Jeudi 25 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ C H R O N I Q U E ] - Le Roi Wade d’Arabie

Single Post
[ C H R O N I Q U E ] - Le Roi Wade d’Arabie

« Le progrès est peut-être une
façon de changer de malheur »
Françoise GIROUD



L’histoire dira si l’opposition a raison de ne pas répondre à l’appel au dialogue du président de la République. Je n’ai jamais accordé du crédit à Abdoulaye Wade. Pour la première fois, je pense que c’est un homme déchiré et meurtri qui lance un appel de détresse. Il a entamé sa croisière en famille, et on peut dire tant pis s’il se noie. Mais un président naufragé, ce n’est pas n’importe quel cayucos qui se perd en mer. Il rame sans gouvernail, et sa perte engendrera celle de tout le pays, croyez-moi. La destruction du stade Assane Diouf est le dernier acte qui doit nous forcer à lui tenir les mains, après qu’il a perdu la tête. C’est la preuve que le pays va mal, et que le pouvoir, tenu depuis huit ans par un seul homme avec sa cour, est maintenant éclaté entre les mains de quelques mafieux. Pour la première fois je pense, le président de la République se rend compte de la gravité de la situation et de l’ampleur du désastre qu’il a causé. Son appel n’est pas celui d’un homme qui recherche une solution. C’est celui d’un homme qui n’a plus de solution. Le fait que son invite survienne à quelques jours du sommet de l’Oci n’est pas la preuve d’une nouvelle tentative de manipulation. C’est plutôt l’aveu de son échec personnel. Son intention, j’en suis convaincu, était de réunir son opposition, de l’inviter au sommet de l’Oci. Ca lui aurait permis de donner au monde islamique l’image d’un Sénégal uni, et de faire croire que quelque part, l’échec de son fils héritier est aussi l’échec de tout le pays. Cet appel à l’opposition, c’est lui qui l’a voulu et suscité. Alioune Tine raconte n’importe quoi quand il assure pompeusement avoir passé beaucoup de temps à convaincre Abdoulaye Wade. Le président de la République était déjà convaincu. Quand il recevait son droit-de-l’hommiste converti, sa lettre était déjà pensée et écrite. Ce qui est plutôt triste, c’est de voir à quel point les initiatives du chef de l’Etat sont court-circuitées dans son propre camp. Wade sait mieux que quiconque qu’il ne peut pas dans le même temps adresser un appel au dialogue à l’opposition et décider unilatéralement de reporter les élections locales. Cet unilatéralisme arrogant est en contradiction avec son appel au dialogue. Sans doute l’acte qui le trahit. Depuis huit ans, cette façon de faire n’a jamais rien donné. Mais comme il arrive de plus en plus que son fils décide à sa place, ce sont quelques sbires de Karim Wade qui ont encore une fois décidé de saboter toute initiative consensuelle qui pourrait faire capoter leur plan de prise du pouvoir. La création de nouvelles régions pour justifier le report des élections est un mensonge grossier. Il n’avait aucune urgence à redécouper le pays, si ce n’était pour mieux justifier ce report. Mais élire un homme de l’âge d’Abdoulaye Wade, c’était aussi prendre le risque de le laisser à la merci de ses proches. C’est ce qui nous arrive en ce moment délicat et grave de notre histoire. L’opportunisme et l’empressement avec lesquels Idrissa Seck tente de rejoindre le camp présidentiel tient à ce constat qu’en l’état actuel des choses, le président de la République peut « partir » à tout moment, et que s’il se trouvait « dehors » en ce moment-là, ses « frères » unis derrière Karim Wade lui colleraient un motif à la peau pour le jeter en prison.

Mais ce qui se passe en ce moment est un drame. Sur les huit années passées à la tête du Sénégal, Abdoulaye Wade a passé les quatre, soit la moitié, à préparer ce sommet de deux jours. Et c’est seulement un mois avant la date indiquée que le président de la République se rend compte après tout le monde, que son fils est un incapable à la tête d’une bande d’incapables. Tout nous a été promis pour ce sommet. Et depuis des années, des mois, des semaines, les responsables de l’Anoci ne cessent de nous marteler que les chantiers seraient prêts, que la marchandise serait livrée. Jusqu’à présent, rien du tout. Wade croyait qu’en prenant son avion pour faire un périple dans les pays arabes, il sauverait les meubles. Il s’est rendu en Turquie et en Libye, en espérant que son déplacement servirait à faire venir ces chefs d’Etat. Ils viennent de lui opposer un niet catégorique. Des déplacements pour rien, qui révèlent le gap entre ses rêves de grandeur et le mépris dans lequel il est tenu par la plupart de ses pairs. Il s’est rendu d’urgence en Arabie Saoudite, pour convaincre le roi d’Arabie de venir à Dakar. Devant le monde entier, il a déclaré que le roi lui a fait la promesse ferme qu’il serait à Dakar. Les responsables de l’Anoci l’ont martelé dans toutes les radios et les sites internet avec cette certitude scientifique qui est la marque d’une grande naïveté. Et voilà que deux semaines avant le début du sommet, le roi envoie sa flotte aérienne en révision aux Etats-Unis. C’est aussi une méconnaissance de l’histoire. En 1991, le roi d’Arabie, malade, devait se faire représenter à Dakar par le vice-roi, qui est l’actuel roi. Il avait refusé de venir à Dakar, et c’est finalement la troisième personnalité de l’Etat qui avait représenté l’Arabie Saoudite à ce sommet. Depuis une semaine, des marabouts sont rassemblés un peu partout à Dakar pour « marabouter » le roi d’Arabie, comme si l’Etat n’avait pas tiré les leçons de la dernière CAN ! Mais un problème subsiste, c’est que seules quelques suites présidentielles ont été rénovées au Meridien président. Hier matin encore, le président de la République suppliait le roi de se présenter à l’ouverture du sommet, et de reprendre l’avion l’après-midi s’il le désirait. Un miracle est toujours possible, mais il risque de voir à Dakar le gouverneur de Ryad, pas plus que ça. C’est dire la désespérance du président de la République. Tellement de milliards ont été dépensés, tellement de billets d’avion achetés, de missions conduites dans le monde, pour pas grand chose. Pendant quatre ans, les ministres, les agents de l’administration, les diplomates ont obéi à Wade fils comme des soldats à leur chef, pour un si piteux résultat !
Certains chefs d’Etat africains ont même décliné l’invite du président de la République. Parce que Wade est le dernier homme au monde à comprendre que le sommet de l’Oci ne sert à rien d’autre qu’à prendre des résolutions sans lendemain. Son objectif premier était de convaincre les arabes de financer ses projets, en les inscrivant dans le cadre des préparatifs de l’Oci. Mais quel désastre ! Les caisses de l’Etat ont été vidées pour camoufler un cuisant échec dans la levée de fonds organisée par « l’ingénieur financier » Karim Wade. Entre temps, les arabes nous ont acheté nos entreprises, nos terres, notre port et bientôt notre aéroport. Voyez bien que le stade Assane Diouf a été détruit, pour faire place à la cité « Kawsara ». S’il y a bien un domaine dans lequel l’Anoci a été une réussite, c’est le bradage du patrimoine national aux hommes d’affaires arabes.
Ce qui se passe dans ce pays est extraordinaire. Les réunions publiques sont interdites, le port d’arme est interdit, la plupart des stations d’essence fermées pendant toute la durée du sommet de l’Oci. Même après avoir dépensé plus de 100 milliards de francs Cfa, Karim Wade continue de réclamer aux hôteliers leurs hôtels, aux propriétaires leurs propriétés, et maintenant aux conducteurs de belles voitures leurs belles voitures. On se croirait en état de guerre, pour une manifestation de deux jours qui n’apportera rien à ce pays, si ce n’est que « Karim Wade a quand même réussi à organiser le sommet de l’Oci ». Il ne faut donc pas négliger le drame du président de la République. Il a présenté son fils héritier au monde entier comme l’ingénieur financier capable de transformer Dakar en un coup de truelle. Tout le monde l’avait semble-t-il déçu, et tout le monde avait volé quelque chose. Dans sa tête, il était encore l’homme du 19 mars, le roi de la démocratie en Afrique. C’est avec cette mégalomanie qu’il s’est cru autorisé à convoquer son opposition « demain à 17 heures », en pensant qu’elle se présenterait à genou, les mains liées, pour lui dire « oui son altesse, nous sommes là ». Il y a un temps où l’observer dans sa Cour méritait quelque déplacement. Mais ce qui rend sa fin de règne pitoyable, c’est que plus personne n’attend plus rien de lui.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email