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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Attention au vole-sanction

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Attention au vole-sanction

« Il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre. »
H. de MONTERLANT

 

Le scénario était écrit depuis longtemps. Le président de la République transmettrait le pouvoir à son fils, un peu comme un forgeron au seuil d’une vie bien remplie, transmettrait la forge au plus âgé de la famille. Normal donc que les dernières élections de ce dernier quinquennat soient aussi le baptême de feu pour son fils-héritier. Abdoulaye Wade a bien choisi la date des locales : deux mois après le sommet de la Umma islamique, avec les investissements les plus lourds jamais consentis par l’Etat du Sénégal en un temps si court. Le visage de la capitale sénégalaise en serait transformé et la Mairie de Dakar, que Pape Diop se dit prêt à lui céder, servirait de rampe de lancement vers la station présidentielle. Tout a été bien écrit. Mais ce que personne n’a prévu, c’est le retard pris dans la réalisation des chantiers de l’Anoci et les problèmes de sécurité qui ont conduit les plus grands contributeurs arabes à sérieusement envisager son report et à douter de la capacité du Sénégal à organiser ce sommet. Le professeur voulait pour l’élève qui a « bien travaillé », des festivités princières. Mais au final, Karim Wade et ses ouailles comptent sur des chambres réquisitionnées et deux bateaux pour héberger leurs hôtes de marque. Est venue s’ajouter à ces problèmes de délai, la nébuleuse Al Qaeda. Autre coup dur qui rend centrale la question de la sécurité des participants au sommet. Au début du mois de janvier, 80 gendarmes et policiers sénégalais membres de la DIC, du GIGN et de la BIP sont allés en formation, pas dans les pays les plus connus dans leur lutte contre le terrorisme, mais en Jordanie. Le choix de ce pays, incompréhensible de premier abord, s’explique par la même volonté de « contenter les arabes ».  Mais au début du mois de février, malgré les assurances du ministre Cheikh Tidiane Gadio, le Sénégal le Sénégal a sollicité le concours de... la France. Mais la sécurité rapprochée sera confiée à une entreprise privée de sécurité basée à Londres, les unités d’intervention sénégalaises réduites à des tâches subalternes. C’est une autre claque administrée au chef de l’Etat et à son fils, puisque l’hébergement comme la sécurité seront assurés par des structures étrangères ou privée. Les organisateurs ont été jusqu’à confier la communication du sommet à l’ami de Karim Wade Richard Attias. Cette privatisation à outrance est une première dans l’histoire de ce sommet, mais c’est l’une des garanties offertes par le Sénégal pour rassurer les pays participants. Par tous les moyens, jusqu’à l’arrestation-libération des homosexuels, Wade aura fait montre de sa détermination à organiser ce sommet, dont l’échec serait autrement plus humiliante et désastreuse. Mais cet empressement cache mal un échec. L’arrière-cour du monde arabe qui quittera Dakar le 14 mars prochain laissera un pays avec ses trous béants et ses chantiers. Les plus optimistes pensent que « les chantiers de l’Anoci » ne prendront fin qu’en 2011, c'est-à-dire à l’organisation du sommet de l’OCI qui suivra celui de Dakar. Qu’aura donc Karim Wade à présenter aux populations de Dakar, aux lébous expropriés de leurs terres, pour mériter leurs suffrages ?
Tant qu’il taisait ses ambitions et faisait parler les seconds couteaux, Karim Wade pouvait s’épargner les attaques de ses adversaires dans son propre camp. Ce ne sera plus le cas quand, au lendemain du sommet de l’Oci, il déclarera ses ambitions « municipales » comme il entend le faire. C’est la délicatesse de l’exercice qui explique la frayeur des partisans du fils du président, déterminés à le placer à la Mairie de Dakar, avant de l’installer à la tête du pays. La difficulté pour le fils du président de la République n’est pas de faire l’unanimité sur sa personne au sein de son parti. Tout le monde, jusqu’à Idrissa Seck, en passant par Macky Sall, s’entend à accepter le choix imposé par le président de la République, pour des raisons de survie. Ce qui pose un problème réel au Pds, c’est plutôt les choix de Karim Wade quant à la direction de la Génération du concret, et donc du Pds. Ceux qui vitupèrent dans le Pds ne le font pas parce qu’ils considèrent le choix porté sur le fils du président de la République anti-démocratique. Ils le font parce que Karim Wade n’a pas porté son choix sur eux, ou a décidé de les combattre. Idrissa Seck se dit prêt à l’endosser, Macky Sall assure qu’il ne gênera pas, tant qu’on le laissera tranquille. Les « stratèges » libéraux sont persuadés qu’en réunissant Modou Diagne Fada, Idrissa Seck et Macky Sall sous un même toit, ils peuvent s’assurer plusieurs années au soleil. Mais comment réhabiliter Idrissa Seck sans sacrifier Macky Sall ou Ousmane Ngom ; comment assurer la tranquillité de Macky Sall sans fâcher Aminata Tall ?
Abdoulaye Wade a pensé régler cette question en présentant un parti sans chefferie. Mais les querelles sanglantes et les contestations de ces derniers jours sont la preuve que la doublure des structures du Pds par la Génération du concret n’a pas tenu. La réorganisation des instances du Pds s’est arrêtée au Troubadour Massaly, bombardé toute honte bue, « chargé des jeunes ». L’intégration de femmes « cadres » dans le gouvernement et la mise à l’écart de femmes comme Awa Diop, Aminata Tall ou Aïda Mbodj s’est révélée elle aussi un fiasco total. Mieux, plus d’une cinquantaine de députés victimes de la purge opposent une résistance farouche aux desseins du fils du président, tout en se réclamant du président.
Wade s’était mis à dos son opposition et son opinion, son entêtement l’a conduit à se mettre à dos son propre parti, désorienté par ses retournements successifs. Même les plus fidèles comme Doudou Wade, qui s’étaient engagés dans la liquidation de Macky Sall, jurent qu’ils ne se laisseront plus avoir par son jeu de yoyo. Or, de ce conflit, Wade est sorti plus que jamais affaibli. Tous au Pds sont convaincus qu’il ne tient plus les manettes et que le pouvoir pilote à vue. A trois mois des élections, il est presque impossible d’unifier un parti que le président de la République a lui-même contribué à diviser. Et parmi ceux qui aujourd’hui témoignent leur fidélité au clan, seuls Pape Diop et Oumar Sarr sont assurés de se faire réélire. Wade est plus que jamais seul, entouré de gens qui ne se sont jamais imaginés jouer les premiers rôles à la tête de ce pays. Mais ils doivent d’abord leurs positions à leur médiocrité. Quand ils sont très généreux, les partisans du chef de l’Etat voient en lui un chef de tribu. C’est à la sanction de son parti que Wade et son fils s’exposent, avant celle des populations. Et tous ceux qui vont à l’écoute des populations le lui disent, les Sénégalais sont mécontents. Quand Abdoulaye Wade est arrivé au pouvoir il y a 8 ans, il avait ordonné l’audit de nombreuses collectivités locales. Vente parallèle de tickets pour Mbackiou Faye à Grand-Dakar, marchés fictifs à Saint-Louis et Richard Toll, disparition de fonds de concours, 591 agents fictifs à Pikine... A défaut de sanctions, les populations s’attendaient à un changement d’hommes. Plus de 5 années après, ce sont les mêmes personnes qui, dans de nombreuses localités, vont briguer le suffrage de ceux qui les avaient combattus hier. Vont s’ajouter des visages bien connus, ceux d’Abdourahim Agne, Sada Ndiaye, Djibo Kâ. L’homme qui avait décidé de rompre avec la symbolique de la fonction présidentielle, en parlant directement aux populations est devenu introuvable. C’est à lui que les Sénégalais veulent demander, à trois semaines de son huitième anniversaire à la tête du Sénégal, ce qu’il a fait d’un avenir qui n’est jamais venu. Ces élections locales sont sans enjeu pour lui, mais elles seront ses élections, les dernières qu’il aura en tant que président. Le Pds craint le vote-sanction, l’opposition le vole-sanction. A juste raison. Pour l’honneur du président, pour l’avenir de son fils, le sang menace de couler à fléau.



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