Il fut un temps pas si lointain où l’espace public sénégalais, même dans la fièvre des débats politiques, restait un lieu où la décence et le respect des figures parentales formaient une ligne infranchissable. Mais aujourd’hui, ce mur semble avoir cédé sous les coups de boutoir d’une génération débridée, emportée par l’illusion des réseaux sociaux et par une logique du clash permanent.
C’est ainsi qu’on a vu des individus s’en prendre non seulement à des figures publiques, mais jusque dans la mémoire des disparus. Le dernier exemple en date : les attaques ignobles dirigées contre le père du journaliste Pape Ngagne Ndiaye, une figure respectée, homme de culture, héritier des vertus ancestrales de notre peuple. Cette attaque n’est pas qu’une insulte personnelle. C’est une offense collective, un crachat au visage du Sénégal profond.
Nous ne parlons pas ici d’un simple dérapage verbal. Nous sommes face à une tendance lourde, où la parole publique, surtout sur les plateformes numériques, se fait complice d’un naufrage moral généralisé. Là où le débat devrait élever, instruire, éclairer, certains préfèrent souiller, invectiver, salir. Et le pire, c’est que cette dérive devient pour beaucoup un mode d’expression « libérateur », un exutoire à leur propre vacuité intellectuelle.
Les Sénégalais doivent le savoir : l’insulte n’a jamais été une voie vers la reconnaissance sociale ou politique. Jamais l’injure n’a bâti une carrière. Jamais le mépris des morts n’a honoré un débatteur. Ce n’est pas en traînant les figures respectées dans la boue qu’on conquiert la moindre parcelle d’estime ou d’influence. Bien au contraire, ce jeu dangereux ne fait que révéler le vide abyssal de ceux qui s’y adonnent.
Il faut avoir perdu tout sens de l’éthique et de l’éducation pour s’imaginer que s’attaquer à un homme âgé, à un père de famille, soit un acte de courage politique. C’est au contraire le summum de l'absurdité et du déshonneur. Ceux qui osent aujourd’hui salir des figures paternelles comme celle du père de Pape Ngagne Ndiaye montrent à quel point la déchéance morale a pris le pas sur la raison.
Le Sénégal est un peuple de respect, de valeurs, d’hommage aux anciens. Nos traditions, nos croyances, notre culture, toutes s’accordent sur une vérité : les morts se respectent, les anciens se vénèrent, les familles se préservent. Que des énergumènes puissent aujourd’hui se sentir autorisés à piétiner ces fondations en dit long sur l’état inquiétant de notre espace politique et médiatique.
Faut-il le rappeler encore ? La politique n’est pas un champ de bataille où tous les coups sont permis. C’est un espace d’idées, de propositions, de confrontation civilisée. Ceux qui s’égarent dans la haine verbale trahissent la noble mission de la parole publique et se condamnent à leur propre insignifiance.
Notre société doit refuser ce naufrage. Les familles, les écoles, les leaders d’opinion ont le devoir de remettre à l’honneur les valeurs qui ont fait la grandeur du Sénégal. Oui, le débat d’idées est nécessaire. Oui, la critique est légitime. Mais non, l’insulte gratuite, la diffamation, le déshonneur des morts ne doivent plus trouver aucune complaisance.
L’espace public n’a pas à devenir une fosse d’aisance pour esprits désœuvrés. Il est temps que la parole retrouve sa noblesse. Et que ceux qui croient que le clash est un destin réalisent, avant qu’il ne soit trop tard, qu’on ne construit rien sur le mépris des morts.
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