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Chronique

[ Chronique ] Canons de Noël

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[ Chronique ] Canons de Noël

« La persévérance dans l’illusion béate
est la maladie héréditaire des pacifistes »
Jacques FAIZANT

 

Montesquieu avait une curieuse façon de railler la crédulité de ses contemporains. Dans les Lettres persanes, il vante les dons d’un charlatan capable d’enfermer des vents dans des outres. « Vous voulez être riches ? Imaginez-vous que je le suis beaucoup, et que vous l’êtes beaucoup aussi ; mettez-vous tous les matins à l’esprit que votre fortune a doublé pendant la nuit ; levez-vous ensuite ; et si vous avez des créanciers, allez les payer de ce que vous aurez imaginé, et dites-leur d’imaginer à leur tour ». Le libéral Abdoulaye Wade étend ce principe à sa pratique politique : « imaginez que vous avez des usines d’avions gros porteurs, des greniers remplis de céréales, et demandez à tout le monde d’imaginer la même chose ». La situation ainsi décrite dans les Lettres persanes avait causé une émeute qui a fait 17 morts. Prions pour que ça n’arrive pas, mais nous ne sommes pas loin d’une issue fatale du même genre. Les temps sont durs, chers lecteurs.
Du moins, ce que disent les « renseignements généraux ». Abdoulaye Wade ne prend pas pour argent comptant tout ce que radotent ces encagoulés de la Place Washington. Ils avaient prévu sa défaite au deuxième tour de la dernière présidentielle de 2007. Il s’est élu au premier tour. Ils avaient prévu une montée en puissance de Karim Wade. Il est tombé en impuissance. Mais cette fois-ci, leur prévision catastrophique donne la chair de poule. Ils envisagent, ces gens de la « DST », un embrasement total du pays entre janvier et février. Ca semble un peu surprenant, mais n’importe quel élève de CM2 aurait pu aboutir aux mêmes conclusions : l’Etat, à moins de renflouer les caisses du Trésor, n’a plus les moyens de payer ses fonctionnaires. Quand on y ajoute la menace qui pèse sur les entreprises du fait de la dette intérieure, on tombe sur ce scénario apocalyptique. Partout, des manifestations sont envisagées, dues à un mécontentement général de la population. Les imams de Guédiawaye ont déjà indiqué la voie, dans ce qui semble une première dans l’histoire du Sénégal. Là même où le petit charmeur de serpent, Hassan Bâ, promettait à son khalife une soumission molle et totale de la jeunesse des banlieues. Un jeune chômeur s’était désespérément jeté sur le cortège présidentiel pour corriger « le magicien ».
Abdoulaye Wade expérimente parfois ce mécontentement général par des cérémonies cruelles d’immolation par le feu. Il a décidé d’y remédier avec sa médication favorite, les promesses insensées. La méthode est d’une efficacité inouïe. A chaque fois qu’il s’engage dans ce genre de supercheries, c’est comme s’il administrait une dose de tranquillisants aux populations. Même ses plus farouches opposants se ramollissent.
Ce n’est plus le cas. Tout le monde admet que « trop c’est trop », et que « ça va exploser ». Les prévisions sont si alarmistes que l’ambassadeur de France, habitué aux scènes de famine apocalyptiques du temps de Médecins sans frontière, a alerté l’Elysée : si la France ne fait rien, le Sénégal risque de basculer dans l’horreur. Le pays est menacé de banqueroute. Les hôpitaux manquent de tout, parfois même de gants pour les interventions chirurgicales. Des milliers de bacheliers risquent de se retrouver dans la rue. Les recettes fiscales ont baissé de façon drastique ces derniers mois. Trois fois moins de recettes, selon les constats les plus optimistes. L’Etat a mis à genou des milliers d’entreprises et ce sont ces entreprises qui assuraient l’essentiel des recettes du Trésor. Tout le drame est là. Le pays « émergeant » s’endette à des taux usuraires pour payer ses dettes. Evidemment, c’est pour la dette échue. Entre 130 et 174 milliards, selon celui qui parle. Quand l’économiste Abdoulaye Wade parle, il est plus nuancé. C’est « entre ». Quand c’est Abdoulaye Diop, finie la langue de bois. C’est « carrément » 174 milliards. Reste la totalité de la dette due, qui avoisinerait les 300 milliards selon le patronat. C’est ce qui nous donne une Tabaski avec cette mine d’enfant battu. Le président de la République s’adresse à la Uma islamique au lieu de s’adresser aux sénégalais, son imam prie pour le président des Etats-Unis au lieu de prier pour son président, qui en a pourtant plus besoin. Nous n’avons plus droit à des messages présidentiels, encore mois les appels à l’unité. Un spécialiste de la morosité présidentielle, à qui j’ai posé la question sur les raisons de cette mine malheureuse du chef de l’Etat, m’a fait savoir qu’il a commencé à payer « sa dette intérieure ». Il est en audience intime avec lui-même, voulait-il dire.

Abdoulaye Wade disait lors du dernier Conseil présidentiel sur l’investissement, que le Sénégal avait les moyens de payer sa dette intérieure. C’est faux, puisque nous sommes obligés de recourir à un prêt de la France, soumis aux conditionnalités du FMI. Si les banques ne veulent nous prêter qu’à des taux « usuraires », c’est parce que nous ne valons plus rien. Un pays qui n’arrive pas à faire face à sa dette intérieure ne peut pas faire face à sa dette extérieure. C’est le raisonnement très logique de tous les bailleurs de fonds et institutions financières qui observent la situation du Sénégal avec une inquiétude mêlée de surprise. Pour faire face à cette situation, la France va nous accorder un « prêt » de 82 milliards. Jean « catastrophe » Rufin le fait pour des raisons évidentes de stabilité politique. Mais en sauvant le régime d’Abdoulaye Wade d’une fronde généralisée, il sacrifie les générations à venir, qui devront payer cette dette due à la France. C’est dans la logique du médecin, celle qu’il décrit bien dans Globalia : la sécurité d’abord, la liberté ensuite. Quand les émeutes ont éclaté suite à l’élimination des Lions, il avait aussi volé au secours du régime de Wade, en lui octroyant une aide d’urgence de 20 milliards pour l’achat de combustible. Le courant est revenu dans la banlieue, mais nous avons étouffé un mouvement de révolte qui aurait peut-être été utile au pays. Après plus d’une année de présence au Sénégal, l’ambassadeur français n’ignore pas que c’est l’absurdité radicale d’Abdoulaye Wade qui nous a menés à cette situation catastrophique.
Nous avons un président qui veut mener une vie de riche à la tête d’un pays pauvre. La flotte familiale compte trois avions luxueux, pendant que le pays entier croupit dans la misère. On espérait de la France qu’elle rappelle au moins certains principes de bonne gouvernance. Quand la crise est intervenue au milieu des années 90, Abdou Diouf avait fermé de nombreuses représentations diplomatiques et baissé les salaires des membres de son gouvernement. Abdoulaye Wade les augmente. Le nombre de représentations diplomatiques est passé de 29 en 2000 à 63 en 2008. Les salaires des ministres et des députés ont plus que doublé, comparés à leur niveau d’il y a dix ans. Il menace ses ministres de représailles, alors que depuis huit ans, il racle les fonds des ministères pour se soumettre à sa soif de grandeur universelle. Toute cette histoire de dépassements budgétaires est la conséquence de la gabegie orchestrée pour l’organisation du sommet de l’Oci. Des fonds ont été tirés des ministères pour alimenter les comptes de l’Anoci. Abdoulaye Diop a dit souhaiter que ces ministères soient audités pour situer les responsabilités, mais il sait qu’il ne l’obtiendra pas. Ce serait auditer l’Anoci de Karim Wade. Ils ont fait exactement ce qu’ils reprochaient à Idrissa Seck, en pire. Même les chantiers de Fatick, engagés pour donner un petit souffle à la ville en déclin ont été abandonnés pour financer les travaux de Karim Wade.
Nous lui aurions pardonné tout ceci s’il n’avait pas ajouté à son échec monumental, une arrogance à toute épreuve. Le bilan est si médiocre que plus personne ne veut l’assumer. Même la Génération du concret parle de changement, figurez-vous !
Un internaute a magistralement démontré, avec des indications à l’appui, ce que j’ai toujours soutenu dans ces colonnes. Abdoulaye Wade a beau s’abaisser pour élever son fils, Karim Wade ne vaut pas mieux que son père. Il a été moulé dans cette même vieille cimenterie familiale. Son père en a fait le sénégalais le plus connu, mais c’est le sénégalais dont on connait le moins de choses. A part quelques phrases creuses du genre « le travail est mon idéologie », c’est que de la poussière et du vent. Son Cv est d’ailleurs aussi mystérieux que le personnage. Ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est qu’il est allé très tôt à l’école, mais il a fait une maîtrise en économie à un âge aussi tardif que son père, à 28 ans. C’est pourquoi quand il s’est agi de rédiger son mémoire, qui lui a permis l’obtention de son diplôme, il s’est contenté de celui de sa sœur Sindiely.
SJD

 



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