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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Le pape et le papier

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Le pape et le papier

« Il nous reste à examiner comment
l’homme tyrannique naît de l’homme démocratique »
Platon

 

Nous avons laissé Abdoulaye Wade juger seul de ses capacités à gouverner, et nous irons avec lui à la catastrophe. Il faut être fait d’une étoffe rare, pour déclarer avec autant de liberté, qu’on peut « contrôler la presse sans qu’on n’ait rien à redire ». Au nom du même principe qui le rend irresponsable de ses actes, ne vous y trompez pas, le président de la République croit que tout lui est permis. Museler la presse est ce qu’il a toujours tenté de faire. Il a mis plus de journalistes en prison que Diouf et Senghor réunis. C’est depuis 7 ans que des journalistes, des directeurs de publication ont été envoyés en prison, avant d’être jugés, comme si la justice avait peur de les voir s’échapper. Les affaires judiciaires se réglaient au civil. C’est sous Wade qu’elles ont pris une tournure pénale, avec des séjours répétés à Rebeuss pour « offense au chef de l’Etat ». Nous n’avons jamais vu la machine étatique servir autant la cause de quelques hommes, pendant que sa presse à canon tirait sur tout le monde, au point de faire des dommages collatéraux dans ses propres rangs.
Ces prétentions sont aussi vieilles que l’opposant. C’est quand même quand il était dans le gouvernement de cohabitation, sous Diouf, que Wade a ordonné l’incinération de dizaines de milliers d’exemplaires de Sopi, en expliquant, comble du culot, qu’on « ne critique pas un gouvernement dans lequel je suis ». Il est le même qui a illégalement bloqué la subvention à la presse, votée par l’Assemblée nationale, sous le prétexte qu’il ne donne pas son argent à des journalistes qui l’insultent. Quand la question des fréquences télé a été posée, il a tranquillement expliqué qu’il ne peut pas les donner à des journalistes qui passent leur temps à l’insulter. Pendant ce temps, les fonds politiques de la présidence de la République payaient à sa presse à canon un groupe électrogène à 20 millions de francs, alors que le reste de la presse nationale subissait les conséquences économiques des délestages. Les journaux et les radios qu’il a créés avec les 300 millions de francs des pauvres contribuables ont eux la licence d’insulter tout le monde, sans tomber sous le coup de la diffamation. Quand un de ses journalistes-soldats a écrit d’un ancien Premier ministre qu’il a été aperçu la nuit en train de se payer du viagra, il l’a appelé le lendemain pour en rire et le féliciter. C’est cet homme qui appelle à ne pas « blesser le Sénégal ». Parce que pour lui, le Sénégal, c’est lui, et l’argent du Sénégal, c’est son argent. Tout ce qui ne répond pas Wade peut être traîné dans boue et insulté à longueur de colonnes sans écorner l’image du Sénégal ! Pour être une presse libre, il ne faut parler ni de son régime, ni de sa famille, ni de son gouvernement, ni des délibérations du Conseil des ministres, ni de ses proches, ni de ses voyages, ni de ses excès, ni de ses spectacles, ni de ses disparitions. Ne sont pour lui dignes de sa machine à billets que les torchons qu’il a créés pour calomnier les fils de la république qui osent s’opposer à lui.

Wade n’a jamais voulu des journaux. Il a toujours pensé qu’ils étaient des organes de propagande à sa solde. La distribution d’ordinateurs aux « correspondants régionaux » est une fumisterie. Ils appartiennent à des organes de presse, et parmi eux, Bacar Dia a bien fait son choix. Mais là aussi, de monter une presse contre une autre. C’est aussi une façon de leur dire « vos employeurs ne font pas pour vous. Nous, nous faisons pour vous ». C’est un laborantin, avec un stéthoscope, qui diagnostique les journalistes, pour dire qui est malade, qui ne l’est pas. Si les correspondants l’avaient suivi, ils auraient attaqué leurs patrons dans leur discours de « remerciement ».
J’ai toujours prévenu les journalistes du danger qu’il y avait à laisser à un homme qui trouve toujours des arrangements avec la morale, le droit de dire le juste et l’injuste. Depuis 7 ans, il définit, avec ses propagandistes de petite semaine, ce qu’est un bon journaliste et un mauvais journaliste, une bonne presse et une mauvaise presse. Nous avons tellement embarqué dans son jeu, qu’il nous est venu l’idée de mettre en place un « ordre » des journalistes. Cet ordre qu’Abdoulaye Wade appelle de tous ses vœux, alors qu’il a lui-même travaillé au démantèlement et à la fragilisation de la presse. Pour moins qu’une liberté d’expression, il a envoyé ses acolytes tabasser un leader de parti, au point de l’obliger à abandonner la politique.
Si la presse se laisse aujourd’hui marcher sur les pieds, c’est qu’elle a accepté de se mettre au pas. Quand, il y a un an, Abdoulaye Wade a appelé des amis de son fils pour leur attribuer en toute illégalité une fréquence télé, nous avons été nombreux à nous indigner. Mais au lieu de combattre cette décision, certains responsables de presse se sont mis en rang pour aller chercher des « fréquences ». C’est cette façon pernicieuse d’aller chercher des cadeaux qui n’en sont pas, qui divise la presse, les journalistes, et fait le jeu d’Abdoulaye Wade. Depuis un an, il décide de tout, y compris des sujets qu’il faut aborder et qu’il ne faut pas aborder en conférence de presse, et nous disons oui. Il n’est jamais venu à l’idée de quelqu’un d’arrêter ce cirque.
Il va bientôt diviser cette grande presse entre les « cashés » et les « non cashés », comme il a réussi avec la classe maraboutique. Nous avons tous suivi sa passe d’armes avec Le Quotidien, quand il a « avoué » sa tentative de corruption. Quand nous nous sommes mis à défendre le journal Le Quotidien pour le principe, certains journaux s’étaient abstenus de le faire, en pensant qu’ils défendraient « un concurrent ».

C’est parce qu’Abdoulaye Wade n’est pas un justiciable, que le seul moyen de le contraindre est de le dénoncer au monde entier. Ses larmes de crocodile viennent de là. La communauté internationale a vu le despote qui se cachait derrière le démocrate qu’il prétendait être, et croyez-moi, ce n’est pas une petite affaire. Il croyait avoir pris tout le monde dans son jeu, il squatte maintenant les rencontres internationales comme un fugitif. Personne ne lui accorde crédit. Et malheureusement, c’est en ce moment que naît dans sa tête son projet farfelu de construire un palais présidentiel à Kébémer. C’est d’autant plus irréaliste qu’il vient de terminer la rénovation de ses maisons de Versailles et Niarry Tally, avec « son argent ». Faut-il taire toutes ces folies, pendant que le pays entier attend, stoïque, une nouvelle augmentation du prix de l’électricité et du pain ? Assurément non. Mais c’est dire ces réalités crues qui passe pour une traîtrise à la nation. Toute atteinte à l’image du président de la République est une atteinte à l’image du Sénégal.
Ce qui le rend malade, c’est le refus de George Bush de le saluer, lors du dernier sommet de l’Onu. C’est pourquoi il s’en prend à ceux qui portent atteinte à l’image du Sénégal. Mais il doit s’en prendre à lui-même. On ne peut pas tromper le monde entier aussi longtemps, et s’en tirer à bon compte. On ne peut pas mettre le feu, et mettre en prison ceux qui crient au feu. C’est un non sens.
Même les journalistes qu’il avait réussi à embarquer dans sa propagande mondialiste commencent à ouvrir les yeux. Pour que George Bush trouve quelqu’un menteur et manipulateur, il faut qu’il le soit vraiment ! Le monde l’a découvert, et ce n’est que mérité. Si cet homme avait réussi à tromper la vigilance du monde entier et s’attribuer le prix Nobel de la paix, ce serait une injustice irréparable faite à Me Babacar Sèye, Ismaïla Mbaye, Talla Sylla, tous les jeunes désespérés qui meurent en mer, et ceux qui sont rapatriés de force quand ils échappent à la mort.
L’appel à la presse n’est pas celui du va-t-en-guerre qu’il a toujours été. C’est celui d’un homme désespéré. Quand il en avait les moyens, il menaçait ses opposants de représailles, et promettait l’enfer aux journalistes. Qu’il se rende à sa « tristesse » et qu’il s’en remette à la « conscience » de chacun est un aveu d’impuissance. Ce n’est pas un acte de sagesse.



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