était pour vous féliciter de cette opération de secours en Sénégal land. Vous avez, encore une fois, avec le génie qui vous est propre, enlevé un discours de campagne à votre opposition malveillante. L’opération Restore Hope menée par votre camaïeu Aguibou Soumaré a tourné 48 heures après au désastre. Vous avez largué la baisse en parachute, avant de lâcher la grosse bombe sur nos têtes : une augmentation du prix de l’huile, contre laquelle, si j’ai bien compris, vous ne pouvez rien. Ce sont les marchés internationaux votre nouvelle ligne de défense. Ce sont eux qui font que nous vendons en moyenne 50% plus cher que l’ensemble de la sous-région l’essentiel de nos produits de consommation courante.
J’ai su, par la suite, que vous avez approché les responsables du groupe Sunu or, pour leur demander de financer votre campagne agricole, à hauteur de 11 milliards, parce qu’il n’y a pas de cash dans les caisses. Face à votre insistance, ils ont dit oui, à la condition d’augmenter le prix de l’huile. Et vous avez donné votre feu vert. Je me suis dit ah mais quel culot ! Vous ouvrez votre cœur le jeudi, et vous le refermez le lundi, comme un mollusque. Socialiste un jour, libéral le lendemain comme s’il ne s’agissait pas de vous.
Ne vous en faites pas, je ne vais pas vous accabler pour ça. Je ne veux pas être plus royaliste que le roi. Le peuple, votre peuple, a accueilli avec une bienveillance unanime ce nouveau coup de couteau. Il a mis en accusation le marché mondial, après vous, libéral apostasié. Vous devez avoir avec ce peuple et son intelligentsia des affinités morales très profondes, pour vous entendre si bien. Il vous aime, monsieur le président. Il s’est déjà mis à aimer le prince héritier, et à s’attrister que la princesse Karine, invisible à l’œil nu, mère de deux jouvencelles, ne portât pas en son sein un futur souverain.

Non, ne vous en faites pas, je ne vais pas vous rappeler notre misérable condition. Vous ne vivez pas les misères du moment, votre famille mange à sa faim, et votre conscience, monsieur le président, n’en serait que peu affectée.
J’ai découvert, monsieur le président, que vous êtes, vous Abdoulaye Wade, avec Ousmane Diop et Abdoulaye Diop, les trois actionnaires de la société Prestige, partenaire stratégique de l’Etat, dans le cadre de la construction du nouvel aéroport de Diass. Je me suis toujours demandé pourquoi l’Etat assurait à des privés plusieurs milliards de bénéfices, sur plusieurs dizaines d’années, pour un capital de 100 millions qu’il était quand même capable de trouver. Excusez mon ignorance, mais je rappelle quand même que cet aéroport est financé par des redevances aéroportuaires logées dans un compte séquestre. Vous allez déposséder l’aéroport de Yoff de ses fonds, pour en construire un autre à Diass, et assurer les finances familiales sur plusieurs générations. Bientôt, des paysans seront déguerpis, pour laisser votre empire s’agrandir, au nom de l’intérêt public, la seule chose qui vous motive.
Vous avez, sous ce prétexte, saucissonné tout Dakar et mis en sandwich le pays. Mais quel appétit aveuglant, monsieur le président.
Il m’est venu à l’esprit que vous avez, dans votre déclaration de patrimoine, annoncé un terrain aux Almadies, qui vous aurait été attribué en 2001 en « compensation » d’un terrain que l’Etat vous aurait pris en… 1977. Vous vous êtes donc fait justice, sans autre forme de procès. Le propriétaire de l’espace qui vous sépare de la mer, Cheikh Amar, a subi les assauts de votre conseiller foncier, Madické Niang. Vous avez coupé son terrain en deux, et vous vous préparez à l’exproprier, pour « intérêt public ». Vous ne voulez personne entre vous et la mer!
Monsieur le président, il y a quelques mois, le ministère des Transports a voulu implanter à Tp Som, un grand site écologique, d’un coût d’un milliard, sur financement de l’Union européenne. Eh bien, les autorités du ministère ont appris que le terrain, sitôt abandonné, a été attribué à votre épouse, Viviane, et à votre ancien architecte-conseiller.
Le brigandage immobilier et foncier auquel vous vous livrez n’épargne aucun coin de Dakar. Vous avancez toujours, le casque au ras des sourcils, à la recherche d’un « trou ». Vous avez même installé à la présidence de la République, une commission chargée de trouver les « trous ». Je me suis rappelé d’un rongeur que Senghor vous a collé comme un sobriquet ravageur, et qui vous suit toujours. Vous vous apprêtez à brader l’hôtel Méridien Président, cadeau du roi d’Arabie Saoudite au peuple Sénégalais. Votre ministre des Finances vous a bien dit, malgré l’insistance de votre fils, que cet hôtel ne peut être vendu qu’avec l’aval du trône d’Arabie, donateur de ce cadeau. Mais vous avez décidé de passer outre, vous allez le céder à un milliardaire arabe, comme vous allez bientôt brader l’hôpital le Dantec.
Ce brigandage est indigne de vous, et n’honore en rien votre fonction, monsieur le président.
C’est encore plus grave, quand votre désinvolture seigneuriale vous pousse directement à ces manigances subalternes. Il y a quelques mois, vous avez exproprié Yacine Diouf, une des filles de l’ancien président de la République. Abdou Diouf n’a certes pas été en tout exemplaire. Mais exproprier sa fille pour vous accaparer de son terrain est proprement honteux. Sur le nouvel enregistrement de ce terrain réattribué à l’Etat, il y a votre nom, monsieur le président. Il y a « Abdoulaye Wade », pour une expropriation d’intérêt public. Je me suis demandé ce qu’à votre âge, à moins de vous prendre pour un immortel, vous pouvez bien faire avec un terrain pris de force. Tous vos proches collaborateurs s’y sont mis d’ailleurs, quand vous avez indiqué le chemin. Tous ont trouvé « un trou » aux Almadies ou à Ngaparou. Un de vos petits fils garde du corps a provoqué une pénurie de marbre dans Dakar, rien que pour construire son château de Sendou, qu’il voulait « les pieds dans l’eau ».
Monsieur le président, nul ne vous demande de vous repentir. Mais changer, est-ce au dessus de vos moyens ? Nous avons vécu avec cet espoir que l’éloignement des soucis matériels vous ménagerait une hauteur intellectuelle, mais c’était mal vous connaitre. Changer est une épreuve hors de votre portée. 24 ans d’opposition et 7 années de pouvoir auraient pu vous permettre de vous tailler une réputation moins déplorable. Vous êtes finalement incapable de surprendre, monsieur le président. Trois années après votre arrivée au pouvoir, le 18 février 2003, alors que vous vantiez partout votre « business orientation », une étude du ministère des Finances, publiée dans votre journal Le Soleil, indiquait déjà la voie. On pouvait y lire, dans une étude commanditée par celui qui est devenu votre Premier ministre, Aguibou Soumaré, que « la productivité des sénégalais est revenue au niveau où elle était en 1960 ». L’étude poursuit qu’à ce rythme, il nous faudrait 471 ans, pour avoir le niveau de productivité actuel des Usa. Et que cette durée se réduirait à 102 ans, « si nous réalisions des taux de croissance de 10% par année ». Après trois années d’une croissance passée de 6 à 2%, de faillite industrielle et de crise énergétique, on s’imagine ce que cette productivité est devenue. Vous êtes décidément incapable de vous élever au-dessus de vous-même. Mais je sais, monsieur le président, qu’il y aura encore de courageux thuriféraires, pour défendre votre bilan catastrophique à la tête de ce pays. Vous vous croyez déjà au Mordor, avec sa sainteté. J’en ai eu un avant-goût, lors de votre passage à l’université de Saint-Louis. Vous y avez réclamé, vous qui proclamiez l’autosuffisance alimentaire par le manioc il y a quatre ans, l’implantation de la Fao et de la Banque mondiale au Sénégal. Sans doute pour mieux nous endetter, et agir plus vite en cas de famine. Encore une fois, vous n’accordez au Sénégal aucune place dans vos inondations verbales. Le prix de la viande monte en flèche, et les boulangers vont suivre. Vous avez laissé monter le prix de l’eau, du diesel, de la farine, de l’électricité, et, comble de la fumisterie, bloqué celui du pain. C’est rageusement impossible !
Je connais votre industrieux esprit, je sais qu’il ne chôme jamais. Quand cet édifice national que nous avons bâti à bout de bras partira en fumée, vous allez continuer la fête quand même. Vous serez dans la cave, en petite bande, avec le rouge et la fumette, divertis par le colonel Alfred. La mauvaise conscience ne vous habite jamais, monsieur le président. Elle s’est enfuie.



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